IN : quelles principales tendances se dégagent à la lecture des CGV 2023 ?
Meryem Amri : on voit clairement dans les CGV 2023 une dynamique sur la convergence vers le full vidéo, qui suit la tendance des audiences et la consommation accrue des formats vidéo. Toutes les régies étoffent leur proposition de valeur sur la dimension vidéo et ont une posture assez « attentiste » en vue de 2024, qui verra l’arrivée de la nouvelle mesure de Médiamétrie et permettra d’acheter des audiences full video. Cela n’est pas sans conséquences pour les agences médias, notamment sur les réflexions autour de la nouvelle monnaie, le CPM au lieu du traditionnel GRP. Les plus grandes régies (Canal+ Brand Solutions, France Télévisions Publicité, TF1 Pub…) vont commencer à afficher en miroir les données CPM pour familiariser le marché mais nous avons encore beaucoup de question à poser et à nous poser sur cette nouvelle monnaie d’échange. Elle induit par exemple que l’on s’entende sur certaines normes (visibilité, répétition…) qui ne sont pas encore totalement arrêtées. Cela va nécessiter un travail de fond avec l’ensemble de l’écosystème et, en premier lieu, les régies.
IN : certaines innovations sont-elles particulièrement prometteuses ?
M.A. : parmi les nouveautés produits, Canal+ Brand Solutions lance un format New Hero qui fait appel au deep fake. On est là sur une innovation assez rupturiste et intéressante à explorer. On voit aussi que les régies cherchent à toucher des audiences plus jeunes, de plus en plus difficiles à capter en télé linéaire, et proposent des extensions d’audience sur les réseaux sociaux, notamment Snapchat pour M6 Publicité et TF1 Pub. Chez cette régie, le MPI Priority permet aussi des opportunités intéressantes avec un produit assez souple, activable à la vague, qui assure un passage en télé dans un environnement encombré. Il est également intéressant de noter la dynamique que proposent toutes les régies autour de la dimension RSE. Leur discours est très volontariste en proposant des mesures d’impact des campagnes ou en créant de nouvelles zones d’expression avec des écrans qui permettent de thématiser le sujet et de valoriser les communications responsables des marques.
IN : la télé segmentée entre, disent les régies, dans une phase d’industrialisation. Les nouvelles propositions sont-elles à la hauteur des attentes des agences médias ?
M.A. : la plupart des régies proposent de nouvelles offres de ciblage et un parc d’opt-in qui devrait croître pour atteindre 8 millions de foyers à la fin 2023. Sur ce sujet, il y a encore très peu de cas de ciblages pertinents au-delà de la géolocalisation et le marché est en attente d’une offre un peu plus développée. On voit toutefois arriver des solutions de ciblage contextuel autour des programmes et de thématiques qui peuvent être un levier assez intéressant. C’est aussi le cas du ciblage des non-exposés télé que proposent certaines régies (France TV Publicité…). C’est une dimension intéressante pour capter à nouveau des audiences qui ne sont plus disponibles en linéaire et engendre de l’inflation.
IN : dans quelle mesure les régies ont-elles conjugué cette inflation liée au marché à l’inflation plus globale que l’on constate ?
M.A. : la plupart d’entre elles ont un discours assez transparent sur cette inflation qui résulte pour partie de l’augmentation du coût de la vie et de coûts de production plus élevés. Ce qui n’enlève pas l’inflation assez généralisée qui est mécaniquement liée à la baisse de l’audience en linéaire et à un encombrement plus important sur une offre qui se réduit. Leur discours sur la simplification des offres commerciales n’est pas toujours aussi simple qu’il n’y parait. Cela induit pour nous, acheteurs du média, de monter en expertise sur tous les modes de commercialisation, les possibilités d’adressage, les emplacements préférentiels, un ciblage de plus en plus dataisé… pour nous assurer qu’il n’y a pas d’autre inflation que celle annoncée.
IN : qu’auriez-vous aimé voir et qui n’est pas dans les CGV 2023 ?
M.A. : peut-être plus d’innovations vers le produit. Comme on est dans une année de transition, on reste sur des produits que l’on connaissait déjà les années précédentes. Même s’ils se renforcent et se dynamisent, l’offre produit n’est pas très rupturiste cette année.