« Lidl, souhaite forcer les multinationales à baisser leurs prix », Michel Biero, Directeur exécutif achat chez Lidl
Pour la plupart des grands distributeurs, les industriels sont les boucs émissaires désignés de l’explosion des prix. Michel-Edouard Leclerc estime même que le « gouvernement et le patronat » n’ont jamais réussi « à prendre la mesure de ce tsunami ». Pourtant, comme le révèle un sondage réalisé par Odaxa, la majorité des Français estime que la grande distribution reste la principale responsable de cette inflation. On leur souhaite de pouvoir rapidement accorder leurs violons.
Invité par BFMTV le 25 avril dernier pour s’exprimer sur le pouvoir d’achat des Français face à l’inflation, Michel-Edouard Leclerc, président du comité stratégique des centres E.Leclerc, n’a pas rassuré son monde… ni hésité à tacler gentiment le gouvernement : « Ce qui a été pris ne sera pas redonné. Déjà l’année dernière il y avait une inflation très élevée. Le gouvernement nous a prié dans un premier temps d’accepter une fin de négociation très inflationniste (…) et ça va continuer jusqu’à l’été ». « À quelle hauteur ? », le coupe la journaliste Aurélie Casse, « à mon avis dans les 20% », lui répond la vingtième fortune de France. Il finit par tempérer : « dans une enseigne comme la mienne, on se fait une obligation de freiner ça au maximum ». Encore faudrait-il que l’autre camp, celui des industriels, accepte de « faire sa part du chemin », aurait pu lui répondre le ministre de l’économie Bruno Lemaire.
Cette interview, largement commentée depuis, était peut-être un moyen pour le patriarche de la famille Leclerc de redorer le blason de son industrie tout en pointant du doigt la responsabilité du gouvernement, du patronat ou plus globalement de « l’ensemble des forces économiques de ce pays » qu’il juge davantage responsable de l’explosion des prix. Il faut dire que le sujet de l’implication de la grande distribution dans la hausse des prix suscite bien des fantasmes.
Selon un sondage Odoxa pour BFM Business paru début avril, les Français estiment que la grande distribution s’accapare 39,4% de la valeur d’un produit, l’industriel 36,2% et l’agriculteur qui fournit sa production à l’industriel 24,4%. « Nos concitoyens sont enclins à désigner un coupable (bouc émissaire) tout naturel : le distributeur », décryptait Gaël Sliman, président d’Odoxa. « Ainsi, les Français pensent que c’est lui qui capte l’essentiel de la valeur d’un produit plutôt que l’industriel qui le transforme ou que l’agriculteur qui le produit ». Une vision à charge qui ne reflète pas forcément la réalité.
Le front commun de la grande distribution
Quoi qu’il en soit, les prix doivent baisser coute que coute. C’est pourquoi Michel Biero, directeur exécutif achat chez Lidl, appelait cette semaine dans un entretien accordé à RTL à « forcer » les multinationales à « revenir à la table des négociations pour baisser les prix ». Il estime à l’unisson des autres distributeurs que les prix des industriels devraient diminuer avec le coûts des matières brutes pour les négociations du second semestre. En effet, les prix du blé, des huiles végétales et même du papier ont baissé ces dernières semaines… sans aucune répercussion dans les allées des supermarchés.
La raison de ce statu quo est simple : les contrats d’achat de gaz ou d’autres matières premières qui courent sur plusieurs mois empêcheraient les distributeurs de soulager les portefeuilles des Français. Michel Biero poursuit : « Chez Lidl, cela fait trois semaines que l’on baisse les prix de centaines d’articles (…) mais j’ai pris sur ma marge. Bien évidemment, j’ai envoyé un courrier parallèle à celui de Bruno Le Maire pour dire à une grande marque (de soda, NDLR): qu’il serait bon de rediscuter de cette baisse de prix que j’ai mise dans le rayon ».
À qui la faute ?
Ce jeudi 11 mai, le gouvernement réunira à Paris les principaux acteurs de la distribution avant de retrouver les industriels au cours d’une seconde réunion à une date indéterminée. Le tout alors que les négociations commerciales entre industriels et distributeurs ont repris », a révélé Michel-Edouard Leclerc au cours de son passage sur BFMTV. De quoi satisfaire le gouvernement qui appelait les deux camps début avril à « s’inscrire de façon volontaire » dans une « perspective de renégociation infra-annuelle des contrats ». Emmanuel Macron ayant même demandé à la grande distribution de contenir ses marges pour lutter contre l’envolée des prix.
Pourtant, et contrairement à ce que pensent une grande partie des Français, comme nous l’avons constaté, le secteur de la grande distribution est loin d’être l’unique responsable de cette situation. Selon l’Observatoire de la formation des prix et des marges, dans un rapport daté de fin 2022, les marges brutes que s’octroient ses principaux acteurs varient grandement en fonction des rayons. Rien que pour l’alimentaire, elles sont même sous les 30% en moyenne. Encore plus révélateur, une fois déduits les frais de personnel, la facture énergétique et les frais du magasin en question, la marge nette après impôt s’élève en moyenne à 1,6% et est même négative sur de nombreux produits. Alors plutôt que d’essayer à tout prix de trouver le coupable idéal, l’ensemble des parties, gouvernement compris, devraient plutôt « faire leur part du chemin », pour reprendre les mots du ministre de l’économie.
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