29 novembre 2022

Temps de lecture : 4 min

Netflix, Disney+, HBO, Amazon: le streaming dépense des milliards en production et cherche encore son modèle

Salto qui implose, le patron de Disney poussé vers la sortie après la perte de 1,5 Mds€ accumulée par ses plateformes de SvoD. Le streaming n’a pas encore trouvé son modèle économique. Cela viendra...

Avec à peine 800.000 abonnés contre plus de 10 millions pour Netflix dans l’Hexagone, Salto n’a jamais réussi à vraiment décoller.

Tout un symbole… Deux ans après son lancement officiel en grande pompe, Salto est déjà en vente. Jugeant son modèle économique non viable TF1 et  M6 ont décidé de se retirer de la plateforme de streaming française qui était sensée faire la nique aux Disney+ et autres Amazon Prime. Avec à peine 800.000 abonnés contre plus de 10 millions pour Netflix dans l’Hexagone, Salto n’a jamais réussi à vraiment décoller. Isolées et ne pouvant pas assumer seule sa gestion, France Télévisions chercheraient un repreneur pour le service de streaming. TF1 et M6 ont déjà tourné la page en lançant des offres payantes de vidéos en replay.

Cet exemple est caractéristique des problèmes que rencontrent actuellement les plateformes aux quatre coins de la planète. Car si leur succès populaire est indéniable, leurs modèles économiques sont, pour la plupart d’entre eux, nettement moins probants.

C’était le bon temps

Les précurseurs raflent souvent la mise. Netflix a longtemps été considérée comme une usine à cash. L’an dernier, le géant américain a affiché un bénéfice net de 5,11 milliards de dollars. Les deux années précédentes, ses profits cumulés dépassaient déjà 4,62 milliards de dollars. Cette période faste semble toutefois appartenir au passé. Au premier trimestre 2022, la plateforme a enregistré la première perte d’abonnés de son histoire. Le départ de 200.000 « subscribers » ne représentait même pas 0,1% du nombre de ses clients mais la nouvelle a provoqué un vent de panique à Wall Street. L’action du groupe a dégringolé de 30% en une seule séance. Au second trimestre, Netflix a encore perdu près de 1 million d’abonnés. Cette tendance s’explique…

Disney compte désormais 221 millions d’abonnés payants, soit plus que Netflix qui en avait 220,67 millions fin juin.

A ne plus savoir où donner de la tête

Les téléspectateurs ont aujourd’hui l’embarras du choix pour souscrire à des services de vidéo à la demande sur abonnement (SvoD). Les plus grands noms sont ceux qui raflent la mise. Au second trimestre, Disney+ a séduit 14,4 millions d’abonnés supplémentaires. Son service de streaming rassemble aujourd’hui 152,1 millions d’abonnés. En comptant les abonnés à ses autres plateformes, Hulu (+3,4 millions d’abonnés à 46,2 millions) et ESPN +, Disney compte désormais 221 millions d’abonnés payants, soit plus que Netflix qui en avait 220,67 millions fin juin. Mais la taille, parfois, ne fait rien à l’affaire…

Les trous se creusent

Les pertes opérationnelles des activités de streaming de Disney ont en effet atteint 1,5 milliard de dollars au troisième trimestre. Ce gouffre immense a poussé les actionnaires du groupe à demander l’aide de Bob Iger qui était parti à la retraite en 2020. Le septuagénaire a accepté de signer un CDD de deux ans pour reprendre les commandes à la place de Bob Chapek qu’il lui avait succédé. Avant même le retour du patron qui avait bouclé les rachats de Pixar, Marvel, Star Wars et de l’essentiel des actifs de 21st Century Fox, Disney, qui a enregistré un recul de 40% de sa valorisation boursière depuis le début de l’année, avait annoncé, en août, son intention d’accroître dès le mois de décembre son abonnement mensuel de 3 dollars pour atteindre 11 dollars.

Entre 2019 et 2020, les dépenses de HBO dans ses contenus sont passées de 2,5 à pas moins de 7 milliards de dollars.

Les coupes sombres de HBO

Le précurseur de la SvoD est encore plus dans la panade. En 2021, HBO a affiché une perte de 3… milliards de dollars. Pour ne pas sombrer, la chaine de télévision payante américaine, qui a produit de nombreuses séries culte dont Sex and the City, Les Soprano, Six Feet Under, Veep ou encore Game of Thrones, a opéré des coupes sombres dans son catalogue en supprimant 26 séries et films originaux. Et pour cause… Entre 2019 et 2020, les dépenses de HBO dans ses contenus sont passées de 2,5 à pas moins de 7 milliards de dollars. Pour prendre le dessus sur leurs rivaux, les plateformes de streaming se sont en effet lancés ces deux dernières années dans une course à l’échalotte pour le moins dangereuse. Rien ne semble trop beau ni trop couteux pour faire parler de soi et gagner quelques abonnés.

Netflix n’est pas avare non plus. La plateforme dépense 30 millions de dollars pour chaque épisode de Stranger Things

Des budgets pharaoniques

Amazon a ainsi englouti 465 millions de dollars pour produire les huit épisodes des Anneaux de pouvoir. Avant même le tournage de la première scène, le leader de la vente en ligne avait dépensé 250 millions de dollars pour racheter les droits de la franchise du Seigneur des Anneaux de Tolkien dont est tirée cette série qui devrait durer cinq saisons et coûter la bagatelle de 1 milliard de dollars. Netflix n’est pas avare non plus. La plateforme dépense 30 millions de dollars pour chaque épisode de Stranger Things, soit plus du double que pour The Crown (13 millions). Disney+ investit 25 millions de dollars pour les épisodes de ses séries Marvel comme Wandavision et Moon Knight. Game of Thrones paraît presque « bon marché » avec son budget de 15 millions de dollars par épisode. Et que dire des long-métrages produits par les plateformes ?

Qui dit plus?

The Gray Man avec Ryan Gosling et Chris Evans plus connu sous le nom de Captain America, Red Notice avec Dwayne Johnson et Ryan Gosling ou The Irishman réalisé par Martin Scorsese qui a réuni Robert De Niro, Al Pacino et Joe Pesci ont coûté respectivement 200, plus de 160 et 159 millions de dollars. Qui dit mieux ou… pire ? Ces productions peuvent appâter des abonnés mais pour quelle durée ? « Maintenant, nous pouvons attirer 30 millions de personnes avec Euphoria mais ils peuvent rester un ou deux mois, regarder tous les épisodes et partir », résume David Zaslav, le nouveau président de Warner Bros. Discovery qui possède notamment HBO.

Un modèle qui se cherche encore

Les spécialistes s’accordent tous à dire que le streaming sauvera les acteurs traditionnels de la télévision. Toutes les chaînes françaises qui ont participé au séminaire mondial de l’EGTA à New York en sont convaincus. Mais il est clair que le modèle économique actuel de ces plateformes n’est pas encore viable. Des regroupements sont inévitables même si la récente scission de Salto montre que le « cavalier seul » semble toujours plaire davantage que « l’union fait la force ». La roue finira par tourner. Il ne fait également aucun doute que les services de streaming vont devoir revoir leurs politiques de contenus. Mettre en ligne sans cesse toujours plus de films et de séries qui coûtent de plus en plus cher n’est pas, financièrement parlant, très malin. Des abonnements plus coûteux et l’arrivée de la publicité pour les offres promotionnelles sont déjà dans les tuyaux. Le streaming se cherche encore. Tous les modèles disruptifs suivent cette trajectoire.

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