Pour séduire les altruistes millennials, les entreprises doivent prouver leur volonté de protéger notre belle planète et ses habitants. Pour se faire, plusieurs recettes existent…
L’enfer peut être pavé de bonnes intentions. Pour coller aux attentes éco-responsables des millennials, les marques ont pris conscience qu’elles devaient s’impliquer autour de grandes causes. Sauvegarde de l’environnement, lutte contre le travail forcé, aide aux plus démunis, chasse au gaspillage… Les moyens d’aider ne manquent pas mais pour être efficace, une telle politique doit correspondre à l’image de l’entreprise et à ses produits. « Saupoudrer » ses aides auprès de multiples organisations non gouvernementales peut se révéler contre-productif. Lier son logo à une seule et unique association peut, également, être assez dangereux. Le parcours à suivre pour séduire les altruistes millennials est donc semé d’embûches mais les sociétés qui parviennent à franchir les différents obstacles laissés sur leur route peuvent toucher le gros lot…
Le mensonge ne paie pas
La couleur verte ne fait pas l’écolo. Henkel l’a appris à ses dépens. Le groupe allemand a longtemps regretté d’avoir eu la « lumineuse » idée de lancer en 2009 pour sa lessive, Le Chat, la campagne « Eco Efficacité » en commercialisant des bouteilles vertes avec comme slogan « l’écologie c’est le moment d’en parler moins, d’en faire plus ». Cette publicité conçue par l’agence DDB° a vite été accusée de « green washing » par l’Observation, indépendant de la publicité qui a publié un rapport à charge sur cette opération.
D’autres marques se sont également mordues les doigts d’avoir tenté des promesses vides de sens pour ne pas dire totalement mensongères. La gamme « Eco Advanced », qui se vantait d’être « la plus grande innovation » d’Energizer, contenait ainsi… 4% de piles recyclées. Et que dire des aliments « 100% naturels » qui contiennent des produits chimiques ou des cacaos équitables qui sont récoltés dans des plantations où les fermiers vivent sous le seuil de pauvreté ? La plupart des marques évitent aujourd’hui de mentir outrageusement au grand public. Les entreprises qui cherchent à séduire les millennials savent, tout particulièrement, à quel point cette génération est hyperconnectée et surinformée. Ces consommateurs dé- couvrent rapidement les mensonges et les promesses non tenues des sociétés, n’hésitant pas à partager leur colère et leur indignation sur les réseaux sociaux.
Les dons ne suffisent plus
Pour redorer leur image, les sociétés se sont longtemps contentées de faire des dons à des associations ou à des projets de protection de l’environnement. Mais les marques doivent aujourd’hui aller plus loin en unissant leurs efforts avec une ou plusieurs organisations à but non lucratif. La « cause marketing », c’est le terme utilisé par les anglo-saxons qui n’a toujours pas été francisé, ne doit toutefois pas être fait à la légère. Être éco et sociéto-responsable permet tout d’abord d’accroître la notoriété de sa marque auprès de la génération Y. Une étude de l’agence de communication, Cone, intitulée « Cause Evolution » montre que 85% des consommateurs ont une bonne image des sociétés qui soutiennent une cause qui leur est chère.
Cette attitude bienveillante peut avoir des répercussions sonnantes et trébuchantes pour l’entreprise concernée. eBay propose ainsi aux internautes de verser des dons à des associations lorsqu’ils effectuent une transaction sur son site. Les vendeurs qui proposent cette option sur la plateforme de vente en ligne enregistrent une hausse de leurs ventes 29% supérieure à ceux qui ne le font pas, selon une étude du géant de l’e-commerce. Le taux d’attrition (« churn rate »), qui mesure la perte de clientèle ou d’abonnés, chute même de 67% lorsqu’une entreprise donne à ses clients la possibilité de reverser de l’argent à une bonne cause lors d’un de ses achats. De nombreuses marques ont ainsi compris ces dernières années qu’elles devaient jouer la carte durable pour rester dans le jeu des millennials.
Même la mode s’y met
Cette évolution des mentalités ne s’est pas faite en une journée. « La première fois que j’ai contacté des griffes de luxe en leur parlant d’utiliser du plastique recyclé, elles m’ont répondu que ce n’était pas glamour », expliquait à L’Obs Cyrill Gutsch, le fondateur de Parley for the Oceans qui collabore avec Adidas ou Stella McCartney « Nous avons aujourd’hui réussi le pari de rendre le développement durable tendance et cool ». La mode, longtemps symbole de gaspillage et de frivolité, cherche désormais à être « citoyenne ». L’enseigne suédoise, H&M, a récemment commercialisé une collection de sportswear fabriquée à partir de matériaux durables. Les collants, brassières de sport et autres sweats à capuche de cette gamme contiennent notamment du polyester et de l’élasthane recyclé. La chaîne de magasins a également vendu pendant un temps une robe plissée fabriquée avec le plastique de bouteilles récoltées sur les plages. Cette opération était née après son union avec la start-up, BionicYarn, qui a déjà travaillé avec d’autres grands noms de la mode comme G-star, O’neill ou Pharrell Williams.
Pour affirmer son engagement sociétal, environnemental ou humain, deux pistes existent. La première est de concentrer tous ses efforts auprès d’une cause ou d’une organisation. La firme américaine Gap soutient ainsi depuis sa création (Red), l’organisation de lutte contre le SIDA en Afrique lancée par Bono, le chanteur du groupe U2. La seconde, pour les griffes qui ne souhaitent pas se lier trop intimement à une association ou qui n’ont pas les moyens de verser de gros chèques à une ONG, est d’apporter leur soutien à une cause très médiatisée ce qui leur permettra d’accoler leur nom à d’autres entreprises bien plus importantes. C’est le cas notamment de (Red) qui a comme partenaires de nombreuses multinationales comme Apple, Coca-Cola ou Bank of America mais aussi des sponsors plus modestes tels Le Creuset, Alessi ou Fatboy. Une de ces sociétés les plus exemplaires dans le domaine est, sans aucun doute, Patagonia.
Patagonia montre la voie
Partisan du capitalisme responsable, la firme cherche à utiliser des matières et des processus de fabrication provoquant le moins de dommages possibles pour la planète. Elle a notamment été la première à proposer aux surfeurs une combinaison sans néoprène. Pour éviter le gaspillage, elle a lancé la plateforme Worn Wear qui permet d’acheter et de revendre ses vêtements déjà portés. Au lieu de donner de grosses sommes à une poignée d’associations, le groupe préfère signer des chèques compris entre 2500 et 15000 dollars à des centaines d’organisation chaque année. 1% de ses ventes est notamment reversé à des associations environnementales. Depuis plus de deux décennies, Patagonia organise également une conférence annuelle au cours de laquelle des spécialistes proposent aux militants des formations pratiques afin qu’ils soient plus efficaces dans leur lutte.
Les marques les plus sincères sont souvent celles qui sont le plus appréciées par les millennials. Ainsi Veja, qui a toujours affirmé suivre un modèle éthique et écologique, n’a jamais caché qu’il était tout simplement impossible de fabriquer des baskets 100% respectueuses de l’environnement. Mais la compagnie fondée en 2005 ne ménage pas ses efforts pour réduire son impact sur la nature. Son coton bio est produit par des associations d’agriculteurs d’Amérique du Sud qui le cultivent dans le respect de l’homme et de l’environnement. Le caoutchouc sauvage ne représente toutefois que 35 % de la semelle pour éviter que cette dernière colle au sol. Ses cuirs ne sont, quant à eux, pas issus du commerce équitable car l’élevage bovin nécessite des champs étendus et un investissement financier conséquent. Pour réduire sa production de CO2, la société française transporte ses produits par bateau depuis le Brésil où ils sont assemblés puis par barge jusqu’en banlieue parisienne.
De même, l’électricité qui alimente ses bureaux n’est pas produite par EDF mais par la coopérative Enercoop et les salariés brésiliens qui assemblent ses baskets sont payés cinq fois plus que dans les pays d’Asie où est fabriquée la quasi-totalité des produits de ses rivaux directs. Ce modèle singulier a un coût : à la production, une Veja coûte 30 à 40 % plus cher qu’une chaussure concurrente. Pour compenser, la petite société ne dépense pas un euro en publicité et en marketing. Or, ces coûts peuvent représenter jusqu’à 60 % du prix d’une paire d’autres marques. Cette stratégie permet à la PME hexagonale de proposer des tarifs aux consommateurs comparables à ceux de Nike, Adidas ou Puma. Et tout cela en respectant l’environnement et les salariés. Les millennials apprécieront…
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