2 mars 2020

Temps de lecture : 4 min

Parce que les apps lient

Antinomique d’user du digital pour créer du lien social ? à en croire la farandole d’applications florissant sans complexe sur les smartphones d’urbains comme de ruraux, le numérique pourrait bien être une solution durable à la re-création de proximité entre citoyens d’un monde aseptisé en quête de sens et de mouvement.

Antinomique d’user du digital pour créer du lien social ? à en croire la farandole d’applications florissant sans complexe sur les smartphones d’urbains comme de ruraux, le numérique pourrait bien être une solution durable à la re-création de proximité entre citoyens d’un monde aseptisé en quête de sens et de mouvement.

Dans son rapport digital 2020 pour l’agence We are Social, Hootsuit dévoile que nous comptons aujourd’hui 5,19 milliards d’utilisateurs mobiles uniques dans le monde et que plus de la moitié du temps passée sur Internet se fait via des appareils mobiles (soit en moyenne 6 heures et 43 minutes par jour en 2020). Alors, puisque tous les moyens sont bons pour justifier une addiction à ces technologies facilitatrices du quotidien, la carte du lien social et de la proximité citoyenne est posée sur la table. En France, 43 % des Français* adhèrent à une cause associative, dont 27 %** dans le social caritatif. Mais si ces chiffres pourraient raviver à eux seuls un tant soit peu les couleurs du drapeau tricolore qui prône la « fraternité », c’est à l’entrepreneuriat qu’il faut dire merci.

Pour pallier la rudesse des temps

Devant l’immensité d’une société consumériste, dont le modèle économique dépasse l’entendement de toute logique durable, le collectif citoyen s’organise pour laisser place à des solutions alternatives. Marchandes, sociales, solidaires, et/­ou autogérées, elles sont multiples, engagées et engageantes, et sèment les graines nécessaires à un nouveau chemin pour la proximité et le lien social sincère et… durable, encore une fois. Victimes ou profiteuses de l’époque du tout digital, ces idées et petites révolutions prennent vie sur mobile via des applications, et adaptent chacune à leur manière politiques d’utilisation et missions.

En exemple, l’application Entourage. Un projet initié par Jean-Marc Potdevin, en 2014, qui prend conscience de l’isolement et de la misère du quotidien qu’un simple bonjour pourrait soulager. Pour l’association, la mission est claire : « Aider une personne SDF, ce n’est pas simplement lui donner un toit, un emploi ou répondre à ses besoins primaires, c’est avant tout lui redonner son humanité, sa place dans la société ». Là où une sorte d’omerta règne sur l’importance du lien social comme survie en terres individualistes, Entourage fonce et s’engage à conscientiser les Français sur la problématique de la solitude et la beauté du lien solidaire et citoyen. Pour ce faire, un véritable réseau se met en place, en marge des pouvoirs publics et organes associatifs. À l’aide d’experts de l’action sociale et du digital, mais aussi et surtout de personnes ayant connu la grande précarité, Entourage construit une plateforme facilitant la création de lien entre bénévoles et gens dans le besoin. En à peine six ans, le secteur de la grande exclusion mobilise plus de 62 000 citoyens qui rejoignent Entourage pour plus de 5 600 actions de solidarité. Ateliers et campagnes de sensibilisation, actions solidaires, rencontres, activités : une initiative qui à elle seule rebat les cartes d’une croyance générale de perte de lien liée aux écrans.

Dans une même veine solidaire, Indigo déboule au printemps 2019 en introduisant le concept de « Monnaie sociale de la Générosité », le Digo. Usant des codes marchands capitalistes à la sauce solidaire, l’application propose de « retisser le lien social » entre citoyens via l’échange de biens et services monétisés de manière symbolique et fictive. Une sorte de leboncoin avec pour règle d’or entraide et gratuité. Avec un modèle économique basé sur les dons d’utilisateurs et un système de redistribution de son chiffre d’affaires aux associations luttant contre l’exclusion et la précarité, la jeune pousse coche toutes les cases d’un « réseau social vertueux, au service de l’intérêt général ».

Pour raviver l’esprit « vie de quartier »

Moins charitables, mais tout aussi ludico-pratiques, on voit les applications Stootie ou encore LuluDansMaRue ravir de nombreux urbains en quête d’un petit coup de main. L’idée pour ces deux plateformes ? Mettre en relation des personnes en fonction de leurs besoins et compétences. Vous séchez pour monter une étagère, réparer un vélo, déménager, repasser : une ou un voisin propose ses tarifs et disponibilités pour vous aider. Fini les services spécialisés souvent ultra onéreux, ici la confiance règne et l’échange monétaire se fait directement par virement sécurisé via la plateforme. Ensuite, un système de notation permet aux autres utilisateurs de foncer, ou non, sans hésiter. Pour boucler les fins de mois compliquées ou trouver de l’aide rapidement un dimanche après-midi de vacances scolaires, cette ubérisation des pratiques spécialisées traditionnelles se vend comme des petits pains.

Quid des systèmes traditionnels aux revenus en chute libre ? En mêlant gain matériel et notion d’entraide, il semblerait que la start-up nation ne soit pas que le creuset d’innovations capitalo-centrées et laisse aussi place à un futur plus doux et plus humain. Dynamiser les liens sociaux de proximité et la vie de quartier, créer de l’emploi, de la solidarité, de la place au vrai et à l’essentiel : voilà ce que promettent cette ribambelle d’applications que sont Nextoyou, Nextdoor, Smiile, Parisjetequitte, Friendeed et consœurs. En bref, le collectif comme motto, pour une citoyenneté qui se serre les coudes face à des pouvoirs publics encore souvent trop peu répondants, parle aux Français.

* Recherche & Solidarités, « Diffuz facilitateur du bénévolat occasionnel », 09/2017.
** Enquête Ifop pour France Bénévolat, « L’évolution de l’engagement bénévole associatif en France, de 2010 à 2016 », 2016.

Cet article est tiré de la Revue INfluencia n°32 : « L’Odyssée des Territoires ». Cliquez ici pour découvrir sa version digitale. Et par là pour vous abonner.

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