18 janvier 2022

Temps de lecture : 4 min

Nicolas D’Audiffret (Ankorstore) : « en 2021, nos volumes de vente ont explosé de 950% »

Nicolas d'Audiffret est le co-fondateur d’Ankorstore. Deux ans à peine après sa création, cette place de marché destinée aux commerçants indépendants et aux petits créateurs est devenue, le 10 janvier, la 24ème licorne française. Sa levée de 250 millions d’euros auprès des fonds internationaux Bond et Tiger Global et de ses « anciens » actionnaires comme Eurazeo et Coatue lui permet aujourd’hui d’afficher une valorisation de 1,75 milliard d’euros. Mais le meilleur est encore à venir selon ses dirigeants…
INfluencia : votre réussite prouve qu’il faut parfois s’entêter pour percer dans les affaires…

Nicolas d’Audiffret : en effet. Nous avions créé en 2008 avec mon ami et partenaire, Nicolas Cohen, un site de vente de produits artisanaux entre particuliers, AlittleMarket. Nous l’avons revendu en 2014 à l’américain Etsy. Nous n’étions à l’époque présents qu’en France avec une trentaine de salariés. En six ans, nous sommes parvenus à lever en tout et pour tout 2 millions d’euros, ce qui n’était déjà pas mal pour l’époque. Cela nous avait même valu des articles dans la presse. De nos jours, une start-up aurait à peine quelques entrefilets en levant une telle somme…

IN : pourquoi avez-vous décidé de quitter Etsy avec Nicolas Cohen et deux autres partenaires pour fonder Ankorstore ?

Nd’A : lorsque nous travaillions pour Etsy, toutes les marques n’arrêtaient pas de nous dire qu’elles avaient un gros problème dans le BtoB. Lorsque notre employeur a décidé de quitter le wholesale, nous nous sommes alors dits avec mes partenaires que nous avions une super opportunité à saisir et qu’il serait bête de la laisser passer. Le marché de gros pèse plusieurs centaines de milliards d’euros rien qu’en Europe mais il fonctionne très mal.

Levées de fond de 2 millions d’euros en six ans. De nos jours, une start-up aurait à peine quelques entrefilets en levant une telle somme…

IN : Pourquoi ?

Nd’A : il y a plusieurs raisons à cela. Il est tout d’abord très difficile de découvrir une nouvelle marque en BtoB. Pour les consommateurs, une rapide recherche sur internet suffit mais pour les professionnels, aucune plateforme n’existait pour les aider. Sur Ankerstore, nous avons mis en place des filtres qui permettent de trouver en quelques clics la marque recherchée. En deux minutes, un commerçant de Perpignan peut ainsi repérer un producteur local qui fabrique le produit de son choix avec les valeurs qu’ils souhaitent. L’autre problème dans le commerce de gros est que les marques exigent souvent des minimums de commande trop élevés pour les distributeurs indépendants. Acheter pour 2000 ou 3000 euros de références d’une nouvelle marque peut dissuader de nombreux petits commerçants. Chez nous, il est possible de passer commande à partir de 100 euros. Nos frais de logistique et nos solutions de financement sont également très avantageux car nous traitons de très gros volumes.

IN : votre activité s’est-elle développée très rapidement ?

Nd’A : Le plus difficile au début était de convaincre des marques de se faire référencer sur notre plateforme car nous en avions encore peu sur le site mais le Covid nous a aidé car la crise sanitaire a contraint les professionnels à trouver de nouveaux moyens pour développer leurs activités. Nous avons aujourd’hui 15.000 marques référencées. 30% sont sont françaises et les autres sont européennes. 11.000 nous ont rejoint l’an dernier et nous progressons au même rythme actuellement. L’an dernier, nos revenus, que nous ne dévoilons pas, ont explosé de 950% et notre taux de croissance devrait encore atteindre trois chiffres en 2022.

Nous employons actuellement 500 personnes et nous prévoyons de recruter 1000 collaborateurs supplémentaires cette année

IN : quels produits vendez-vous le plus ? 

Nd’A : les cinq catégories de produits (maison, épicerie, enfant, beauté et mode) que nous proposons fonctionnent de manière identique même s’il existe des effets de saisonnalité d’une gamme de produits à l’autre. Nous allons lancer à l’avenir d’autres catégories comme le sport et les animaux de compagnie.

IN : à quoi vont vous servir les fonds que vous venez de lever ? 

Nd’A : à poursuivre notre développement… Nous employons actuellement 500 personnes et nous prévoyons de recruter 1000 collaborateurs supplémentaires cette année. Nous avons déjà des bureaux à Lille, Paris, Amsterdam, Londres et Berlin et nous allons bientôt nous implanter à Barcelone et Milan.

IN : que vous apporte votre nouveau statut de licorne ?

Nd’A : devenir licorne est un atout en termes de marketing et de communication. Nous ne parlerions probablement pas ensemble en ce moment si nous n’avions pas obtenu ce statut qui met un coup de projecteur sur notre société et peut rassurer certaines personnes. Mais dans ma tête, ce titre ne change absolument rien. Je tente même de ne pas trop y penser car cela pourrait avoir tendance à nous faire croire que nous avons atteint un but alors que nous vivons juste le début de notre aventure. Nous sommes aujourd’hui encore tout petit par rapport à ce que nous souhaitons être.

IN : quels sont vos objectifs pour les cinq prochaines années ? 

Nd’A : cinq ans, c’est très long pour une entreprise qui a été fondée il y a tout juste deux ans. Nous souhaitons simplifier la vie des commerçants. Aujourd’hui, nous les aidons pour leurs achats mais nous voulons, à terme, les accompagner dans tout leur back office comme la facturation, la gestion des stocks ou le Point Of Sale.

notre pays possède enfin un écosystème qui comprend à la fois des business angels, des fonds, des startuppers et des personnes qui comprennent quelque chose à ce monde.

IN : d’autres sociétés proposent déjà de tels services. Comptez-vous acquérir certaines d’entre elles ?

Nd’A :  nous n’écartons aucune hypothèse. Si nous considérons que reprendre une entreprise nous permettra de nous développer plus rapidement sur un marché, nous le ferons mais pour ne rien vous cacher, nous ne regardons aucun dossier en particulier actuellement.

IN : allez-vous avoir besoin de lever des fonds supplémentaires dans un avenir plus ou moins proche ?

Nd’A :  la question ne se pose pas actuellement. Pour notre dernière tour de table, nous avons reçu beaucoup d’offres et nous aurions pu lever davantage de fonds mais il ne faut pas se laisser griser et continuer de suivre sa stratégie pour ne pas trop diluer son capital.

IN : Pourquoi voit-on tant de nouvelles licornes françaises apparaître ces derniers mois ?

Nd’A : la France est entrée dans un modèle vertueux. Après quinze années passées dans le monde de la tech, c’est la première fois que je peux dire que notre pays possède enfin un écosystème qui comprend à la fois des business angels, des fonds, des startuppers et des personnes qui comprennent quelque chose à ce monde. Le plus dur est fait mais il faut continuer de développer cet écosystème. Être licorne, c’est bien mais cela ne suffit pas. Pour devenir un acteur majeur de la tech, la France doit abriter au moins trois entreprises cotées avec une valorisation comprise entre 10 et 100 milliards d’euros. Une seule aujourd’hui répond à ce critère mais Dassault Systèmes ne peut pas être considéré comme une startup. Nous avons donc encore beaucoup de travail qui nous attend pour avoir un modèle comme celui de la « Paypal Mafia » ou d’anciens salariés de cette société deviennent business angel ou créateurs d’entreprise.

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