Alors que notre liaison à la maison change avec les évolutions technologiques et sociétales, comment les marques s’adaptent-elles ? L’agence Grey analyse dans un rapport qui constate et amène des réponses
Elle nous endette, gâche nos week-ends dans des enseignes de zones industrielles déprimantes, nous sédentarise, nous enferme dans la prison dorée de l’embourgeoisement matériel. Mais que voulez-vous, par souci justifié d’investissement et de stabilité familiale, nous l’aimons quand même notre maison. Il y a de nous en elle. Cette incarnation matérielle métaphorique constitue le point d’ancrage affectif de notre relation avec notre maison. Depuis quelques années, elle a forcément évolué. Comment ? Pourquoi ? Et avec quels impacts pour les marques ? L’agence Grey répond dans une étude, publiée début février. Elle analyse les trois grandes tendances qui marquent aujourd’hui notre nouveau rapport à la maison.
Présentée comme l’état des lieux des grandes tendances sociétales liées à la maison, « La nouvelle relation à la maison » permet de « comprendre le rapport des Français à l’Habitat et donc de mieux appréhender l’individu », explique Alban Virey, responsable de développement chez Grey. « La maison, et plus objectivement, l’habitat correspond au lieu où l’on vit, à l’endroit où l’on travaille, à l’espace où l’on se ressource et où l’individu se laisse aller à être ce qu’il est sincèrement sans faux- semblants. Enfin l’habitat constitue un territoire intime où l’on passe beaucoup de temps, c’est le quotidien de chacun », poursuit-il.
Concrètement, en se basant sur des études de 2015 des instituts Ipsos, Gartner et de l’Insee, l’agence constate trois tendances. Primo, la réappropriation des espaces par la recomposition des familles, le nouvel équilibre entre personnel et professionnel et l’habitat modulaire. Le nombre de familles recomposées a augmenté de 13% depuis 1999, induisant une reconfiguration de l’espace domestique, ceux réservés aux parents et aux enfants se distinguant de plus en plus. Dans le même temps, 70% des Français ont déjà travaillé de chez eux et/ou ont un bureau dans leur logement, dont 62% de moins de 35 ans. Avec cette freelancisation progressive de nombreux services de location de bureau à domicile se développent, comme par exemple les expériences de co-homing. Enfin, face aux nouvelles contraintes urbaines, l’habitat se doit d’être souple et adaptatif.
L’anti-possession prend le pouvoir
Deuxième tendance forte observée, la maison devenue un bien à louer. Le logement partagé s’impose comme un véritable mouvement et la colocation et la cohabitation intergénérationnelle prennent de plus en plus d’ampleur. En parallèle, les sites de rencontre de colocataires en ligne se multiplient alors que 36% des Français se disent prêts à vivre en colocation avec des amis proches, dont 39% de moins de 35 ans. Ils sont aussi 52% à vouloir franchir le pas de l’échange de logement pendant les vacances, dont 58% de moins de 35 ans.
De plus, 50% seraient prêts à louer une chambre de leur logement à une personne pour avoir un complément de revenus, dont 51% de moins de 35 ans. Logiquement ces nouveaux postulats développent le phénomène de l’anti-possession. L’usage prend le pas sur la possession, l’habitat devient évolutif et nous ne cherchons plus à avoir un mobilier qui dure 40 ans. C’est pour cela que de nombreux services de location de meubles se développent, comme Neosquat et Move&Rent.
L’avènement de la marque coach
Troisième et dernière tendance, la transformation de la maison en espace connecté. La « domotique » n’est plus une fiction : 50 milliards d’objets dans le monde seront connectés d’ici quatre ans, soit 15% de tous les objets en 2020. Les études prévoient plus de 500 objets connectés dans une maison classique en 2022. Effet immédiat ? Le développement progressif d’une technologie à la fois performante et sensible, qui intègre des matériaux intelligents. En plus d’être davantage performante au quotidien, la maison connectée a également un rôle à jouer dans le bien-être et l’amélioration de la qualité de vie. De façon paradoxale, la technologie prend une place de plus en plus importante tout en se faisant plus discrète, s’intégrant le plus harmonieusement possible dans la maison.
« La maison devient un lieu de plus en plus intime, car de plus en plus personnalisée et personnalisable épousant les modes de vie et ses évolutions. Et dans le même temps, cet intime intérieur n’a jamais été aussi ouvert. La location entre particuliers qui offre nos intérieurs au monde entier, et la connectivité de nos intérieurs qui livrent, grâce à nos datas, nos comportements les plus intimes », commente Alban Virey « Les trois grandes tendances permettent de dégager une posture centrale en termes de communication qui correspond, peu ou prou, à la marque coach : cette marque qui accompagne son consommateur dans l’amélioration de son intérieur pour faciliter un épanouissement intérieur et permettre à ses consommateurs de mieux vivre ».
Mieux guider et accompagner le consommateur
Comment les marques s’adaptent-elles à ces nouvelles tendances ? L’étude dégage les trois formes de contenus mis en place pour y répondre. Primo, le web social. Partant du postulat que les Français passent en moyenne environ 18 heures et 39 minutes chez eux, Castorama a par exemple créé un site du nom de 18h39 sur lequel la marque fait de la curation d’informations en partageant des articles sur les dernières tendances décoration et lifestyle, les innovations technologiques et sociales, des idées DIY etc… Secundo, le brand content. Les marques se transforment donc en coachs et créent ainsi une relation privilégiée avec leurs utilisateurs dans leur quotidien. Pour se réaffirmer dans l’accompagnement pédagogique de ses clients, Leroy Merlin a ainsi créé la première plateforme en ligne dédiée au « faire soi-même ». Tertio, le solvertising. L’application Dulux Visualizer constitue un exemple parlant : un outil de réalité augmentée qui aide à choisir la bonne couleur de peinture en permettant de visualiser les résultats en direct sur le mur grâce à son smartphone ou sa tablette.
« La question de savoir si les marques de la maison doivent devenir des sociétés techs se pose. La première collection de meubles connectés lancée il y a deux ans par Ikea est un signal. Et l’arrivée d’Amazon et de Google dans cet univers vient véritablement bouleverser l’ordre établi. Avec ces deux acteurs, la maison connectée ne semble plus être une douce utopie », complète Alban Virey.