14 novembre 2021

Temps de lecture : 4 min

«Molotov, c’est le signal fort que lance FuboTV au marché de la télé connectée », Marc Herbault (Rakuten Advertising)

Pour Marc Herbault, directeur commercial, média et display de Rakuten Advertising, l’opération de rachat de l'application française Molotov annoncée mercredi est la preuve que le marché de la TV connectée (TVC) en France, bien qu’à ses prémisses, se dynamise, une tendance que la régie observe également à travers la hausse des inventaires et des recettes publicitaires de Rakuten TV.
TV connectée
INfluencia : que pensez-vous de l’acquisition de Molotov par FuboTV ?

Marc Herbault : c’est un signal très positif que FuboTV envoie au marché. Si FuboTV prend des positions en France, c’est parce qu’il croit qu’il trouvera un retour à son investissement. Cela prouve que le dynamisme est bel et bien présent dans le secteur de la TV connectée (TVC). Ce rachat montre également qu’une taille critique est nécessaire pour concurrencer les acteurs dans un monde globalisé. Le marché de la TVC est tout juste en train de se structurer en France. Nous ne sommes qu’au début et le mieux est à venir. Même si chaque marché a ses propres spécificités, on peut se projeter en regardant ce qui se passe aux États-Unis, où 55 millions de foyers (soit 40 % des foyers américains) regardent la TV uniquement en mode connecté. C’est un phénomène inéluctable dont l’accélération est déjà visible en Europe, dans les pays anglo-saxons et nordiques.

IN : où en est Rakuten TV en France ?

M.H. : nous avons enregistré des pics de croissance en 2020 et 2021, et cela se confirme mois après mois. Nous avons triplé nos inventaires en un an. En France, 1,8 Millions de foyers actifs (soit 4,5 millions d’utilisateurs uniques par mois) consomment Rakuten TV. Un foyer ou un utilisateur est actif quand il se connecte au moins une fois par mois à notre application. Nos audiences sont à 71 % des hommes et des femmes âgés de 18 à 44 ans. Nous sommes une application de TV connectée hybride. Nous proposons à la fois la location ou achat de vidéos à l’unité (TVOD), l’abonnement (SVOD) et le service gratuit de vidéo à la demande. Ce dernier est financé par la publicité (AVOD – pour advertising video on demand). Tout est au sein de la même plateforme.

IN : votre ouverture à un modèle gratuit date de fin 2019. Où en sont vos recettes publicitaires ?

M.H. : depuis le deuxième trimestre de cette année, nous battons tous les mois nos records de chiffres d’affaires. Cela démontre une vraie tendance de fond : le marché bouge, les annonceurs sont en demande et notre capacité à y répondre se développe également avec des inventaires en constante augmentation. Cette année est la plus significative, c’est un vrai virage à la fois pour notre activité commerciale mais également pour le marché, qui se montre plus mature. L’année prochaine viendra confirmer cette tendance. Je pense pouvoir affirmer même en restant prudent que nous allons doubler notre chiffre d’affaires publicitaire l’année prochaine.

IN : combien d’annonceurs accueillez-vous en France ?

M.H. : depuis la rentrée de septembre, nous avons une trentaine d’annonceurs présents sur notre offre AVOD. Les secteurs qui investissent chez nous sont des secteurs classiques dont beaucoup présents en TV – banque/assurance, food, entertainment, mode, etc. La majorité (70 %) de nos inventaires est commercialisée en gré à gré, même si nous sommes également présents en programmatique, notamment via notre ad server et SSP SpotX [acquis par Magnite en février NDLR] ainsi qu’à travers d’autres SSP du marché (Xandr, Telaria/Magnite, Freewheel et bientôt Smart). Dans notre secteur de la TV connectée, pratiquement rien ne se passe en open auction. Tout se fait soit en deal ID soit en programmatique garanti. Nous sommes à mi-chemin entre la TV (par le device) et le digital (par la granularité de la data et notre modèle d’achat au CPM).

IN : la plupart des Français continuent de consommer la TV via les box opérateurs. N’est-ce pas un gros frein au développement des services de TVC comme le vôtre ?

M.H. : je vois cette exception française plutôt comme un ralentisseur et non comme un frein. Aujourd’hui, 80% des foyers français possèdent une TV connectée. Certes, selon l’Observatoire de l’audiovisuel du CSA, 80% des foyers ayant une TVC passent par les box opérateurs, l’offre de ces derniers étant très alléchante. Mais je retiens également la proportion (36%) en très forte augmentation de ceux qui passent directement par leur Smart TV, en hausse de 7 %. Et c’est compréhensible : l’environnement de la smart TV est ouvert. Comme sur son smartphone, on y intègre les applications que l’on souhaite avoir. Cela permet d’accéder à des services qui ne sont pas nécessairement dans les box.

IN : c’est notamment votre cas n’est-ce pas ?

M.H. : nous sommes en effet une application multidevice mobile, PC, tablette et sur TVC. Notre particularité est notre présente forte et native dans la plupart des appareils de TV connectée. En effet, 80% des constructeurs nous intègrent nativement. Vous avez même un bouton « Rakuten TV » dans la télécommande. Aujourd’hui, plus de 100 millions de devices embarquent nativement notre application et le bouton en télécommande en Europe. Nos audiences se connectent à notre application à 95 % sur une smart TV.  Notre stratégie est depuis toujours de nouer des partenariats forts avec les constructeurs de TVC.  La distribution de nos concurrents ne se concentre pas autant sur les smart TV.

IN : de quelle manière pensez-vous réussir à vous différencier dans ce marché extrêmement concurrentiel et déjà bien habité par les chaînes historiques et les autres SVOD ?

M.H. : il y a une tendance de fond qui plaide en notre faveur : le désintérêt de plus en plus marqué à l’égard de la TV linéaire, notamment des nouvelles générations et des jeunes parents. Aujourd’hui 21 % des streamers ne regardent plus du tout la TV linéaire (chiffre Rakuten). Cela participe à l’essor de la TVC. Nous sommes au début d’un mouvement et toute concurrence est bonne à prendre pour aider à accélérer l’usage. Plus l’offre sera variée et qualitative, plus les gens voudront passer par cet écran. Les acteurs qui proposent l’AVOD seront aussi favorisés par les limites du modèle SVOD : la fatigue monétaire, les foyers n’étant pas en mesure de s’engager sur des  abonnements à l’infini. Si vous disposez déjà de Netflix et de Canal+ cela deviendra compliqué d’y ajouter Amazon Prime et Disney…

IN : est-ce aussi une affaire d’attractivité de votre offre AVOD ?

M.H. : il faut en effet considérer la force de notre contenu, fait de films locaux, hollywoodiens, des blockbusters, des documentaires et de chaînes thématiques. Sur notre offre AVOD, nous avons lancé au printemps près d’une centaine de chaînes linéaires gratuites en Europe. Cela inclut des chaînes thématiques produites localement mais également des  marques médias comme Euronews, Reuters, Bloomberg, Vogue, Wired, etc. L’autre point stratégique, c’est la distribution. Au-delà de notre forte présence dans les appareils de TV connectée, nous travaillons désormais notre présence sur les environnements de type Chromecast et Fire TV.

En résumé

Le projet d’acquisition de l’application française de streaming Molotov par le groupe américain FuboTV est accueilli positivement par le directeur commercial, média et display de Rakuten Advertising, Marc Herbault. Ce dernier voit dans cette opération la preuve que le marché de la TV connectée se dynamise en France, une tendance de fond que Rakuten TV observe de ce côté-ci de l’Atlantique, avec des pics de croissance qui se confirment « mois après mois » depuis début 2020. Rakuten TV aurait ainsi triplé ses inventaires en un an. Disponible nativement dans la plupart des TV connectées, l’application espagnole de VOD présente dans 43 pays est aujourd’hui consommée en France par 1,8 Millions de foyers « actifs » (qui s’y connectent au moins une fois par mois). Depuis le deuxième trimestre de cette année, la régie déclare enregistrer des records de chiffres d’affaires pour ses inventaires TV, majoritairement commercialisés en gré à gré. Pour cet acteur, la TVC n’est qu’à ses débuts en France et le modèle gratuit financé par la publicité sera favorisée par les limites des abonnements, les foyers n’étant pas en mesure de s’engager financièrement sur de nombreux services. Cet entretien est le premier d’une série qu’INfluencia consacre au potentiel publicitaire des services de streaming et applications de TV connectée en France.

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