Pour promouvoir Griselda, Netflix équipe un camion d’une paille géante qui sniffe de la « coke » dans les rues de Paris
Tout est bon pour créer le buzz... Afin de promouvoir sa dernière super production retraçant l’histoire de la scandaleuse baronne de la drogue Griselda Blanco, Netflix France équipe carrément un camion d’une paille géante dans les rues de Paris pour mieux aspirer de la… poudre blanche… qui se trouvait sur sa route. Limitless.
Quand on – et tous les auteurs de SF avant nous – vous disent que les frontières entre réalité et fiction ne cessent de se brouiller, on ne vous raconte pas que des cracks. Depuis quelques années, les campagnes FOOH – ou Fake Out Of Home – sont très prisées des marques soucieuses de communiquer différemment auprès de leur audience. En clair, il s’agit de campagnes marketing numériques hyperréalistes qui s’affichent comme des activations OOH dans un paysage urbain bien réel mais qui sont en fait le fruit de la réalité augmentée, de la CGI, ou d’une intelligence artificielle.
Pour vous donner un exemple, le réseau de transports de Londres avaient accueilli l’année dernière une opération de ce calibre conçu par la marque de cosmétique Maybeline. Instagram, Twitter ou encore Facebook avaient été inondés de visuels montrant un métro et un bus a impérial se faisant maquiller par un mascara géant. Des images surprenantes dont la véracité avait immédiatement été questionnée par internautes… les rendant du même coup, extrêmement virales.
Andrés Reisinger, un directeur de création basé à Barcelone et reconnu pour ses installations qu’il décrit lui-même comme étant « inclassables » de par leur nature oscillant entre « physique et le numérique », avait alors expliqué à The Drum« qu’à mesure que les technologies d’IA continuent de progresser, nous pouvons nous attendre à de nouvelles possibilités pour créer des publicités plus personnalisées, plus attrayantes et contextuellement pertinentes ». Des paroles qu’il semble difficile de remettre en cause tant le FOOH offre de liberté créative sans les contraintes habituelles de budget et de format. Mais comme nous allons le voir aujourd’hui, encore faut-il savoir garder les pieds sur terre – et ses pailles dans la cuisine – dans cet océan de possibilités.
Une ligne à ne pas franchir
Neuf ans après le lancement tonitruant de Narcos, la série qui portait en premier lieu sur Pablo Escobar, Netflix dégainait le 25 janvier dernier Griselda, son pendant féminin. La baronne de la drogue qui faisait trembler les narcotrafiquants, produite et incarnée par Sofía Vergara, est restée dans l’histoire, en tout cas elle est présentée comme telle dans la série, comme « la seule personne que craignait Pablo Escobar ». Et pour cause : la série relate la fuite forcée de cette mère de famille, avec ses enfants et un kilo de cocaïne sous le bras, de Colombie et son ascension fulgurante à la tête d’un des plus gros cartels de drogue au monde.
Celle que l’on surnommait la Madrina (la marraine) n’a jamais hésité à se débarrasser des opposants qui lui barraient la route tout en gérant sa vie privée et son business juteux d’une main de maitre(sse). Suffisant pour la transformer au cours de son vivant en une icône féministe malgré elle. En bref, une histoire rocambolesque dans laquelle Netflix a investi beaucoup d’argent… et qui nécessitait donc une campagne marketing capable de faire parler d’elle.
C’est chose faite : les comptes X (ex-Twitter) et TikTok de Netflix France a diffusé hier une vidéo qui montrait un camion équipé d’un gros tube roulant dans une rue du centre de Paris en aspirant des lignes blanches sur la chaussée. L’allusion pas vraiment subtile à la consommation de cocaïne était accompagnée de la légende : « Alerte météo : risque très élevé de neige à Paris ». La vidéo a rapidement suscité de vives réactions, de quoi pousser la plateforme de streaming à la retirer manu militari.
Un camion a sniffé de la cocaïne dans les rues de Paris – voici à quoi ressemble une publicité pour une nouvelle série sur Griselda Blanco de Netflix pic.twitter.com/yMr0aJTZad
Évidemment, comme à chaque fois qu’une marque s’attaque explicitement et superficiellement à des thématiques sociétales aussi controversées dans le seul objectif de produire une campagne marketing qui détonne… les réactions ne sont pas tendres. Une foule de messages a donc été publiée pour critiquer le caractère inapproprié de cette opération tout en soulignant son cynisme évident : la plateforme aurait publié cette vidéo en sachant pertinemment qu’elle serait controversée mais qu’elle pourrait facilement en tirer profit derrière. D’ailleurs, même si la vidéo a bien été retirée par Netflix France de ses comptes, elle circule abondamment sur les réseaux sociaux et la marque n’a, pour l’instant, fait aucune déclaration au sujet de cette idée polémique.
Pour finir, les Colombiens eux-mêmes ont répondu en masse à cette campagne, comme pour faire définitivement comprendre aux occidentaux qu’ils ne souhaitent plus que l’image de leur pays soit liée encore et toujours à la production et au trafic de cocaïne. Nous avons relevé le message d’un internaute colombien posté sur Linkedin qui résume bien ce dégoût ressenti par beaucoup : « Ce n’est pas juste. Il y a beaucoup de conflits sociaux autour de cette question. Nous travaillons depuis de nombreuses années à donner une image plus authentique de la Colombie donc les Colombiens en ont marre de ce genre de série. Ce n’est pas drôle ».
El Tiempo, journal le plus lu du pays, s’est même demandé dans un tweet, si la Colombie « était en train de perdre le respect de la communauté internationale ? ». En tout cas, une chose est sûre : sur la quantité de messages postés sur X par des internautes indignés que nous avons consultés, aucun d’entre eux ne s’est posé une seule fois la question de savoir si l’opération était réelle ou non. En 2024, ce qui est tangible sur nos écrans l’est tout autant dans nos esprits, le reste n’a presque plus d’importance.
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