20 juin 2022

Temps de lecture : 3 min

« Nous poussons pour que la législation impose l’éco-conception des dispositifs digitaux », Frédéric Marchand, (Fruggr, Prix FrenchIoT 2022 à Vivatech).

Depuis 2020, la start-up Fruggr propose une plateforme d’évaluation automatisée de l’impact environnemental et social des applications numériques des entreprises. Cette dernière a récemment été lauréate du prix FrenchIoT 2022 remis par La Poste à Vivatech, dans la catégorie “services aux entreprises”. Son PDG et fondateur, Frédérick Marchand, nous explique les enjeux de l'éco-conception.

En 6 mois, nous montrons qu’il est possible de réduire cette empreinte numérique de 21% en moyenne. Évidemment, ce sont les 21% les plus simples, mais il s’agit de la première étape.

INfluencia: pouvez-vous rappeler quel est l’impact du numérique sur l’environnement ?

Frédérick Marchand: le secteur représente 4% des émissions de gaz à effet de serre et consomme 10% de l’électricité mondiale actuellement… et contrairement à d’autres secteurs, cet impact augmente avec le temps. Dans différents scénarios, on parle d’un doublement des émissions du numérique d’ici à 2024. Et cela, sans parler du métavers ! Au niveau des entreprises, pour toutes celles qui ne produisent pas de matière première ou les transforment, le numérique est l’un des premiers postes d’impact, avec les déplacements des collaborateurs et les bâtiments. En 6 mois, nous montrons qu’il est possible de réduire cette empreinte numérique de 21% en moyenne. Évidemment, ce sont les 21% les plus simples, mais il s’agit de la première étape.

IN. : Quels sont les leviers sur lesquels il est le plus facile d’agir pour une entreprise qui cherche à réduire son empreinte numérique ?

F.M. : l’un des principaux impacts du numérique tient à l’équipement : le premier point sur lequel agir est la prolongation de la durée de vie des terminaux. Le second levier, qui est lié, c’est l’éco-conception des applicatifs : s’il y a de l’obsolescence programmée partout et que l’on n’assure pas la compatibilité des sites et applications avec des terminaux plus anciens, cela ne marchera pas. C’est aussi la raison pour laquelle nous poussons pour que des lois imposent l’éco-conception des dispositifs digitaux. On va y arriver d’ici quelques années : on va avoir un équivalent du Nutri-Score pour les sites et applications.

nous ne mesurons pas seulement les émissions directes, mais aussi celles du Scope 3, qui représentent souvent plus de 80% de l’impact…

IN. : Aujourd’hui, les solutions permettant aux entreprises de mesurer leur empreinte carbone se sont multipliées… Comment vos outils se démarquent-ils ?

F.M. : nous proposons une plateforme dans le cloud, automatisée pour aider les entreprises à améliorer leur empreinte, mais en nous concentrant uniquement sur le domaine du numérique. Autre particularité : nous ne nous limitons pas aux seuls enjeux environnementaux et à l’empreinte carbone, puisque nous prenons aussi en compte les notions d’accessibilité, les aspects éthiques de la collecte et du traitement des données personnelles, ou encore l’inclusivité, qui est le fait de permettre à un utilisateur possédant un terminal ancien d’accéder aux sites et applications les plus récents. Aussi, à la différence de beaucoup de solutions du marché, nous ne mesurons pas seulement les émissions directes, mais aussi celles du Scope 3, qui représentent souvent plus de 80% de l’impact…

Mais au-delà du bilan, l’enjeu pour nous est surtout d’aider nos clients à passer à l’action. Pour cela, nos outils sont capables de mesurer régulièrement les évolutions et ils intègrent un moteur de recommandations, pour permettre une amélioration continue. Le bilan carbone, c’est quelque chose de statique, alors que le but c’est de passer à l’action et d’être dans une dynamique.

IN. : pour une marque ou une agence, comment concilier enjeux “business” et réduction de l’empreinte de ses dispositifs numériques ?

F.M. : les deux ne sont pas incompatibles ! Sobriété n’est pas l’équivalent d’austérité. On peut parfaitement concevoir une expérience digitale simple qui va créer de l’émotion. Il faut juste se poser les bonnes questions en amont, sans  chercher non plus à pousser l’éco-conception à l’extrême.

Le principal problème sur ce sujet de l’impact du numérique actuellement est le manque d’éducation et de formation…

IN. : Vous avez aussi développé une application grand public… Pourquoi ?

F.M. : l’idée est de sensibiliser le grand public et d’aller dans les écoles, avec un format ludique et coloré, et des conseils pour limiter son score. L’application est gratuite et n’a pas de modèle économique, elle a été co-financée par la région Bretagne. Elle permet aux particuliers d’effectuer une macro-mesure des usages de leurs smartphones.

Le principal problème sur ce sujet de l’impact du numérique actuellement est le manque d’éducation et de formation… Or, il est impossible de changer ce que l’on ne comprend pas. Beaucoup de professionnels n’ont pas conscience des enjeux du Scope 3 et s’appuient sur des acteurs qui proposent des bilans carbone pour quelques centaines d’euros, souvent en partant de données de mauvaise qualité. Tout le monde devrait savoir ce qu’est le Scope 3, mais on en est loin !

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