Il ne s’agit même plus de gagner la confiance du consommateur ni même de l’acheter. Il s’agit désormais de lui vriller dans la tête le nom de sa marque. Jusqu’où aller dans l’intrusion publicitaire ?
Alors que Seth Godin prônait il y a des années l’opt-in comme seul garant de la confiance de l’internaute, dans son livre « Permission marketing », c’est le contraire qui se produit aujourd’hui. Depuis quelques jours, sur ma boîte mail Google, je tombe sur des pubs me proposant n’importe quoi, basées « sur mes centres d’intérêt ». Et comme par malheur -parce que c’est mon métier- je suis curieuse, alors vous imaginez….
Heureusement, il y avait une option opt-out et je crois que cela a fonctionné, mais cela n’a pas été facile et je crains leur retour. Twitter et LinkedIn semblent avoir les mêmes projets. Les options opt-out sont aussi difficiles à dénicher que celles de la composition des produits alimentaires sur les packagings. Sans parler bien sûr des cases pré-cochées que l’internaute non averti ne remarque pas, des retargeting ads…
Contraints, les réseaux et sites annoncent leurs nouveaux engagements en termes de confidentialité. Parmi tous les messages de langue de bois reçus, Pinterest a été le plus transparent. Extrait : « En mai dernier, nous nous sommes associés à un petit groupe d’annonceurs pour tester et améliorer les épingles sponsorisées aux États-Unis. Notre objectif est double : nous voulons assurer la pertinence de ces épingles pour les membres de Pinterest et nous souhaitons aider les annonceurs à mieux comprendre l’impact de leurs annonces sur leurs activités ».
« Le non-respect du consentement semble devenu la règle »
Il y a quelques jours, le site warc.com (site de blocage de pub type Adblock) publiait les résultats d’une étude financée par PageFair qui soulignait le rejet massif de la pub sur Internet. Et notamment le recours croissant voire exponentiel aux logiciels qui bloquent les pubs sur Internet par des centaines de millions d’internautes, et dont je fais partie naturellement.
L’une des informations les plus importantes à retenir de cette étude est le fait que ce sont, pour ne prendre que l’exemple des Etats-Unis, les 18/29 ans qui sont les plus rétifs à de telles pubs; cœur de cible le plus privilégié. Et ne parlons pas des pubs sur mobiles et autres SMS indus que les consommateurs rejettent totalement. Les études qui vont dans ce sens sont si nombreuses que je ne pourrais toutes les citer.
Hubert Guillaud, rédacteur en chef d’Internetactu.net, a publié un article « Quand le net vous souhaite “Joyeux anniversaire !” » abordant le sujet de ces algorithmes invraisemblables qui, au nom de la « customization », dénaturent, voire détruisent totalement les relations personnelles que peuvent avoir les gens les uns avec les autres. Il cite une artiste américaine, Joanne McNeil qui considère que « les entreprises sont constamment à la recherche d’excuses pour communiquer avec les clients et les utilisateurs ». La date anniversaire est « l’excuse parfaite. Les marques l’utilisent pour vous rappeler qu’elles existent et profitent de ce moment où l’on va vous offrir quelque chose pour se rappeler à vous ». Et vous incitent acheter un cadeau bien sûr. Avec humour, elle précise « pour éviter ce déluge, notre anniversaire à l’avenir sera -t-il un jour d’abstinence technologique, de déconnexion obligatoire ? ».
Tout récemment, même Nicole Ferroni, sur France Inter, titrait sa chronique « L’araignée publicité », à propos des pop-up publicitaires insupportables. Car alors qu’elle cherchait des actualités sur des sujets autrement plus graves, on lui vendait des pubs pour des pneus. Quelle indécence!
Restons sourds
Pendant ce temps, les annonceurs -toujours dans le déni- se rassurent et s’en gargarisent : les Français adorent la publicité et le boycott en France n’existe pas ! Sauf qu’ils oublient le boycott implicite. Je ne me souviens plus de la dernière fois où j’ai franchi les portes d’un McDo ni acheté un produit Danone depuis les « Petits LU ». Le brand journalism et la reprise in extenso des communiqués de presse, sont devenus des classiques dans la presse -pour des raisons purement économiques- quand ces pauvres éditeurs se plaignent de la baisse de leurs diffusions. C’est normal! La vraie info n’est plus chez eux, mais sur des blogs spécialisés, dont les auteurs sont le plus souvent bénévoles et bien évidemment impartiaux (le tri est facile à faire). Les industriels continuent aussi à rémunérer des blogueurs qui se contentent de copier/coller, en plus pour pas cher. Sans parler des paroles d’expertes (au féminin naturellement) dans des e-mails publicitaires ou les sites.
D’ailleurs récemment, le site ad-exchange.fr titrait « Quelle efficacité pour la pub en ligne quand 6% des internautes génèrent 85% des clics ? » , à partir des résultats d’une étude américaine. Et surtout les annonceurs croient dur comme fer au neuromarketing. Les conseils et instituts d’études se régalent. Cela me rappelle les « vu à la télé » des années 80. Comme si le consommateur -et l’annonceur- y croyaient encore. D’aucuns nous parlent encore de respect du consommateur. Rien n’a changé.
Babette Leforestier, créatrice du blog Chroniques d’une marketeuse repentie