27 juin 2024

Temps de lecture : 7 min

Avec Métamorphose(s) aux Rencontres d’Arles, Publicis Luxe conforte sa démarche autour de la culture

Rencontre avec Christine Milan, la DGA de Publicis Luxe et commissaire de l'exposition qui fait partie du parcours du Festival off d'Arles à partir du 3 juillet jusqu'au 12 juillet. Elle revient sur le concept du projet qui repose sur le dialogue de duos hybrides d'artistes et de créatifs de l'agence sur un thème. La première édition 2023 explorait le rapport du temps et de la création, ce nouvel opus s'intéresse à ce qui pourrait être son corollaire, la métamorphose. Il est question de rencontre entre la publicité, l'art et la culture, à travers aussi la création de Cultish, un nouveau terrain d'exploration pour l'agence.  

INfluencia : Publicis Luxe revient pour la deuxième année au festival de la photographie d’Arles avec une nouvelle exposition. Quelle est la genèse de ce projet qui repose sur le dialogue entre artistes et créatifs ?

Christine Milan : Publicis Luxe est l’agence qui réunit tous les talents de la stratégie à la création, à la production pour le luxe et depuis longtemps l’achat d’art et les créatifs se rendaient à Arles pour essayer de trouver les nouveaux talents de l’image et rester au contact des évolutions sociales et culturelles liées au monde de l’image. Et, puis l’année dernière, nous avons eu envie de nous faire un peu peur en tout cas d’avoir une démarche généreuse, non commerciale et de proposer quelque chose de très différent des campagnes que nous faisons pour Cartier ou Saint-Laurent. L’idée a été de monter une exposition collective en formant six duos entre des créatifs de l’agence et des artistes.

C’est un dialogue et à certains égards de la co-création, ce sont des rencontres fertiles. Les créatifs de l’agence ont planché autour d’un thème, le temps, en particulier le rapport du temps et de la création. Le titre de l’exposition était « Time is on your side » (le temps est de votre côté) comme une sorte de provocation optimiste face à un constat inéluctable, nous sommes tous mortels, nous avons tous 24 h dans la journée, alors le temps est une espèce de grand égalisateur. Ces duos ont travaillé sur différentes facettes du thème, certains sur la mémoire d’autres sur le temps de la recherche scientifique…

L’exposition est multimédia avec de la photo, de la vidéo, des installations sonores, de la peinture mais aussi de l’art brut cette année… Elle se déroule à nouveau aux Collatéraux qui sont les anciennes écuries de l’Hôtel Particulier du baron de Chartrouse. Arles est un écrin magique.

IN : après le thème du temps, vous avez choisi cette année celui de la métamorphose ?  

C.M : à chaque fois, j’essaie de me dire quel thème peut inspirer les créatifs, parce qu’il y a un écho avec l’air du temps. Il y a des moments de grands changements socioculturels, j’ai l’impression qu’on en traverse un, il m’a semblé que ce n’était pas inintéressant de penser les facettes de la transformation. Au même titre que l’expo l’année dernière était une provocation optimiste sur le temps, j’ai eu envie que cette nouvelle exposition soit une provocation optimiste sur le changement c’est-à-dire qu’on arrête de se dire que le changement est quelque chose de subi ou une dégradation mais plutôt quelque chose qu’on oriente et qui sublime. Le thème de la métamorphose est donc abordé sous plusieurs prismes à travers six nouveaux duos, Back Track par exemple tente de métamorphoser la mémoire, des souvenirs douloureux en sons expérimentaux, Love Serendipity par la juxtaposition de phrases du quotidien questionne sur les rapports humains, leurs sentiments et leurs métamorphoses…

IN : comment se construit ce projet au sein de l’agence ?

C.M : on fait un appel à projets, je présente aux collaborateurs le thème et ses différentes facettes. Puis, ceux qui sont intéressés reviennent avec des idées, on recueille entre 20 et 30 projets. Une directrice de création, le commissaire de l’exposition qui est cette année Julien Frydman qui a été directeur de l’agence Magnum et a fondé Offscreen (foire d’art contemporain dédiée à l’image) et moi-même sélectionnons ensuite six projets.

IN : quels sont les enjeux pour Publicis Luxe d’être aux Rencontres photographiques d’Arles ?

C. M : il y a plusieurs enjeux de niveaux différents. Le premier enjeu est d’avoir une initiative fédératrice pour l’agence qui permette à nos créatifs de s’exprimer en dehors des campagnes faites pour nos clients. Ce sont des créatifs qui pour beaucoup ont une pratique en dehors de leur métier. C’est de la culture d’agence, une fierté de la création que nous voulons faire rayonner. Le deuxième enjeu relève du lien de plus en plus poreux entre le luxe et la culture qui est une sorte de convergence, il était donc intéressant pour nous de trouver un thème qui fasse écho à l’évolution du luxe en tant qu’industrie, comme la question du temps qui se pose en permanence à la fois autour des problématiques d’intemporalité des marques mais aussi de durabilité des produits. Cette année, il en est de même avec le thème de la métamorphose ou même des métamorphoses. J’ai le sentiment que l’industrie se métamorphose et que dans quelques années on ne parlera peut-être même plus d’industrie du luxe mais d’un grand marché des idées ou de paysage de créativité où on sait plus très bien si on parle de communication, de quelque chose de commercial ou d’art. Une convergence s’opère et les frontières sont de plus en plus floues entre différents univers, c’est Saint-Laurent qui se met à devenir producteur de films à Cannes, Vuitton qui fait une collaboration avec Yayoi Kusama. Les maisons de luxe sont en train de se métamorphoser en acteur culturel. Enfin, le troisième enjeu est de créer une rencontre avec nos clients différente de notre relation habituelle de partenaires pour fabriquer des campagnes et des expériences autour de leurs produits. Nous les invitons la semaine de l’ouverture à deux soirées de vernissage et des dîners en petit comité où ils peuvent rencontrer les artistes.

IN : certaines maisons de luxe sont déjà très engagées dans le monde de la culture…  

C.M : oui, en effet, dans l’art, le cinéma… Comme Balenciaga qui avait coproduit un épisode des Simpson il y a quelques années. Mais j’imagine un futur où les maisons de luxe seraient d’abord des acteurs culturels qui, il se trouve, vendent encore des sacs et des chaussures. Aujourd’hui, elles créent des expériences en marge de leurs produits comme les défilés qui sont devenus des shows, des contenus.

 

IN : une agence de publicité qui expose dans un festival de photographie, cela peut surprendre…  

C.M : nous avons toujours été très proches du monde de la photographie, nous avons travaillé avec Peter Lindberg pour les campagnes Lancôme, Mario Sorrenti… tous les grands noms de la photo font de la publicité. Nous aurions pu faire une rétrospective de nos plus belles images de campagne, ça aurait eu de la valeur mais nous avions envie de nous challenger et d’aller explorer d’autres supports tout en présentant des œuvres autour de la photographie qui reste le cœur des Rencontres d’Arles.

IN : la publicité et l’art se rencontrent mais ils restent des univers bien distincts…

C.M : j’ai une conviction assez forte de ce point de vue-là, c’est qu’à la fois les deux mondes ont toujours été très proches et en même temps il faut qu’ils restent séparés. Beaucoup d’artistes que ce soit dans le cinéma, des réalisateurs, des chefs déco ou des photographes ont commencé ou fait un moment de la publicité. Il y a toujours eu un partage des talents entre ces deux mondes. D’une certaine façon, la publicité peut être mécène de l’art parce qu’elle permet à des gens de continuer leur métier. En même temps, je pense qu’il faut maintenir une distinction entre les deux la publicité ayant pour objectif de vendre quelque chose alors que l’art non. C’est très important que cela reste différent.

IN : quel dispositif déployez-vous pour communiquer sur votre exposition ?

C.M : nous ne mettons pas en place un dispositif de communication particulier. L’an dernier, nous avons fait une ou deux annonces dans la presse spécialisée, nous essayons surtout de faire relayer l’information dans la presse. Nous avons volontairement été discrets l’année dernière car ma grande crainte était d’entendre « les pubards débarquent à Arles ».  Nous voulions y aller avec humilité la première année, nous avons été très bien reçus, la critique était bonne, nous avons fait une exposition de qualité qui n’a pas été perçue comme de la pub. Je crois que nous avons passé le test d’entrée ! Cette année, nous voulons arriver à être davantage visibles.

IN : votre démarche a-t-elle un lien avec la plateforme d’art en ligne YourArt lancée par Maurice Lévy (président du conseil de surveillance de Publicis) l’année dernière ?  

C.M : nous avons commencé ce projet avant le lancement de la plateforme YourArt, en tout cas on ne savait pas qu’on travaillait sur cette même thématique. Mais ces deux initiatives sont totalement séparées. Maurice Lévy est venu l’année dernière à l’expo, il était très content. Notre première exposition a été montée sous le nom de Publicis luxe mais cette année nous avons souhaité créer une entité pour héberger toutes nos initiatives art et culture, il s’agit de la plateforme Cultish que nous lançons à l’occasion d’Arles. Cultish a un logo et une identité visuelle qui seront sur tous les éléments de communication. Elle pourra développer de nombreux projets, y compris avec YourArt, comme monter une exposition pour un client. En ce moment, nous discutons sur la création d’un magazine ou d’une publication cet automne pour prolonger le thème des métamorphoses au-delà de l’exposition.

IN : Cultish pourrait s’apparenter à une agence culturelle ?

C.M : oui, c’est un peu ça, on le voit, les agences qui s’intéressent au luxe et à la culture sont en train de développer des offres en ce sens, c’est notre façon de le faire. L’idée est d’héberger des projets mais aussi de donner un espace d’expression et de visibilité aux artistes à travers nos expositions par exemple. C’est un dialogue et un échange entre nous. Nous sommes très contents de pouvoir travailler avec eux, de bénéficier de leur talent et de leur créativité et en même temps nous montons une exposition, nous produisons, nous scénographions où ils peuvent montrer leurs œuvres. Il y a des ponts qui peuvent se créer au-delà de l’événement. L’année dernière par exemple, un client a eu un coup de cœur pour un artiste, il l’a sollicité sur un projet.

 

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