29 août 2024

Temps de lecture : 5 min

Ottobock veut changer le regard sur le handicap grâce à ses porte-voix, athlètes paralympiques craquants d’humanité…

Alors que des athlètes du monde entier se rassemblent à Paris pour les Jeux paralympiques, Ottobock, le leader mondial du marché des prothèses, a dévoilé une campagne signée "The Unofficial Discipline". Fabienne Bonnet, dircom France de la société allemande s'exprime sur cette présence jamais égalée depuis les JO de Séoul.   

Objectif de l’opération ? montrer qu’un milliard (16% de la population mondiale) de personnes doivent, au quotidien, se confronter à des obstacles urbains, escaliers, pavés, portes étroites, ascenseurs sans rampes, etc. Une opération d’ampleur créée avec le soutien du Comité International ParalympiqueSans concession, cette campagne créée par l’agence de création Presence, devrait forcément capter l’attention du public dont le regard évolue. « Pouvons-nous battre le record du franchissement des barrières ? », « On ne peut pas monter jusqu’au sommet dans un ascenseur en panne », « L’inaccessibilité ne permettra pas d’atteindre la ligne d’arrivée. » Ces messages sont affichés stratégiquement dans des endroits inaccessibles tels que les escaliers et à proximité des attractions populaires de Paris, notamment la Tour Eiffel. La campagne sera également diffusée sur les plateformes de médias sociaux, notamment YouTube, Meta et Google.

Plus de 20 athlètes paralympiques de haut niveau (dont la Française Pauline Déroulède, la Britannique Samantha Kinghorn, l’Américain Ezra Frech et l’Allemand Léon Schäfer) et plus de 50 utilisateurs internationaux de prothèses Ottobock donneront aussi vie au mouvement « Discipline non officielle », en utilisant le hashtag #UnofficialDiscipline, qu’ils partageront, pour évoquer leurs luttes quotidiennes sur Instagram et TikTok, déclenchant ainsi, -espère Ottobock-, un mouvement mondial en faveur du changement, sur les réseaux sociaux.

De son côté, très explicite, le spot donne la parole à des sportifs sur ce qu’est leur quotidien en termes de déplacements, et ce que cela induit physiquement et mentalement. Car, chaque sortie, déplacement implique une réflexion complète du trajet à effectuer, des obstacles qui menacent un peu partout dans les villes. Finalement, pour ces derniers, le plus facile, est peut-être de pratiquer leur discipline dans ces lieux parfaitement adaptés que sont ces couloirs de nage, de course, ces courts de tennis, ces sols complices, ces coachs, compagnons de route précieux et indispensables…

Fabienne Bonnet, directrice de la communication France de Ottobock nous en dit plus

INfluencia : nous avons découvert le plan de communication impliquant Ottobock ces jours-ci. Pourriez-vous nous expliquer Ottobock en quelques mots…

Fabienne Bonnet : Ottobock est une entreprise allemande qui a été fondée en 1919 par Monsieur Otto Bock et qui aujourd’hui est incarnée par la quatrième génération puisque en la personne de Georgia Nader arrière petite-fille du créateur, qui portait d’ailleurs avant-hier la flamme paralympique quelque part dans Paris… L’entreprise a été fondée après la première guerre mondiale en partant du constat qu’il fallait absolument remettre sur pieds tous ces mutilés de guerre… À l’époque, il s’agissait de prothèses en bois, genoux, pieds, etc. Ensuite Otto Bock développe avec son gendre Max Nader, les liaisons, ou adaptateurs entre les différents membres, et passe à la phase industrielle. Ces pièces étaient modulaires, des séries de pieds, droits, gauches, de genoux droits, gauches, etc. Il s’agissait ensuite de créer des tubes de toutes les longueurs puis, après cela, faire appel à un orthopédiste qui créait une emboiture sur mesure. L’esthétique était importante à l’époque, il ne fallait pas que le handicap se voit. De la mousse recouvrait la prothèse, qui ensuite était recouverte d’un bas. Nous sommes alors dans les années 50.

IN. : nous sommes loin de ces techniques…

F.B : les technologies évoluent effectivement. Dans les années 80-90, apparaît le premier microprocesseur pour les genoux, qui permet de verrouiller les positions et donne ainsi la possibilité de se tenir de manière stable. Et puis naît la main polie articulée … Dans le même temps, Ottobock s’internationalise… Georges Nader, fils de Max Nader, est l’actuel propriétaire de la société. Georgia Nader est actuellement chargée du développement du marché méditerranéen.

IN. : quelle est l’ampleur de ce marché ?

F.B. : contrairement à ce que certains imaginent, c’est un marché de niche, parce que l’amputation est liée à des problématiques de diabète et de maladie cardio-vasculaire artéritique. Donc notre clientèle est pour 85% âgée.

IN. : rien à voir avec les Jeux paralympiques… Les Jeux paralympiques offrent-ils une image une image plus « hype »à Ottobock ?

F.B. : accidents du travail traumatiques, malformations congénitales de naissance font partie des maux dont souffrent nos athlètes paralympiques, pour 15 à 20 %… Nous sommes présents depuis les Jeux de Séoul en 1988. On sait que le sport « remet debout » les individus dans tous les sens du terme, la discipline sportive permet de se dépasser, de faire son deuil, de se transcender et nous avons un certain nombre d’utilisateurs qui dans leur vie quotidienne vont mettre le sport au cœur de leur vie sans pour autant devenir des champions. Par ailleurs, c’est aussi pour nous une manière de montrer ce que veut réellement dire notre métier, ce n’est pas que de la technique, c’est de l’humain, beaucoup d’humain… Les prothésistes qui accompagnent les athlètes paralympiques dans cette aventure partagent une forte intimité avec eux, c’est un partenariat de longue haleine. On ne se quitte pas facilement. Le médecin est prescripteur mais l’orthopédiste va toucher le patient, il y a un contact physique intime, une connaissance de son corps extrême et sensible. Manon Jeunet qui est une athlète de saut en longueur a suivi son orthoprothésiste, lorsqu’il a dû changer d’employeur parce que c’était trop douloureux de devoir recommencer à raconter son histoire à une autre personne… Bref la vie ne s’arrête pas à un accident, tout est possible et en cela notre métier est légitime ici.

IN. : quel est votre mantra ?

F.B. : Responsabilité, humanité, innovation sont nos moteurs.

IN. : vous êtes donc présents aux JO depuis Séoul, mais aviez-vous communiqué aussi fortement par le passé ?

F.B. : c’est la première fois que nous faisons ce type de campagne en utilisant les réseaux sociaux, les influenceurs qui offrent une vraie fenêtre de vie à tous ces individus, et au grand public. Mais pour être honnête, cette campagne a été imaginée après le succès obtenu par  » I AM a Mountain » que nous avons lancé en partenariat avec Sam Ryder l’année dernière et qui a réalisé 162 millions de vues… Nous nous sommes dits que les réseaux sociaux représentaient un immense potentiel pour notre cause, notre rôle.

Vous savez, il n’y a pas si longtemps, on cachait son handicap, et du même coup une société comme la nôtre, se cachait plus ou moins aussi par osmose…

Ce qui a tout changé pour nous, ce sont les Jeux paralympiques de Londres en 2012. Ces Jeux ont changé le regard sur le handicap. Ces jeux étaient admirablement organisés d’un point de vue accessibilité, les stades étaient pleins, et le regard sur le handicap des anglo-saxons n’est pas suspicieux… comme il peut l’être dans d’autres contrées où les gens « ont peur » du handicap.

IN. : certains pensent d’ailleurs qu’il y aura moins de spectateurs, que leur répondez-vous ?

F.B. : j’ai l’impression que c’est en train de changer ça aussi, les tickets partent comme des petits pains, certaines disciplines sont prises d’assaut. C’est génial. Alors l’effet JO à Paris y est certainement pour beaucoup, et les gens ont envie d’être de la fête des paralympiques. Mais je crois aussi que nous avons tous une part de responsabilité dans l’acceptation du handicap. Bien entendu nous ne solutionnerons pas tout en en parlant, mais on s’efforcera de rendre la vie plus facile aux personnes en situation de handicap. Apporter de l’aide si besoin et ne pas détourner le regard, ne pas être indifférent, tout comme on aide une maman chargée avec sa poussette à monter des escaliers dans le métro… ou une personne âgée à traverser une rue. Je dirai que l’acceptation du handicap est en marche.

IN. : en termes d’organisation, avez-vous noté une attention égale de la part de l’organisation, à celle des JO ?

F.B. : l’accessibilité était au programme dès le début de l’aventure. Personne ne s’est réveillé en disant, « ah au fait ! …  » D’ailleurs, la transition entre les olympiques et les paralympiques, est très fluide, très peu de choses sont modifiées. La hauteur des tables, les fauteuils, tout était déjà comme cela pour le début des JO. Ludivine Munoz – Responsable Intégration paralympique Paris 2024 et conférencière Sport et Inclusion -, a vérifié elle-même tout le village la semaine dernière pour être certaine qu’en fauteuil tous les sites étaient raccords !

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