Souvent perçue comme la ville la plus sale de France, Marseille est devenue la scène d’initiatives inédites. Associations, entreprises et citoyens se mobilisent pour le nettoyage des déchets en mer, comme en ville.
Air le plus pollué de France, mer la plus gorgée de plastique au monde et terre de déchets. Le constat est accablant à Marseille, où les incivilités règnent. Alors, pour protéger ces quelques 9 000 hectares d’espaces naturels, une minorité agissante de citoyens et d’entreprises émergent depuis plusieurs années. Ils sont aujourd’hui une petite centaine d’organisations locales à s’être fixé comme mission le nettoyage de leur ville. La synergie est telle que les collectivités elles-mêmes y prennent part.
Vers une solidarité publique
Prévention et sensibilisation du grand public et des entreprises, études de terrain, collecte de données, nettoyages des Calanques… En 18 ans d’existence et de lutte contre la pollution des milieux aquatiques par les ordures ménagères, l’association MerTerre s’est imposée comme l’une des plus engagées sur le territoire. Pour preuve, l’ONG travaille avec la métropole Aix-Marseille Provence et ses services techniques dans l’optique de créer un plan de prévention des déchets sauvages. » Pour envoyer un signal fort au public, ce sont les collectivités territoriales qui doivent montrer l’exemple « , défend Isabelle Poitou, fondatrice de l’association, l’une des premières scientifiques en France à avoir traité la pollution des milieux marins comme sujet d’études. Une thèse que la Parisienne est venue faire à Marseille, dans un environnement qu’elle n’a jamais quitté depuis. » Ici, nous avons un réseau, des connaissances du terrain et de ses acteurs. La Région Provence-Alpes-Côte d’Azur est notre terrain de jeux, on s’entraîne, afin de dupliquer ce qui est fait ici auprès d’un réseau national « .
Ainsi en 2017, l’association s’est joint au ministère de la transition écologique et solidaire dans l’élaboration du programme national » Adopte un spot « . Inspiré des Etats-Unis, le projet vise à coordonner de façon régulière les acteurs installés sur plusieurs territoires stratégiques délimités pour y établir des bases de données solides et des plans d’action adaptés contre la pollution des déchets sauvages. Et l’une des zones test de ce programme est évidemment la région PACA.
Quand les entreprises s’engagent
Mais le travail de l’association MerTerre ne se limite pas qu’aux collectivités, et touche aussi les entreprises locales souvent installées près de la rivière de l’Huveaune ou sur le pourtour méditerranéen. L’enjeu pour ces acteurs économiques est d’adapter leur chaîne de production en évitant que leurs déchets ne rejoignent les milieux marins. Aujourd’hui, 80 % des ordures présentes en mer proviennent de la terre ferme. Cet engagement, le SERAMM, Service d’assainissement Marseille-Métropole le prend aussi très au sérieux. Cette filiale de Suez en charge de l’assainissement de plusieurs communes de la métropole a permis à l’association d’enrichir sa base de donnés grâce notamment, à l’étude de leur dégrilleurs, des appareils qui permettent de retirer les ordures volumineuses des eaux usées . De quoi élaborer prochainement un plan de prévention et de réduction des déchets dans des réseaux pluviaux. D’autres entreprises locales et nationales choisissent de s’engager à l’occasion des opérations » Calanques propres » organisées par l’association. Ce rendez-vous annuel de ramassage de déchets, de la Côte Bleue à La Ciotat, rassemble 1 700 personnes, issues de 80 structures différentes. D’autres marques, comme Rostaing, fournissent le matériel aux bénévoles.
Mais par delà la collaboration et le bénévolat, les entreprises locales osent l’innovation. En janvier dernier, un robot méduse était en rodage dans le port de Cassis. Créé par la jeune société aubagnaise IADYS, le “ jellyfishbot ” équipé d’un filet peut ramasser les déchets qui flottent à la surface : du jamais vu. Si la version autonome est encore en cours de développement, ses trois inventeurs espèrent équiper plusieurs ports de la Côte d’Azur. Le petit aspirateur fait même de l’oeil à la Métropole Aix-Marseille Provence. D’autres acteurs, eux, s’intéressent davantage à la revalorisation des ordures que renferme la Méditerranée. C’est le cas d’Emmanuel Laurin, qui, épaulé par l’école de Design de Marseille et diverses associations, élabore actuellement une série d’articles fait à partir de déchets trouvés en mer par des pêcheurs ou lors des collectes sur les plages. Sac à dos fait à partir de combinaisons de plongée usagées, hamacs en filets de pêche, lunettes de soleil… Les idées ne manquent pas et pour cause : il y a un an, “ Manu ” reliait à la nage Marseille à Toulon en ramassant les macro-déchets croisés en mer pour sensibiliser le grand public. Suivi par le réalisateur Jeremi Stadler, ce périple de 120 kilomètres constitue l’un des épisodes du documentaire “ Le Grand Saphir ”, une série de portraits des défenseurs de l’environnement qui font la fierté de Marseille.
Une prise de conscience globale
Parmi eux, Edmund Platt, dont le mouvement “ One Piece of Rubbish ” a gagné une notoriété nationale. Le concept ? Inviter chaque citoyen à ramasser un déchet par jour, tout en postant la photo de sa trouvaille sur les réseaux sociaux. Une manière de dédramatiser la situation d’une ville souvent décriée comme la plus sale de France. Pourtant, “ Marseille est en ébullition à ce niveau là « , assure Emmanuel Laurin. » J’ai même l’impression que c’est l’une des villes qui se motive le plus ”.
Une partie de la TeamOMP est à la bonne mère pour aider au nettoyage #1dechetparjour pic.twitter.com/Okk8wAbzK0
— OhaiMe-Passion.com (@ompassion) 11 février 2017
Une motivation qui opère à toutes les échelles. Sur Facebook, le groupe “ Marseille poubelle la vie ” dénonce en photos les décharges sauvages auxquelles aucun quartier de la ville n’échappe. En moins de dix mois, 15 500 internautes ont rejoint le mouvement dans l’espoir de faire réagir les services territoriaux compétents.
Cet article a été écrit par Solene Peillard, Sophie Pironnet et Manon Ufarte.
Solene Peillard, révoltée par tout et engagée par principe. Câline des arbres sur son temps libre.
Sophie Pironnet, passionnée d’arts et de culture. Aime le vintage, l’écologie et les super-héros en fiction comme dans la vraie vie.
Manon Ufarte, passionnée par la mer, les voyages et surtout, par les gens. Féministe mais avant tout humaniste.