Nathalie Cortial met les multipotentiels à l’honneur dans Mets la face B!

INfluencia : vous êtes à l’origine de Mets la face B, événement qui aura lieu les 17, 18, 19 novembre prochains, pouvez-vous nous expliquer l’origine de cette initiative ?

Nathalie Cortial : Mets-la face B est un événement qui va se dérouler en trois actes :  une exposition, une table ronde, et une série de podcasts.  

Nous sommes partis de l’observation d’un phénomène qui s’est amplifié lors de la crise covid pendant laquelle beaucoup de personnes ont eu la capacité de révéler leur « face B », en créant, écrivant, dessinant, racontant des histoires, mais aussi en lançant de nouveaux projets, de nouvelles entreprises.  

Cette face B qui était jusqu’ici peu prise au sérieux par l’entourage ou le milieu du travail se révèle aujourd’hui un atout à divers titres : du point de vue personnel pour répondre à une quête de sens et de liberté, ou aussi pour « joindre les deux bouts » financièrement, et du point de vue des entreprises, ces profils capables de mener plusieurs activités de front semblent aussi de plus en plus recherché pour leurs capacités créatives, collaboratives ou pour une vision plus globale des choses. 

La réflexion est née aussi et surtout de l’observation du réseau de talents indépendants qui travaillent avec l’agence Justement, que nous avons lancée l’an dernier avec Pascal Grégoire. Nous nous sommes en effet aperçus que ce réseau qui compte à date 130 talents environ et dont les compétences vont de la stratégie à la réalisation en passant par la conception, sont très souvent multicasquettes ou hybrides. Parfois ces activités parallèles sont complètement assumées, parfois c’est au détour d’une conversation que l’on découvre un talent caché qui s’exprime en sous-marin. Cela nous a intrigué, et quand nous avons discuté du sujet en interne avec Pascal Grégoire, Céline Bonnefond et Carole Pignet mais aussi autour de nous avec Emma Chevallier chez Saga sounds et Cristina Alonso et Sébastien Danet chez Influencia, nous avons senti qu’il fallait s’emparer de ce sujet à portée sociétale.  

IN. : vous avez choisi volontairement des gens de pub pour cette première édition… 

N.C. : oui, dans la mesure où Justement travaille avec des talents issus de ces professions, nous voulions, dans un premier temps, leur consacrer toute notre attention et comprendre ce qui les animait dans cette capacité à se diversifier, à sortir de leurs cases, à passer d’une activité à une autre.  

Apporter de la reconnaissance et de la visibilité à nos talents, cela fait partie des engagements que nous prenons chez Justement : cela passe en général par créditer tous les talents qui ont travaillé sur un projet par exemple (cela parait tout bête mais les talents sont en fait rarement tous crédités) ou donner de la visibilité à leurs travaux via nos réseaux sociaux. 

Donc c’était assez naturel de rendre visibles ces talents cachés ou en devenir, dans ce studio photo Zorse que j’ai lancé fin 2019 à Malakoff. 

Le milieu de la création fut donc notre point de départ. 

En creusant autour de ces profils que nous avons coutume de surnommer des slashers, des switchers, ou des hybrides, nous avons trouvé de la littérature, avec notamment le livre de Frédérique Génicot, Multipotentiels (éditions Dunod) qui fait également référence à d’autres auteur·e·s et montre à quel point la question est vaste. De fil en aiguille nous sommes entrés en contact avec plusieurs experts (chercheurs·ses, journalistes, scientifiques, auteurs·es..) pour questionner l’émergence ou l’identification de ces profils pas uniquement dans les milieux créatifs, mais aussi dans le monde du travail en général.  

IN. : vous évoquez également cette manière qu’ont les entreprises d’appréhender le travail différemment…  

N.C. : de fait, encore une fois la covid, ses empêchements, ses confinements ont accéléré des idées, fait éclore des personnalités qui n’auraient peut-être pas osé se révéler en dehors de ces contraintes. Cette période a pour beaucoup, changé le rapport des individus au monde, et par là même au travail. Avoir une activité « à côté » ou en tout cas, ne plus seulement consacrer sa vie au travail a induit de nouveaux espaces de travail, des ouvertures aux fameux deux ou trois jours de présentiel, bref, c’est un changement qui s’impose peu à peu et que les entreprises sont en train d’intégrer. Les entreprises s’organisent pour accueillir de plus en plus les salarié·e·s  dans leur entièreté, avec leur bagage personnel et extérieur. Pas si évident avec un système qui repose sur l’ultra spécialisation, valorise essentiellement l’expertise (surtout en France) et s’est développé principalement sur les hard skills. Mais les entreprises proposent de plus en plus des modèles inspirants : certaines ont compris qu’il était essentiel de laisser leurs salariés exprimer leur personnalité pour les garder, voire même que cela les rendait plus performants.  

Ainsi certaines aménagent le temps de travail avec plus de flexibilité, d’autres proposent à leur salariés de dédier 20% de leur temps à un projet personnel (bénévolat, entrepreneuriat..), d’autres favorisent l’intrapreneuriat. Il ne s’agit pas seulement de nouvelles organisations, on peut citer ainsi Google et LVMH et c’est très important car l’effet d’entrainement viendra avec les grandes entreprises aussi. 

IN. : il y aura donc ces talents (découvrir la liste ci-dessous), et des trois experts qui vont sous la houlette de Karin Hémar, animer la table ronde du 18 novembre à 14 heures…

N.C. : oui, ces experts vont nous aider à comprendre pourquoi ces multipotentiels sont plus visibles aujourd’hui, ou s’ils sont plus nombreux. S’ils ont toujours existé, quelle est leur place… Et si ce sont des profils particuliers, entre autres. Pour ce faire, nous avons la chance d’accueillir Frédérique Génicot, autrice et coache indépendante de talents multipotentiels. Jérémy Lamri chercheur en RH, entrepreneur et auteur de l’ouvrage « Les compétences du 21ème siècle », et expert en softkills. Sera également présent Olivier Mathiot, DG de 2050 , cofondateur de priceminister , ex CEO de Rakuten, et ex pdt de France Digitale et de thecamp, business angel, qui va nous expliquer ce que cela change en entreprise, dans les grands groupes comme dans les startups.  

Et puis il y avait tellement à dire que nous prolongeons l’expérience avec la création de dix podcasts réalisés par Saga Sounds. Quatre talents raconteront leur parcours et cinq experts nous apporteront des éléments d’analyse. Pierre-Michel Menger, Frédérique Génicot, Jeremy Lamri, et Laetita Vitaud. Enfin, nous essaierons de savoir si on naît ou on devient multipotentiel avec le docteur en psychologie Jacques Grégoire*.  

IN. : Comment avez-vous choisi les talents pour nous offrir à cette exposition ?

N.C. : ce sont des talents que l’on connaît de par nos métiers, pour qui nous avions un coup de cœur artistique et dont le parcours en tant que multipotentiel nous interessait.  

Dans la catégorie photographie, il y a un « multipotentiel confirmé », Rémi Noël, directeur de création, rédacteur, photographe, qui a même créé sa maison d’éditions Poetry Wanted pour éditer ses livres de photographies dont celle très connue dédiée à Batman. François Prost, avec une belle carrière en direction artistique a complètement switché il y a quelques années pour devenir pleinement photographe, Sylvain Guyomard, directeur de création et directeur artistique pour de grandes marques qui développe désormais une activité photographique engagée à côté de son activité de freelance.  

Karin Hémar, qui va animer notre table ronde sous sa casquette de conférencière est également journaliste et photographe. Côté illustration, Didier Aerts sera également parmi nous. S’il est rédacteur au départ, il réalise désormais, et puis surtout, il fait de l’illustration avec son jeune fils Gaston. Des fresques qu’il publie sur Instagram notamment, un travail de création commune qui s’est surtout développé pendant le covid. 

Marguerite de Verdun, agent de photographe a su développer ces dernières années son style d’illustratrice et nous avons d’ailleurs travaillé avec elle lors du lancement de l’agence. 

Jean-Loup Seuret, qui a longtemps travaillé en agence et se consacre aujourd’hui à l’illustration pour différents supports complète cette section Illustration. 

Mélodie Roux-Dufort dont nous exposerons les travaux de peinture mène différentes activités, direction artistique, peinture, photo, tout pour elle converge dans un même sens pour enrichir son travail. 

Nous investigons aussi le design avec deux profils : celui de Pacsale Gayraud, céramiste installée ex-publicitaire et Olivia Fabart, cheffe de projet culturel qui lance un premier projet de design textile engagé et responsable en parallèle de son activité freelance. 

Pour illustrer le fait que les multipotentiels ne sont pas des profils uniquement issus de la création, il y a aussi deux jeunes commerciales Maud et Camille, qui se sont rencontrées en agence et qui ont créé Les filles d’à côté, une boutique concept d’art floral, projet pour lequel elles ont toutes deux passé un CAP…  

IN. : Pensez-vous que ces évolutions sont dues à des frustrations nées au sein des entreprises ?   

N.C. : certaines probablement, d’autres sont simplement le fruit d’une évolution naturelle au fil des rencontres et des envies. On sait aujourd’hui qu’on n’aura pas le même job toute sa vie, notre vie est faite de vies multiples parfois parallèles, parfois successives, qui sont déclenchées par la frustration, une découverte, mais aussi parfois grâce à certaines entreprises qui encouragent ces « side-projects » car elles ont compris que des employés plus épanouis et oxygénés étaient aussi plus performants et apporteurs d’idées et de solutions …Je crois que ce sujet me passionne car j’aime l’idée qu’à chaque moment de vie il y a une suite à imaginer, qui permet de ne pas se sentir enfermé dans un schéma écrit à l’avance.   

IN. : Y a-t-il une suite à cette première salve ?  

N.C. : Oui, il y aura une suite forcément ! En revanche, nous ne savons pas encore vers où elle va s’orienter et sous quelle forme : car nous fonctionnons de manière empirique, en observant, en échangeant avec nos entourages, les talents bien sûr, nos partenaires, nos clients avec des modèles d’entreprises différent qui nous inspirent eux aussi ! 

Cette première édition nous fait prendre conscience du phénomène de la multipotentialité, elle dresse un cadre. La suivante aura probablement pour objectif d’explorer des points plus particuliers en fonction de nos discussions mi-novembre. 

*J’en profite pour remercier nos partenaires Vision Prod et Foodre pour leur soutien ainsi que les personnes qui nous aident sur ce projet : Jane Schwarzbach qui a conçu l’affiche et le matériel de communication, Clara Chalou (scenographie), Natalia Ermakova (accorchage) , Clara Boulis Valence (éclairages), Alexis Balcon (captation), Selim Jouana (son), Thomas Ponti (Photo).