6 juillet 2011

Temps de lecture : 6 min

Mode: quelle femme pour quelle marque?

Agnès b., Louboutin, The Kooples,Sonia Rykiel, Adidas, Zadig & Voltaire…Chaque marque de mode a sa vision de la femme, et dessine ses collections de manière à refléter un certain style. De là à dire qu’il y a autant de visions de la féminité que de marques, il n’y a qu’un pas…

Les experts en marketing ont depuis longtemps démontré l’importance de «l’ effet d’apparence»: comme notre physique est la première chose qui transparaît de notre personne, le premier jugement des personnes qui ne nous connaissent pas est bien souvent basé sur notre apparence – avec une impression plus positive s’ils nous trouvent beaux, bien habillés ou d’un goût très sûr.
Comme l’explique Françoise Carré, tout vêtement est un discours qui veut signifier quelque chose à ceux qui nous entourent, avec un aspect explicite : «l’éthique» du vêtement : ce qui transparaît de prime abord, comme la palette de couleurs sombre ou non, le fait que ce soit un tailleur ou une robe de soirée…Et un aspect implicite: le «pathétique»: ce qu’il veut susciter comme émotion, jalousie, attirance, respect, etc.

Le vêtement est dit «efficace», comme un discours au sens conventionnel du terme, s’il atteint son but: convaincre de notre sérieux et de nos capacités lors d’un entretien professionnel, séduire l’autre dans un rendez-vous galant…

Une «faute de mode» n’est donc pas forcément une faute de goût, mais une faute de signifiant: un vêtement qui n’est pas adapté à la situation dans laquelle nous nous trouvons, et qui délivre donc un message erroné. Pas étonnant que nous prêtions autant d’attention à la manière dont nous nous habillons, et que nous adaptions notre style en fonction de celui qui est en face de nous, et selon  ce que nous voulons montrer de notre personnalité…

Heureusement, pour nous aider dans cette tâche difficile, il y a les créateurs de mode. Chacun d’eux a une vision bien définie de la féminité. A nous de choisir celle qui nous correspond le plus… ou, mieux encore, de mixer des pièces d’inspiration différente pour refléter plusieurs facettes de notre personnalité!

Voici quelques-unes des facettes de la féminité exprimées par les créateurs :

–       La femme qui va à l’essentiel: elle aime les beaux basiques, sait ce qui lui va, et fait passer son bien-être avant les tendances. Son style ne dépend pas des modes, mais de ce qu’elle apprécie et de ce dont elle a besoin. C’est pour elle qu’Agnès b. s’efforce de créer de belles pièces au chic intemporel: «les modes qui passent ne m’intéressent pas. Je ne lis pas la presse spécialisée et je ne vais jamais aux défilés des autres. C’est le style qui m’intéresse, pas les modes», explique la créatrice. Le petit cardigan à pressions, devenu emblématique de la marque, en est un excellent exemple: il convient à toutes les morphologies, s’adapte à tous les styles, est à la fois simple, élégant et travaillé. Repris dans chaque collection, son succès ne se dément pas. Mais Agnès b. ne se réduit pas à un seul modèle, loin de là: «je dessine des collections très variées parce que les femmes sont toutes différentes. Le style Agnès b., c’est b. yourself ! Mon but, c’est que chaque femme trouve une pièce qui lui ressemble, se l’approprie et lui donne une attitude».

La femme essentielle veut donc à la fois se sentir belle et bien dans ses vêtements, qui doivent s’adapter à son quotidien, et non le contraire. Les ballerines pliables sont ainsi devenues un «must ». Christine Natkin a ainsi créé Bagllerina, qui  peut  discrètement se glisser dans le sac à main et soulager les pieds des femmes actives de talons trop peu confortables. Disponible uniquement sur facebook, Rollies, une  paire d’emergency shoes née à Singapour vient également d’arriver en France.

 
–       La femme ultra-féminine: l’époque des corsets, des robes à traînes ou à crinoline est passée, mais ne cesse pas pour autant d’inspirer les grandes marques de la mode… et les femmes d’aujourd’hui. Il n’est qu’à voir le succès de l’exposition Madame Grès au musée Bourdelle pour s’en rendre compte: les drapés, les décolletés, les robes qui épousent les formes sont loin d’avoir disparus, et sont même incontournables dans les cérémonies importantes (galas, dîners huppés, remises de prix…). Ici, la féminité est délicate, artistique et presque divinisée.

–       La femme sexy: les marques qui ont su au mieux féminiser les courbes des femmes sont sans aucun doute les marques de lingerie, qui associent la féminité à la sensualité et à l’érotisme. La lingerie Dement, qui tient grâce à d’invisibles aimants, en est un exemple frappant: la femme est sexy, attirante, voire provocante, et elle sait en jouer. L’iconique semelle rouge des escarpins Louboutin a la même fonction : érotiser le corps en le rendant sexuellement suggestif. Une enquête aufeminin.com menée en 2010 a d’ailleurs montré que les Louboutin étaient l’un des articles de mode qui faisait le plus rêver la gent féminine…
 

–       La femme androgyne: d’une manière paradoxale, certaines femmes expriment leur féminité en s’habillant de la manière la plus androgyne possible – et cultivent un corps très mince pour gommer leurs courbes. Signe de l’importance de cette tendance, l’extraordinaire succès de la marque The Kooples, dont le slogan est «un vestiaire pour deux». Les trois frères Elicha, fondateurs de la griffe novatrice, voulaient en effet créer une marque qui trouve sa place à la fois dans les dressings féminins et masculins, avec beaucoup de pièces mixtes. Leur vision de la femme? «un style androgyne, une fille qui pique les vêtements de son homme : nous ne sommes pas pour l’hyper-féminité, elle est bien trop évidente»? Petit bémol : en poussant cette logique jusqu’au bout, les frères Elicha ont été accusés de ne pas créer de vêtements pour femmes, mais de simples adaptations du vestiaire masculin, sans vraiment d’autre vision de la féminité que d’être le plus proche possible de son conjoint, vestimentairement parlant…

–       La femme sportive : Les femmes, pour accéder à l’idéal de minceur que la publicité leur impose depuis deux décennies, se sont mises au sport – et les créateurs font de leur mieux pour profiter de cette tendance, en prouvant que sport et féminité ne sont pas incompatibles. Le sport est en effet la discipline par excellence de la volonté de performance, mais au service de l’esthétisme (avoir une belle silhouette). Preuve que les marques savent s’adapter à cette double ambition presque contradictoire: la nouvelle gamme BodyTrain de Puma, des baskets à la fois séduisantes et amincissantes, affirme la célèbre marque allemande.

Plus marquante encore, la collaboration entre l’équipementier sportif Adidas et la créatrice Stella McCartney, des tenues de sport si féminines qu’elles défilent lors des Fashion Weeks ! Ces marques veulent permettre aux femmes de se sentir bien habillées au cours de toutes leurs activités, en créant des vêtements dans lesquels on peut bouger à sa guise. Elles refusent de faire de la femme un mannequin, dont la fonction est de mettre en valeur les vêtements. Dans cette idée novatrice de la mode, ce sont vraiment les vêtements qui mettent en valeur la femme, quoi qu’elle décide de faire.

–       La femme rock: la féminité rebelle n’est plus réservée aux adolescentes, loin de là. Têtes de mort sur cachemire, aigles et strass sur des jeans parfaitement ajustés: pour Thierry Gillier, fondateur de la marque parisienne bobo Zadig & Voltaire, la féminité se doit d’être subtile et d’affirmer son indépendance d’esprit : «la femme Zadig & Voltaire est jeune dans sa tête et ça se voit dans sa penderie. Elle est moderne, chic et décontractée. Elle s’approprie la marque, et réinvente son propre style selon ses envies, en s’affranchissant des modes. Elle est plutôt androgyne – je n’aime pas l’hyperféminité, elle peut devenir vulgaire et éteindre toute personnalité. La femme Zadig, elle, elle est libre et elle s’assume… ». Cette modernité rock, symbole d’un luxe «accessible et surtout pas conventionnel», a déjà séduit Kate Moss -icône de la mode indépendante s’il en est-, Marion Cotillard ou encore Charlotte Gainsbourg.

–       La femme libre : C’est la mode qui doit s’adapter au corps et au style d’une femme, et pas l’inverse – voilà ce qu’a toujours proclamé Sonia Rykiel, ardente défenseuse de la liberté de la femme depuis l’ouverture de sa première boutique, en… mai 1968, bien sûr. Chez elle, les mannequins sourient sur les podiums, les vêtements sont une explosion de couleurs et de matières confortables (comme le célèbre pull en mailles de couleur vive, emblématique de la marque), et la mode n’est pas réservée à une élite.
La couturière multiplie les initiatives pour que chacune, quels que soient ses moyens, puisse se payer une pièce Rykiel, que ce soit un élément de sa collection pour H&M ou… un de ses sex-toys ! Bref, la femme libre change de vêtements au gré de ses humeurs et de ses envies, elle ne se cantonne pas dans un seul style et assume tous ses choix, du plus girly au plus original…

Marine Baudin-Sarlet

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