Ils sont 200 millions, aisés, ultra-connectés et sont la cible préférée des marques et des enseignes. Qui sont-ils ? Les millennials chinois. Une nouvelle étude de Brain Value décrypte leurs comportements.
« Génération Transition », tel est le titre de la nouvelle étude réalisée par Brain Value. « Nous lui avons donné ce titre, explique Nicolas Riou, CEO de la société d’études, « car les millennials post 90s en Chine sont une génération carrefour entre les post 80s et le futur en devenir ». Premier enseignement: les millennials (16 % de la population totale en Chine) sont une génération en tension. En tension car ils vivent sous une pression sociale et familiale extrêmement pesante, et ce, depuis l’école jusque dans le monde du travail. La société leur impose un « life agenda » sous peine de passer pour des « loosers » : ils doivent trouver un travail entre 20-24 ans, se marier entre 22 et 26 ans, devenir propriétaires de leur appartement entre 24 et 26 ans, avoir des enfants entre 27 et 29 ans. « Ils sont en permanence placés sous le regard des autres et cela structure leur comportement », ajoute Nicolas Riou. Ils sont également en tension, entre la volonté d’affirmer leur individualité et la difficulté à le faire dans une culture confucéenne qui privilégie la hiérarchie et les valeurs de groupe.
Une génération en tension qui cherche à se libérer
Face à cette volonté d’affirmation de soi, les millennials chinois, en permanence dans la comparaison, recherchent tout ce qui peut soulager les tensions. Cela passe par les réseaux sociaux auxquels ils consacrent quelque 30H par semaine, souvent pendant leurs longs trajets en transports publics (plus de 2H/j). Ils sont devenus pour eux des outils d’appartenance à leur groupe social de référence, représentant un territoire d’affirmation de leurs goûts et de leur singularité. « WeChat est au cœur de leur éco-système d’applications », fait remarquer Nicolas Riou. « Les réseaux sociaux sont un lubrifiant social pour partager (la notion de partager avec ses pairs est dominante), affirmer son identité, construire sa personnalité, donner une image de soi ». Au point qu’il existe désormais un dicton qui résume cette tendance à instagramer tout et tout de suite : « In China, your smartphone eats first ».
La consommation est également une façon pour ces jeunes Chinois nés entre 1990 et 1999 de se donner une identité. « Consommer est leur premier loisir » insiste Nicolas Riou. Ils passent un temps impressionnant dans les centres commerciaux, toujours accompagnés de leurs amis. On comprend que les promoteurs de ces lieux (comme le Chinois K11 et le Singapourien Capital Land) font tout pour attirer cette cible et multiplient les offres en design, loisirs, F&B, mix enseignes, animation à même de les attirer et les faire consommer (cf. article influencia.net « Le Retail Made in Asia). Comme ils sont dans une logique de consommation ostentatoire et matérialiste, c’est par les marques qu’ils ont le sentiment d’appartenir à une classe sociale, d’où la course aux marques de luxe et fashion.
De nouveaux loisirs
A l’inverse de la génération précédente, les millennials chinois investissent dans les loisirs. Émergent ainsi de nouvelles activités qui sont autant de moyens de mettre en scène leur personnalité et leur expertise : ils se découvrent une passion pour la cuisine (in et outdoor, surtout quand les plats sont instagrammables), pour les voyages et commencent à s’intéresser au fitness (pour se démarquer et se comparer), au rap, à la street fashion (leur permettant de rejeter un mode de vie trop austère). La défense de l’environnement n’est pas une priorité mais vivre une « green life » les intéresse dans la mesure où cela peut leur permettre d’être plus performant. Les produits bio font leur chemin et les influenceurs ruraux commencent à se multiplier sur la Toile.
Une génération hétérogène
Nicolas Riou distingue 4 grands segments parmi la population des millennials chinois. Les « Status Seekers », les « Hédonistes », les « Moonlight Spenders » et les « Young Buddhists ». Pour les « Status Seekers », le bonheur rime avec la réussite sociale, ils consomment (surtout des marques de luxe) pour des raisons statutaires. Nés dans une famille qui s’est enrichie et leur assure un train de vie aisé, les « Hédonistes » disposent de bons revenus d’autant qu’ils sont propriétaires de leur appartement (offert par leurs parents). Ils aspirent à profiter de la vie (voyages, restaurants,…) et choisissent les marques pour l’expérience qu’elles leur procurent. Les « Moonlight Spenders » (« Avant la nouvelle lune, ils auront dépensé tout leur argent »), sont très matérialistes, vivent au dessus de leurs moyens pour consommer. Ils sont attirés par les nouvelles marques, la dernière mode, tout ce qui leur permet de ressortir de la masse. Les « Jeunes Bouddhistes » se retrouvent quant à eux parmi les plus jeunes de leur génération. Ils ne cherchent pas à s’élever socialement, refusant les sacrifices que cela impose et la compétition. Ils se tournent vers des valeurs d’intériorité et d’harmonie avec la nature. C’est parmi eux que l’on trouve les millennials qui s’ouvrent aux pratiques environnementales. Ils recherchent des marques plus simples, sans show off mais de qualité.
Comment séduire les Millennials chinois ?
Quelles stratégies les marques doivent-elles adopter pour séduire ces jeunes Millennials ? Et comment les fidéliser ? Nicolas Riou dresse quatre pistes : – faire preuve d’empathie, de proximité avec leurs styles de vie) ; – les aider à exprimer leur singularité (par la production, par exemple, de contenus qui les aident à exprimer une expertise). LittleRedBook et Douyin sont devenus dans leur domaine, deux plateformes de micro-contenus célébrissimes en Chine ; – leur proposer des expériences inédites et innovantes qu’ils pourront partager. C’est ce que font des enseignes de centres commerciaux comme K11 ou encore des marques comme LVMH ou Chanel qui multiplient les événements (Les Journées Particulières LVMH, Coco Game Center) avec le succès qu’on leur connaît ; – proposer du divertissement à l’instar des marques comme McDo, 7Eleven, FamilyMart ou encore Nike, qui multiplient les mini-programmes sponsorisés sur WeChat.
Dernier conseil et non des moindres : éviter les pièges culturels. Dolce&Gabbana en a fait récemment les frais en 2018 avec une campagne de publicité qui se voulait humoristique (une jeune femme habillée en Dolce&Gabbana s’efforçait de manger une pizza avec des baguettes) mais qui a heurté la fierté chinoise. La marque ne s’en est pas encore remise.
L’erreur irréparable commise par Dolce & Gabbana qui a dû annuler son défilé à cause de ce visuel jugé raciste par les chinois… La jeune fille est censée s’attaquer à une pizza avec ses baguettes. C’était en novembre dernier.