Depuis juin et jusqu’en novembre, Mozilla sort le processus de refonte d’identité de marque de la grotte dans laquelle il se protège trop souvent (à tort?) du grand public. Le navigateur web porte-drapeau de l’Internet libre et gratuit veut revenir à ses premières amours open-source. Entretien avec son directeur de création.
Six mois, voilà le temps qu’il va falloir à Mozilla pour relooker son logo. Cela vous parait long ? Nous aussi. Mais pour Tim Murray, le directeur de création du navigateur web, » le calendrier est en fait assez rapide pour un projet d’identité de marque de cette envergure et de cette complexité « . Si la refonte est délicate, c’est parce que Mozilla a décidé de mettre la transparence et l’ouverture au centre de son rafraîchissement iconographique. Or « écouter et itérer prend du temps », précise Tim Murray. Fidèle à son héritage open source, le navigateur, développé et distribué avec l’aide de milliers de bénévoles, invite monsieur-tout-le-monde à participer au processus. Comment ? En lui permettant de suivre les étapes de création au jour le jour, de commenter, de donner son avis. Cela pourrait éviter une fiasco comme ceux de GAP ou plus récemment AIr BnB…
Moins d’un mois après le lancement de cette campagne estampillée open design et intitulée Branding without walls, plusieurs dizaines de mozillians et de designers participent à la conversation via le blog, par e-mail ou dans les commentaires des articles de presse. « Notre objectif est d’aborder ce processus avec un esprit ouvert et de croire que le résultat sera positif « , raconte Tim Murray. L’initiative sera logiquement suivie d’une opération complémentaire pour communiquer sur une identité de marque modernisée.
Contrairement à d’autres processus de re-design participatifs, Mozilla a décidé de ne pas demander aux gens de voter sur le logo final. Il n’y aura pas non plus de tombée de rideaux dramatique puisque tout le monde aura vu le travail évoluer en temps réel. INfluencia a voulu comprendre la finalité et les enjeux. Entretien avec Tim Murray, directeur de la création de Mozilla.
INfluencia : pourquoi avoir mis en place ce processus d’open design si ce n’est pour être en accord avec l’identité patrimoniale de Mozilla?
Tim Murray : alors qu’Internet se développe et change à une vitesse incroyable, notre marque doit évoluer au même rythme. Notre identité actuelle avec ses éléments créatifs limités -un logotype et quelques couleurs “corporate”- ne nous fournit pas assez d’outils pour communiquer clairement. Ce qui nous a amenés jusqu’ici ne nous soutiendra pas à l’avenir. L’open design est pour Mozilla un moyen de créer un langage de marque qui renforce ce en quoi nous croyons : qu’Internet a un potentiel illimité et que les internautes devraient avoir l’expertise nécessaire pour comprendre leur valeur et pour aller librement là où ils veulent. Au cours des dernières années, nous nous sommes quelque peu éparpillés et avons perdu le côté rebelle de nos débuts, que ce soit concernant les nombreux sujets dont nous avons choisi de parler ou l’apparence de notre marque. Aujourd’hui, nous lui donnons un nouvel élan pour la tourner complètement vers le grand public.
IN : attendez-vous vraiment un apport créatif ou s’agit-il avant tout de transparence et de partage ?
T.M. : à ce premier stade de stratégie créative, nous avons déjà reçu des contributions qui nous aident à affiner vers davantage d’exploration créative. Nous nous attendons à ce que chaque version de concept intrigue plus de designers pour qu’ils nous disent ce qui fonctionne ou pas. Certains de ces designers esquisseront même la meilleure façon de représenter la marque. Nous serons ouverts à ces suggestions et incorporeront peut-être leurs réflexions dans notre travail à mesure qu’il évolue. Comme notre expérience est une première à cette échelle, nous n’avons pas d’idée prédéterminée du résultat ou du niveau de participation. Ensemble, nous allons voir comment la communauté de designers répond.
IN : pourquoi ne pas solliciter le vote de la communauté ?
T.M. : nous croyons que nous obtiendrons un meilleur résultat en combinant les idées et les critiques des gens consciencieux, avec l’expertise de ceux qui ont passé leur vie à définir et concevoir des marques. C’est notre hypothèse et nous verrons si elle se vérifie.
IN : espérez-vous consolider la communauté existante, l’agrandir ou éveiller le quidam sur un processus créatif souvent opaque ?
T.M. : nos motivations sont multiples. Nous voulons obtenir l’identité de marque la plus moderne, techniquement avancée et visuellement stimulante possible. En même temps, nous voulons démontrer qu’une identité de marque peut tout à fait se concevoir via un processus ouvert plutôt que derrière des portes closes. Chez Mozilla, nous y croyons fermement. Enfin, nous voulons faire croître notre communauté de designers bénévoles contribuant à la mission de Mozilla de la même façon que notre communauté d’experts de technologies open-source a augmenté au fil des ans.
En tant que directeur de la création, j’ai longtemps préconisé d’ouvrir l’accès à notre travail et de l’offrir à la critique pour le rendre meilleur. Il y a une rigueur dans le travail sur une marque qui mérite d’être célébrée. Elle reste méconnue quand les gens pensent que son développement est assimilé à l’illusion d’un magicien qui se fait en secret. Les grands concepts dépendent autant de l’ingéniosité créative que d’une logique disciplinée. Tirer le rideau sur cette dualité est une des raisons essentielles qui nous a amené à choisir ce processus.