8 novembre 2024

Temps de lecture : 6 min

Matthieu Reinartz  (Hungry and Foolish) « J’ai appris à cracher du feu très jeune »

Matthieu Reinartz n’est pas une tête brûlée, même si…  Le président et cofondateur de l’agence Hungry and Foolish et président de la délégation Publicité de l'AACC, répond au « Questionnaire d’INfluencia », autour d’une madeleine et d’un thé, au sein de l’hôtel Swann* – Proust oblige.

INfluencia : votre coup de cœur ?

Matthieu Reinartz : j’en ai deux. Le premier est pour Thierry Reboul. Ce qu’il a fait en tant que directeur des cérémonies aux JO de Paris 2024 est incroyable. Je l’ai côtoyé entre 2012 et 2014, nous faisions partie de la même association Le Raffut, qu’il avait cofondée. Et j’avais appris à le connaitre. Il était toujours en recherche de marquer les esprits par l’idée, par le choc des images, de la photo pour le communiqué de presse, quelles qu’en soient les conséquences, même légales. Un vrai pirate de l’évènementiel ! Il a fait beaucoup de choses incroyables mais honnêtement, je ne pensais pas que son approche serait compatible avec une machine aussi lourde et réglementaire que Paris 2024. Je n’ai pas osé le lui dire. Il m’a fait mentir et je me suis rendu compte en voyant les événements qu’il était le seul à pouvoir nous emmener là. Je ne l’ai pas encore félicité, je me suis dit que j’attendrais qu’il soit un peu moins sollicité pour le faire, j’en profite aujourd’hui. Bravo Thierry ! Et Merci 🙂

Le deuxième est pour Jeremy Demester. J’adore la création au sens large, mais il y a un art auquel je me suis mis assez tard, c’est la peinture. J’y ai pris goût ces dernières années, notamment en découvrant de nombreux artistes contemporains. Et notamment ce jeune artiste franco-béninois, d’origine tzigane qui peint des œuvres avec une énergie incroyable. Nous avons acheté et mis un de ses tableaux dans une de nos salles de réunion à l’agence et cela a changé l’atmosphère et la dynamique de la pièce. C’est incroyable.

Mon vrai dernier coup de colère était contre un skieur italien qui m’a fauché par derrière en bas d’une piste, vite et sans aucune maîtrise

IN. : et votre coup de colère ?

M.R. : je ne suis que très rarement en colère, je ne dois pas être fait comme tout le monde mais globalement, il n’y a pas grand-chose qui me fait sortir de mes gonds. Ce qui est à la fois rassurant et embêtant pour les gens qui m’entourent. J’ai un flegme à toute épreuve. Je crois que mon vrai dernier coup de colère, un peu anecdotique, il faut bien le dire, c’était contre un skieur italien qui m’a fauché par derrière en bas d’une piste, vite et sans aucune maîtrise. Le choc a cisaillé ma dorsale. Là ça m’a vraiment mis en colère… 

Bien sûr, pour ne pas concentrer ma colère sur ce skieur italien qui a perdu le contrôle, il n’est pas possible de répondre à cette question sans évoquer la dérive de notre monde actuellement. Cette instabilité géopolitique qui engendre des guerres multiples sans que l’on arrive à ralentir l’escalade nulle part. Là, ce n’est pas une colère chaude du moment, c’est une colère froide et de longue durée hélas contre la nature humaine…

Ma mère nous a appris à ne pas laisser dire n’importe quoi à n’importe qui sans réagir, encore moins devant ses enfants

IN. : la personne ou l’évènement qui vous a le plus marqué dans votre vie ?

M.R. :  je sais que je ne dois pas parler de ma famille mais la personne qui m’a vraiment le plus marqué, c’est ma mère. Mes parents m’ont eu très jeunes, à 20 ans, alors qu’ils étaient étudiants vétérinaires. Ma mère m’a élevé avec mes quatre frères et ma sœur tout en bossant six jours par semaine. Et dans les années 80/90, autant dire qu’elle gérait énormément de choses à la maison. Elle travaillait beaucoup (voire trop), elle faisait passer la famille avant tout. C’est grâce à elle que nous sommes une fratrie aussi soudée aujourd’hui. Elle a toujours été féministe et progressiste. Je me souviens d’un évènement marquant lors d’un déjeuner de famille à Pâques. C’était la fin des années 90, en plein débat sur le PACS. Mon grand-père paternel, qui était adjoint au maire de son petit village, a dit qu’il refuserait d’unir des personnes du même sexe. Après quelques échanges stériles, ma mère s’est levée, a pris ses enfants et nous sommes partis illico. Je crois que nous n’avions même pas fini l’entrée. J’étais ado à l’époque. Sur le coup, je me souviens m’être dit qu’elle en faisait trop. Que mon grand-père était vieux et qu’on ne le changerait pas. Et que ça n’engageait que lui. Et puis, c’était une grande réunion de famille où on s’amusait bien… Je me suis rendu compte après coup que ce qu’elle a fait ce jour-là nous a énormément construit, mes frères, ma soeur et moi. Sa réaction est un pilier de notre ouverture d’esprit, elle nous a appris à ne pas laisser dire n’importe quoi à n’importe qui sans réagir, encore moins devant ses enfants. Je ne le lui ai pas dit ce jour-là, mais je la remercie énormément de ce qu’elle a fait.

Et si je dois vous citer un évènement non familial, qui m’a profondément marqué, c’est l’élection de Barack Obama qui a été un élément d’ouverture incroyable pour le monde entier. On se sent hélas tellement loin de cela aujourd’hui dans le monde dans lequel on vit.

Après 15 ans d’allemand, je ne sais dire que « Guten Tag »

IN. : si c’était à refaire ou si vous aviez suivi vos rêves d’enfant

M.R. : honnêtement, je ne changerais rien. Depuis tout petit, je rêvais d’entreprendre et j’ai réussi à le faire avec des copains et dans un milieu passionnant. Si je devais vraiment changer un truc, ce serait un détail : je prendrais anglais en LV1 plutôt qu’allemand. Je viens de Lorraine, à côté de Nancy, et il n’y avait pas d’espagnol au collège, c’était soit anglais soit allemand. 15 ans d’allemand quand même ! J’ai demandé à Chat GPT, ça représente 1000 heures en cumulé. Soit le temps qu’il faut en théorie pour être bilingue en anglais (ce que je ne suis pas…). Et je ne suis pas pour autant bilingue en allemand, loin de là ! Je sais dire « Guten Tag » (ndlr : bonjour). C’est quand même complètement stupide d’être orienté vers l’allemand pour être dans des soi-disant meilleures classes. Ça aurait pu être ça mon coup de colère finalement (rires).

Sinon, j’aurais bien aimé être président d’un club de foot, cela m’aurait tenté. En même temps, quand je vois toutes les galères qu’ils doivent gérer…Et puis cela met trop la lumière sur soi, ce qui ne correspond pas à mon caractère. Les challenges sont intéressants, mais dans l’ombre.

Ma plus grande réussite, c’est d’avoir pu trouver mes limites sans m’esquinter…

IN. : votre plus grande réussite ? (pas professionnelle)

M.R. : je ne suis pas tête brulée dans la vie, plutôt quelqu’un de réfléchi. Mais j’ai longtemps cherché à tester mes limites. Et ma plus grande réussite, c’est d’avoir pu les trouver sans m’esquinter… Sauter à l’élastique, faire de la chute libre, tester quelques substances illicites, les voyages à l’arrache… en faisaient partie. J’ai même appris à cracher du feu très jeune. Ma mère n’a jamais voulu regarder. Tout cela m’a construit, j’ai l’impression de bien me connaître. Maintenant j’ai arrêté et je croise les doigts pour que mes enfants trouvent leurs propres limites sans se mettre trop en risque. 

« Vous avez trop confiance en vous Mr Reinartz »… Cela a été une bonne leçon d’humilité qui fait du bien à 18 ans

IN. : votre plus grand échec ? (idem)

M.R. :  je me souviens du premier évènement que j’ai pris comme un échec et qui m’a marqué : c’est mon permis de conduire. Je l’ai loupé la première fois, alors que j’avais deux ans de conduite accompagnée derrière moi, que je conduisais vraiment quasiment tous les jours… La raison invoquée par la monitrice à l’époque : « vous avez trop confiance en vous Mr Reinartz »… Je crois que je n’ai pas compris la phrase, je m’attendais tellement à réussir. Cela a été une bonne leçon d’humilité qui fait du bien à 18 ans. 


IN. : le principal trait de votre caractère

M.R. : l’optimisme. Je regarde peu derrière moi et je n’ai pas peur de l’avenir. Je ne vois le verre qu’à moitié plein. C’est un formidable moteur au quotidien. Du coup, je ne comprends pas les nostalgiques.

IN. : vos sorties préférées

M.R. : J’adore rouler à scooter dans Paris la nuit, ce que je fais moins toutefois depuis que j’ai trois enfants. C’est vide, la ville est magnifique, ses lumières, ses monuments son énergie, ses ponts…. C’est un rappel systématique au plaisir de vivre dans cette ville.

Mon frère cadet Antoine a obtenu le « César du meilleur acteur dans un second rôle » dans « 120 battements par minute » en 2017.

IN. : quel personnage ou quel acteur emmèneriez-vous sur une île déserte ?

M.R. : j’ai deux frères qui sont tous les deux acteurs. Le cadet Antoine a tourné pas mal de films et a obtenu le « César du meilleur acteur dans un second rôle » dans « 120 battements par minute » en 2017. Il a été nommé aux César 2024 dans la catégorie « meilleur acteur dans un second rôle » pour « anatomie d’une chute ». Il est actuellement à l’affiche de la série « La maison » sur Apple. Nous nous entendons très bien. Et je partirais volontiers avec lui. Mais comme je n’ai pas le droit d’emmener un membre de la famille, j’emmènerais Indiana Jones. Il est drôle et débrouillard. Je ne m’ennuierais pas une seconde avec lui, il saurait trouver plein d’astuces pour vivre sur l’île et ensuite nous en sortir.

* L’Hôtel Littéraire Le Swann, situé au cœur du quartier historiquement proustien de la plaine Monceau et de Saint- Augustin, présente une collection d’œuvres originales sur l’écrivain ainsi que des pièces de haute couture, des photographies, des tableaux, des sculptures. Notre interviewé(e) pose à côté d’une sculpture de Pascale Loisel représentant bien sûr l’auteur d’ « À la recherche du temps perdu ».

En savoir plus

L’actualité :

Le groupe de communication indépendant HUGE qui a fêté ses 18 ans cette année et réunit l’agence de création HUNGRY AND FOOLISH et le cabinet de conseil en marketing digital GENIUS, s’est récemment associé à LT Capital (acteur du capital investissement en France), entré à hauteur de 25%, pour accélérer son développement et sa croissance. Cette opération sera également l’occasion d’élargir davantage le capital du groupe à ses collaborateurs, après une première association capitalistique interne en 2022. Elle permet enfin la mise à disposition de moyens humains et financiers additionnels afin de soutenir la croissance du groupe en lien avec des opportunités d’acquisitions sur son marché historique permettant l’intégration de nouvelles compétences en IA et Data ou sur de nouvelles expertises complémentaires (corporate, influence, SEO/SEA, UX, etc.). Plusieurs pistes de croissance externe sont déjà à l’étude.

Fondé par Vincent Barbate, Charles Boonen et Matthieu Reinartz, le groupe HUGE réunit plus de 100 experts de la marque et de la communication digitale (créatifs, planeurs stratégiques, experts en médias sociaux, experts en influences, consultants médias, producteurs) pour construire les grandes marques françaises et internationales. Il accompagne aujourd’hui plus de 50 clients, a réalisé une croissance de 25% en 2023 pour un chiffre d’affaires de 18 M€.

Principaux clients : le groupe Accor (Novotel, Mercure, Ibis Hotel, Ibis Styles, Ibis Budget), BPCE (Banque Populaire et Caisse d’Épargne), L’Oréal, Biocoop, AESIO mutuelle, Puy du Fou, Bic, Petits Frères des pauvres ou encore Veolia.

 

Deux campagnes marquantes récentes :

  • Veolia a lancé l’initiative « Éco d’Eau» en mars 2023, pour sensibiliser et mobiliser citoyens, pouvoir publics, entreprises et associations à la préservation de notre ressource commune en eau. Un an plus tard, à l’occasion de la journée mondiale de l’eau, Veolia souhaitait donner un nouveau souffle à cette initiative pour la rendre plus impactante et visible. Aidée par l’IA, Hungry and Foolish a donc recréé des oeuvres impressionnistes telles qu’elles auraient pu être faites aujourd’hui mais sans eau et les a présentées lors de la Journée mondiale de l’eau 2024, année qui coïncide avec le 150e anniversaire de l’impressionnisme.
  • pour Petits frères des pauvres, la dernière campagne, détourne des œuvres d’art célèbres, les affiches mettant en scène des personnes âgées dans des postures emblématiques, évoquant des tableaux iconiques comme Mona Lisa ou le portrait de Vincent Van Gogh. Ces visuels puissants illustrent un constat : alors que des chefs-d’œuvre attirent chaque année des millions de visiteurs, de nombreux aînés demeurent invisibles, sans visite ni attention.

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