28 août 2016

Temps de lecture : 3 min

Numérique : les nouveaux chemins de la citoyenneté

Faire du web et des réseaux sociaux un espace de citoyenneté est un enjeu collectif, mais qui passe par chacun d'entre nous. Une des clés : une meilleure compréhension de ses codes (sociaux) et de son code (numérique) pour construire un écosystème du vivre ensemble. C'est avant tout un enjeu d'éducation, et dont les lignes qui suivent pourraient être le manifeste.

Faire du web et des réseaux sociaux un espace de citoyenneté est un enjeu collectif, mais qui passe par chacun d’entre nous. Une des clés : une meilleure compréhension de ses codes (sociaux) et de son code (numérique) pour construire un écosystème du vivre ensemble. C’est avant tout un enjeu d’éducation, et dont les lignes qui suivent pourraient être le manifeste.

Comme lors des attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher, Internet et les réseaux sociaux ont été au cœur même des événements qui ont secoué la France le 13 novembre. Encore une fois, les réseaux sociaux ont été dès le commencement aux avant-postes en donnant minute par minute (notamment sur Twitter) des informations sur ce qui était en train de se passer à Paris. Puis, aussitôt, la solidarité et l’échange se sont invités, démontrant ainsi que les réseaux sociaux, outre leur rôle d’information, possèdent une dimension sociale forte. Ce fut le cas avec le hashtag #PortesOuvertes, qui a émergé instantanément sur Twitter, où certains offraient spontanément la possibilité à ceux qui se trouvaient sur les lieux des événements de venir se réfugier chez eux. De même, le « Safety Check » mis en place par Facebook le soir même a permis à chaque membre habitant Paris de se signaler afin de rassurer ses proches et ses amis sur sa situation.

Le coeur « virtuel » du collectif 

S’ils ont été au cœur des événements, les réseaux sociaux ont aussi été le cœur des événements. Immédiatement, Facebook, Twitter, Instagram se sont mués en « chapelle ardente », où les messages de sympathie, d’empathie, de solidarité et de soutien se sont échangés. À #JeSuisCharlie a succédé #JeSuisParis. Le symbole Peace for Paris, variation du Peace and Love, une tour Eiffel enchâssée dans le signe de la Paix, dessiné par l’illustrateur Jean Jullien est devenu le signe de ralliement. Les photos de profil se sont subitement parées d’une trame bleu blanc rouge en signe de solidarité internationale et de fierté française…

Ce partage émotionnel via les réseaux, s’il avait été très important en janvier, a été tout simplement vital en novembre. Tout type de rassemblement étant rendu impossible du fait de la mise en place de l’état d’urgence et annulant de fait une grande marche unitaire comme celle du 11 janvier 2015 – qui avait permis de cristalliser et d’incarner le sentiment d’appartenance –, les réseaux sociaux ont joué pleinement ce rôle fédérateur.

Imagine-t-on ce que cela aurait été sans Facebook, Twitter, Instagram et autres ? Comment aurait pu s’exprimer ce vif besoin de partage et de solidarité ? Comme le remarque le sociologue et spécialiste des réseaux sociaux Benjamin Loveluck, dans une interview à M, le magazine du Monde, le « like » dans ces moments tragiques est devenu « une main sur l’épaule virtuelle ».

La dimension de tous les possibles

On a pu, ici ou là, reprocher aux réseaux sociaux de se réduire à une pure approche compassionnelle. Peut-être… Mais l’empathie n’a pas la prétention de résumer l’engagement en entier. Elle n’en est qu’un moment. Et quand bien même, si c’était le cas, n’est-ce pas aussi par ce lien émotionnel que prend naissance l’expression de la citoyenneté ? Comme une première étape, celle du sentiment d’appartenance à une communauté. Une première étape nécessaire comme la conscience d’un enjeu collectif.

Car les réseaux sociaux sont souvent décriés comme porteurs d’expressions individualistes, voire narcissiques. Et dès que des événements cruciaux adviennent, ils apportent la preuve que ces mêmes réseaux n’usurpent pas le qualificatif de « sociaux ». Ils démontrent qu’ils sont capables d’assumer une dimension collective et constructive. Au-delà de la compassion, ils sont aussi le lieu d’enjeux collectifs et le vecteur d’actions citoyennes, comme les pétitions en ligne, des mouvements de solidarisation pour une cause, des entrées pour le financement coopératif de projets, le crowdfunding, des appels à l’engagement…

Pour autant, il ne s’agit pas d’idéaliser. Dans le même temps, avec une concordance frappante, la réalité nous montre que les réseaux sociaux et Internet hébergent également des messages de dérives, de dérapages, des expressions de haine… Alors, avec la même régularité, apparaît aussi le cortège de ceux qui tiennent le coupable idéal : Internet et les réseaux sociaux, la source de tous les maux et de toutes les dérives. Et de reprendre le même chapelet de propositions visant à encadrer et à mettre sous contrôle Internet.

Outre que cela est totalement irréalisable – la ligne Maginot semble avoir encore ses adeptes ! –, cela n’empêchera pas les dérives d’exister. Qu’il faille en appeler à la responsabilité de certains acteurs du Net est une chose, mais penser contrôler et sélectionner ce qui se dit ou s’écrit sur Internet est utopique et nous mènerait tout droit à la dystopie. Quelle citoyenneté serait encore possible dans un lieu où tout est mis sous coupe réglée ? Internet est par essence un espace de liberté. C’est dans cet espace ouvert, qui s’invente et se réinvente en permanence, que la citoyenneté peut et doit s’exercer.

Retrouvez la suite de cet article dans la revue digitale « Vivre Connecté »

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