1 avril 2015

Temps de lecture : 3 min

Les odeurs ont-elles un genre ?

Boisé et minéral pour les hommes, fruité et floral pour les femmes. En 2015, les familles olfactives de la parfumerie s’inscrivent toujours dans des oppositions de genre. L’odorat féminin est-il vraiment différent de l’odorat masculin ? Le marketing olfactif n’aurait-il pas un parfum de stéréotypes ? Analyse de Womenology.fr.

Boisé et minéral pour les hommes, fruité et floral pour les femmes. En 2015, les familles olfactives de la parfumerie s’inscrivent toujours dans des oppositions de genre. L’odorat féminin est-il vraiment différent de l’odorat masculin ? Le marketing olfactif n’aurait-il pas un parfum de stéréotypes ? Analyse de Womenology.fr.

Les rayons des grandes parfumeries ne laissent que peu de place à la découverte de senteurs nouvelles. L’analyse des notes olfactives laisse apparaître clairement des oppositions de genre. « Invictus » de Paco Rabanne se décrit comme « l’essence du champion ». Ses notes sont « viriles » à souhait : « Bois de Gaïac », « Accord Marin » et autre « Résine de Labdanum ». Les hommes sont-ils déterminés à préférer les parfums épicés et boisés ? Rejettent-ils vraiment les notes fruitées et florales que l’on retrouve plus souvent dans les parfums dits « féminins » ?

Notes de tête, de cœur et de fond… de clichés

De nombreuses études ont cherché à prouver que l’odorat féminin était différent et plus développé que l’odorat masculin. Mais « l’idée que nos comportements puissent être régis de façon inconsciente par des hormones, c’est-à-dire à notre insu, date aussi d’il y a environ cinquante ans. L’être humain fonctionne d’abord par des stratégies intelligentes, basées sur des représentations mentales et elles ne sont absolument pas déterminées par les hormones », explique Catherine Vidal, neurobiologiste. Notre cerveau -qui analyse les odeurs- n’a pas de sexe. Le marketing olfactif ne s’appuie sur aucune réalité biologique lorsqu’il crée des notes « masculines » et « féminines ».

L’histoire embaume les représentations de genre

En 2015, le gel douche Petit Marseillais pour homme « masculin » propose un zeste d’agrumes et de menthe. Mais à la différence d’un gel douche, le parfum est un produit impliquant dont l’univers touche de près à la notion de virilité. Et c’est précisément là que le bât blesse. Quel regard portera le conseiller ou la conseillère de vente chez Sephora à un homme qui exprimera l’envie d’un parfum aux notes fruitées et fleuries ? Osera-t-il partager cette préférence ? Et si ce même homme est en manque d’inspirations, osera-t-on lui proposer un parfum aux senteurs de rose, de patchouli ou de jasmin ? « Chez les hommes, le parfum est resté longtemps lié à l’univers de la toilette, du rasage. Aujourd’hui encore, beaucoup de fragrances masculines sont dans ce registre de la fraîcheur, de la propreté. Chez les femmes, en revanche, les goûts se sont affinés en fonction des époques : compositions florales, colognes hespéridées, parfums aldéhydées ou ambrés, fragrances à base de patchouli, senteurs fruitées ou gourmandes… On retrouve fréquemment des notes fruitées dans les gels douche masculins, moins dans les eaux de toilette », explique Nicolas Olczyk, diplômé d’une maîtrise de chimie et expert marketing du parfum.

Stéréotypes et parfums : vite, un vaporisateur !

« Tout autour de la femme se crée une ambiance parfumée où les odeurs de fleurs privilégient l’innocence et la pureté », écrit l’historienne Françoise Dierkens-Aubry. Pourtant, les goûts et les couleurs varient en fonction des pays. « Dans certaines contrées, les hommes aiment les odeurs de rose et les femmes ont l’habitude des senteurs boisées ou épicées. Si en Europe c’est moins usuel, c’est principalement lié à nos habitudes », ajoute Nicolas Olczyk. La vie est belle pour les stéréotypes. Le parfum du marketing olfactif n’a toujours pas viré vers une note progressiste.

Au-delà du genre, l’identité

Nos goûts ne sont pas aussi tranchés que les grandes marques de parfums le laissent entendre. A la différence des parfumeurs qui ont parfois besoin d’ajouter à leurs compositions un conservateur dans le but de retarder les effets d’oxydation, les marketers ne devraient pas avoir besoin de conservateurs. Pour sortir de la pyramide plfactive des stéréotypes, certaines marques ont choisi de décloisonner les genres. Avec son parfum « Féminité du Bois », Serge Lutens veut « mettre au féminin le masculin ou le masculin au féminin (…). Le parfum reprenait en soi ce qui m’est le plus cher : une identité ». Bousculons nos habitudes d’achat. Promenons-nous dans les rayons des parfums « homme » et « femme », réclamons aussi des rayons mixtes. Demain matin, appliquons un pschitt dans le cou et deux pschitt pour les stéréotypes.

Benjamin Smadja, Directeur Marketing et Marion Braizaz, Doctorante en sociologie,aufeminin.com ; Womenology.fr 

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