Pauline Butor (Monks) : « Je peux être parfois complètement amnésique »
Triez vos déchets si vous ne voulez pas affronter la colère de Pauline Butor. Ça la rend « dingue »… La DG de Monks répond au « Questionnaire d’INfluencia », autour d’une madeleine et d’un thé, au sein de l’hôtel Swann* – Proust oblige.
INfluencia : votre coup de cœur ?
Pauline Butor : j’en ai deux. Le premier est pour l’été indien, même s’il n’était pas vraiment présent cette année… Mais j’ai quand même vécu un superbe dimanche d’été indien récemment dans un endroit que j’ai redécouvert : le Musée Montmartre. J’y suis allée il y a très peu de temps avec mes enfants, pour voir l’exposition sur le peintre Auguste Herbin que je ne connaissais pas et que nous avons adorée. Ce musée est un vrai coup de cœur, c’est un écrin dans Paris, avec un petit jardin adorable et une vue magnifique sur les vignes de Montmartre. Le musée lui-même est passionnant, j’adore la petite chambre de Maurice Utrillo, l’atelier d’artiste reconstitué de Suzanne Valadon, qui permet de se replonger dans la vie de cette femme extraordinaire qui était blanchisseuse, acrobate, modèle de tous les grands peintres de son époque, puis peintre elle-même.
C’était un moment de temps suspendu auquel on ne s’attend pas et qui est tout en contraste avec mon deuxième coup de cœur : les fashion weeks à Paris. Je trouve que ce sont aussi des moments de beauté, de savoir-faire, d’excellence française, de mise en avant des métiers d’art, et en même temps des moments de frivolité de people, avec les petites perles de Loïc Prigent qui sont toujours aussi drôles. C’est pour cela que j’aime Paris : pour ses endroits refuge et pour son exubérance.
IN. : et votre coup de colère ?
P.B. : il est hyper lié à l’actualité malheureusement. On ne peut pas ne pas être en colère quand on voit la montée en puissance des conflits et violences dans tout le Moyen-Orient, en Ukraine et de tous les autres conflits dans le monde. Enorme colère et tristesse : comment en est-on arrivé là ? Comment peut-on retourner autant en arrière ? Je me souviens des cours d’histoire quand j’étais petite où je découvrais le nazisme et les guerres mondiales et pleurais sans pouvoir m’arrêter. Heureusement, quand on grandit, on dépasse ces moments mais on ne peut pas se blinder complètement : les attentats, les otages, les viols, les bombardements, tout est monstrueux. Et ce qui est vraiment terrible c’est l’impuissance collective et personnelle qui va avec.
J’ai deux raisons plus frivoles – parce qu’il faut bien un peu de légèreté – d’énervement : les Français – et surtout les Parisiens – qui râlaient à la perspective des Jeux olympiques alors que cela a été un super moment : avec de la créativité, de la beauté, de la fête, de la joie, du sport et du dépassement, du partage… Et le non-tri des déchets, ça me rend dingue, partout : au bureau, dans la rue…
IN. : l’évènement qui vous a le plus marquée dans votre vie ?
P.B. : c’est un spectacle que j’ai vu au Théâtre de la Ville il y a plusieurs années, un ballet du danseur-chorégraphe-musicien Hofesh Shechter qui m’a marquée sur le moment et auquel je pense souvent. C’était absolument dingue, une espèce de bulle et de moment d’émotions tellement fort, avec une beauté de la danse et une intensité de la musique qui vous transportent. On atteint une autre dimension, on sort vraiment de soi. C’est pour cette palette d’émotions que j’adore la danse. Je suis retournée voir des ballets qu’il a chorégraphiés, car depuis il est rentré dans le répertoire de l’Opéra de Paris (ndlr à l’Opéra Garnierdu 10 juin au 14 juillet 2025).
IN. : votre rêve d’enfant ou si c’était à refaire
P.B. : je crois que j’aurais fait du théâtre. C’est formidable quand on aime le théâtre et la littérature, de jouer des histoires, de rentrer dans d’autres personnages. Je pense que je n’aurais pas été mauvaise. Quand j’étais étudiante, je me suis lancée dans des cours d’improvisation pendant 6 mois mais bêtement – je ne me souviens plus pour quelle raison – je ne les ai jamais poursuivis. J’aurais dû commencer par des cours classiques. Peut-être un jour…
IN. : votre plus grande réussite ? (pas professionnelle)
P.B. : j’ai réussi mon premier barbecue cet été. J’en ai fait d’autres ensuite et cela marchait toujours très bien, je suis devenue imbattable. J’en suis très fière (rires). Maintenant je comprends la satisfaction de mes copains.
Plus sérieusement, sur un autre niveau que le barbecue, ma plus grande réussite jusqu’à maintenant est d’avoir l’impression de toujours avoir fait des choix en toute liberté, qu’ils soient professionnels ou familiaux.
IN. : votre plus grand échec ? (idem)
P.B. : je pense que je peux être parfois complètement amnésique. Je ne sais pas si c’est parce que je n’ai pas suffisamment exercé ma mémoire, parce qu‘inconsciemment je me dis que ce n’est pas important ou parce que je veux passer sur des choses. Il faudrait un jour que j’en parle à un thérapeute (rires). Je me dis que cela peut aussi avoir des points positifs car c’est aussi une façon d’être plus tournée vers le présent ou l’avenir.
IN. : le personnage historique que vous aimez le plus
P.B. : il est très simple : j’adore la mer sous toutes ses formes. J’aime aussi les moments hyper fugaces d’un fou rire et de discussions partagées avec les gens que j’aime. J’aimerais étirer le temps de ces moments simples de joie et les vivre dans un cadre un peu paradisiaque.
IN. : quel objet emmèneriez-vous sur une île déserte ?
P.B. : sans hésitation, ma crème solaire…
* l’Hôtel Littéraire Le Swann, situé au cœur du quartier historiquement proustien de la plaine Monceau et de Saint- Augustin, présente une collection d’œuvres originales sur l’écrivain ainsi que des pièces de haute couture, des photographies, des tableaux, des sculptures. Notre interviewé(e) pose à côté d’une sculpture de Pascale Loisel représentant bien sûr l’auteur d’ « À la recherche du temps perdu ».
En résumé
L’actualité de Pauline Butor
Pauline Butor (ex Google France) dirige Monks (ex Media.monks) depuis octobre 2023, agence qui se définit comme des ‘Architects of now’ (architectes de mainternant), ‘à la croisée de la créativité, la culture et la technologie’.
Monks (qui appartient à S4 Capital, le groupe de Sir Martin Sorrell) a été nommée “AI Agency of the Year “ par Adweek en décembre 2023.
Principaux clients : Google, L’Oréal, Disney, Netflix, France Télévision, Arte, BMW, Mini, Bacardi.
Vient d’embaucher Sophie Prud’homme (ex Jellyfish et Webedia) au poste de business director.
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