2 mai 2021

Temps de lecture : 6 min

Paul-Emmanuel Reiffers (Mazarine) : « Mon rêve est de trouver un jour un artiste qui représentera la France à La Biennale de Venise. »

Accompagner une trentaine d’artistes par an afin de faire émerger à l’international la nouvelle scène artistique française : tel est le but de Reiffers Art Initiatives, fonds de dotation pour le soutien à la jeune création contemporaine et la diversité culturelle. Paul-Emmanuel Reiffers, Président-Fondateur du groupe de communication Mazarine nous explique pourquoi il veut aider la jeune création contemporaine.
INfluencia : vous annoncez le lancement d’un fonds de dotation pour soutenir la jeune création contemporaine. Quel est le but de cette initiative ?

Paul-Emmanuel Reiffers : depuis des années Mazarine a toujours été proche de l’art. Nous sommes très investis dans le soutien à la création sous toutes ses formes, avons développé des pôles liés à la culture et accompagnons de nombreuses maisons de luxe et marques sur ce sujet. Et nous avons nous-mêmes un espace culturel, le Studio des Acacias, ce lieu mythique des années 60, que nous avons racheté, rénové et transformé en centre d’art en 2014. De façon empirique, comme tout entrepreneur, nous avons produit une première exposition d’art contemporain, puis une deuxième et ensuite chaque année. Nous y accueillons pendant la FIAC des artistes et des photographes de renom, par exemple Mark Handforth en 2014, Rashid Johnson et Matthew Day Jackson en 2015, Benjamin Millepied et Barbara Kruger en 2016, Laure Prouvost en 2018 et Jean-Baptiste Mondino en 2019.

IN. : d’où vous vient ce désir de découvrir et lancer des artistes?

P-E.R. : personnellement je suis un collectionneur d’art depuis ma jeunesse et j’ai toujours pensé que tout ce qu’on faisait dans la vie devait avoir du sens. Et c’est le cas pour Mazarine, inviter les artistes à exposer et partager leurs créations avec nos collaborateurs et nos clients, cela nourrit la créativité et invite à appréhender le monde sous un nouveau regard. Mais cette année nous nous sommes demandés s’il fallait quand même monter une exposition alors que nous sommes toujours en plein Covid. La réponse était claire : la culture ça peut paraître superflu, mais en même temps, c’est absolument essentiel. Jusqu’à présent nous invitions de façon intuitive des artistes reconnus et engagés qu’on aimait, et j’ai eu envie de donner encore plus de sens à cet investissement et de soutenir la jeune création française contemporaine qui en a bien besoin aujourd’hui. Quand vous voyagez beaucoup à l’étranger comme moi, vous réalisez vite que, autant la France est très reconnue dans le milieu de la mode et du luxe, autant les artistes dans le domaine des arts plastiques et visuels sont peu reconnus et soutenus, contrairement à leurs homologues américains, allemands ou anglais, et ont besoin de moyens pour créer, être visibles et aller à la rencontre du grand public, non seulement en France mais aussi à l’étranger. Nous nous sommes alors dit qu’à notre petite échelle, mais avec notre savoir-faire, nous pourrions mettre en avant cette nouvelle scène d’artistes d’origines et de cultures plurielles. J’ai donc décidé de créer un fonds de dotation pour le soutien à la jeune création contemporaine et la diversité culturelle.

Ce fonds, qui a été monté rapidement grâce aux relations que nous avons depuis plus de 20 ans avec les artistes dans le monde entier, bénéficiera d’un soutien financier de 500 000 euros par an. Et il sera accompagné d’un comité référent de 10 personnalités internationales du monde de l’art et de la culture (cf ci-dessous). Il initiera plusieurs actions pour financer, exposer et donner de la visibilité aux figures émergentes de l’art contemporain de demain.

UN WHO’S WHO DE LA CREATION FRANCAISE

IN. : quel sera le rôle de ce Fonds ?

P-E.R. : il consistera en quatre initiatives

– Un programme de mentorat de 6 mois entre une figure majeure internationale de l’art contemporain et un(e) jeune artiste émergent(e), qui donnera lieu à une exposition en octobre pendant la FIAC. Le lauréat du programme est choisi par le mentor parmi une sélection d’artistes émergents proposée par le comité artistique. Pour la première édition, l’artiste star américain Rashid Johnson, dont l’art conceptuel « post-black » est reconnu internationalement et célébré du MoMA au Whitney Museum en passant par la Biennale de Venise, a fait le choix du jeune artiste français originaire de Guadeloupe Kenny Dunkan.

 

– Une exposition curatée par une personnalité internationale du monde de l’art ou de la culture sera organisée chaque printemps autour d’une sélection de jeunes talents dont le travail est en prise avec les questionnements posés par la société d’aujourd’hui.

– Des expositions en Chine et aux États-Unis pour donner une dimension globale et mettre en dialogue avec d’autres cultures le travail des artistes du Fonds.

– Le lancement d’une plateforme digitale en juin prochain avec 20 artistes sélectionnés, conçue comme un “Who’s Who” de toute la jeune création française, pour rendre accessible le travail des artistes au plus grand nombre. Elle proposera des visites virtuelles et la possibilité d’une immersion dans l’univers créatif des talents. Le but du jeu pour nous est de faire émerger ces artistes et notre rêve est de trouver un jour un artiste qui représentera la France à La Biennale de Venise.

IN. : est-ce un one shot ?

P-E.R. : pas du tout, ce n’est pas quelque chose de marketé. C’est un engagement personnel très important que je fais en tant que dirigeant et fondateur, le projet s’appelle d’ailleurs « Reiffers Art Initiatives », cela permet de faire des choix plus radicaux et d’être plus engagé sur les artistes, et de leur garantir la pérennité de ce projet. Il ne s’agit absolument pas de faire cela une fois et d’arrêter.

IN : souhaitez-vous que des marques apportent un soutien à l’opération ?

P-E.R. : c’est une vraie question. Certaines nous ont déjà approché. Il y a un mois, nous étions partenaires de LVMH Métiers d’Arts pour exposer au Studio des Acacias le jeune artiste Raphaël Barontini. Cette exposition a été reportée à juillet prochain. Nous souhaiterions renouveler cette collaboration pour les futures éditions. Mais oui, bien sûr, si cela apporte un véritable push aux artistes nous pourrions avoir d’autres partenariats. Mais nous n’en attendons pas spécialement, ce sera au cas par cas.

IN : les marques de luxe se portent bien, comment va Mazarine ?

P-E.R.: Mazarine est un groupe spécialisé dans le luxe et la mode, qui intègre toutes les expertises de la communication : le digital, l’évènementiel, le print, l’image, le brand content, le design, le packaging, avec à chaque fois des identités propres par métier, avec une forte internationalisation ces 4 dernières années en Chine, (Hong Kong, Shanghai et Pékin ) et aux États-Unis à New York avec des filiales qui sont à la fois digitales et événementielles. Depuis 28 ans nous avons connu une croissance régulière et importante. La crise sanitaire est arrivée, et il y a la situation avant Covid et après Covid. Avant la pandémie, nous étions le troisième groupe indépendant français avec 145 millions d’euros de chiffre d’affaires, et quelque 400 collaborateurs à l’international.

IN. : l’événementiel et Mazarine, c’est également une longue histoire. Quelles réflexions a suscitées le Covid le concernant?

Comme nous réalisions un tiers de notre CA lié à l’évènementiel, et notamment à la production de grands évènements internationaux, forcément nous avons été très impactés. Mais nous avons eu beaucoup de chance car cet impact a eu lieu en mars 2019 et nous avions eu le temps de produire fin mars la première période de la Fashion Week. Notre groupe est très résilient, nous avons été extrêmement soutenus par nos clients. En dehors de l’évènementiel où il ne se passait plus rien, nous avons fait une année étonnante, très positive. Et nous en avons profité pour fortement investir – et nous continuons à le faire – à la fois dans le digital et dans les outils de travail, nous avons notamment réaménagé pour nos collaborateurs nos espaces de travail et de vie pour les rendre plus conviviaux.

Aujourd’hui le digital représente déjà un peu plus de la moitié de nos revenus, avec une équipe forte de 180 personnes. Les marques qui, à cause de la crise du Covid, n’ont pas consommé de budget dans l’évènementiel, ont pris conscience que le digital était extrêmement important et se sont toutes mises à réinvestir dans leurs outils de production de contenus, dans de nouveaux sites et de nouvelles plateformes et dans des expériences immersives digitales et ont fortement fait appel à nous fin 2020. Nous avons par exemple sorti très récemment le nouveau site du Louvre et réalisé des expériences technologiques pour l’Opéra national de Paris pendant le premier confinement. Et aujourd’hui nous sommes plutôt en recherche de ressources que de clients.

Un comité artistique international

Emma Lavigne, présidente Palais de Tokyo, Paris
Benjamin Millepied, fondateur LA Dance Project, Los Angeles
Marie-Cécile Zinsou, fondatrice Zinsou Foundation, Cotonou
Simon Njami, écrivain et commissaire d’exposition, Paris
Matthieu Humery, commissaire d’exposition, New York
Diana Campbell Betancourt, directrice artistique Samdani Art Foundation et Dhaka Art Summit, Bruxelles
Thomas Shao, fondateur Modern Media, Shanghai
Eve Therond, consultante en Art, New York
Olivier Massart, fondateur La Mode en Images, Paris
Thibaut Wychowanok, journaliste et critique d’art, Paris

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