Les Français préfèrent les produits qui leur parlent exotisme, ce qu’ils assimilent à authenticité, moins, ceux qui évoquent les régions françaises qui les renvoient au terroir.
La semaine de la langue française et de la francophonie qui devait se dérouler du 14 au 22 mars,
a été, Covid-19 oblige, reportée à une date ultérieure. Hasard ou coïncidence, Catherine Malaval docteur en histoire et créatrice de l’observatoire Motamorphoz s’est intéressée, -dans le cadre de l’anthropologie linguistique, discipline qui s’intéresse à la relation entre la langue et la culture-, au rayon pâtes et à ses spécificités idiomatiques! La linguiste tente à travers son étude sur les comportements collectifs ou pratiques alimentaires de comprendre ce que signifie « faire peuple »…
Faire peuple? Ou faire le plein?
Alors évidemment, si l’on observe l’avidité avec laquelle les Français se sont précipités pour dévaliser les rayons de pâtes, « faire peuple » releverait plutôt du « chacun pour soi »… Mais la n’est pas la question…
La Loi Toubon contournée
« Ainsi il est intéressant de comprendre que la France s’est construite comme un pays monolangue, alliant unité de langage et unité de culture, puisque la seule langue officielle est le français », explique la sociologue. Depuis 1995, la loi Toubon impose l’usage du français dans la communication commerciale vite gagnée par l’envie irrépressible de s’angliciser, mais dans le rayon jugé le plus important par les Français, -en témoigne leurs réflexes irrationnels de stockage-, le français côtoie, explicitement et implicitement, de nombreuses langues étrangères, comme des corps étrangers qui dans l’inconscient collectif se répondent naturellement. Mieux, l’usage d’une langue étrangère est un facteur d’authenticité.
Le modèle italien brille
Curieusement, et sans qu’il n’y ait aucune relation entre l’origine d’un produit et sa qualité, l’association langue- nation-territoire agit comme un label, une garantie en remplissant ainsi par association d’idées, sa fonction d’authenticité, de bon produit à consommer.
L’Orient et L’Asie : stéréotypes du lointain et de l’ailleurs
Chameaux, typographies imitant les écritures traditionnelles, évocation de sports martiaux, etc. : le recours à de tels symboles est symptomatique d’une culture française qui s’est construite en définissant un Autre et un Ailleurs, objets de tous les fantasmes. Plus une langue est éloignée du français, plus elle est susceptible d’être remplacée par des symboles qui remplissent cette même fonction valorisante et donnent de l’appétence au produit.
Les Farfalle plus familières des Français que les Spatzle
«Ce langage de signes vaut aussi pour les langues régionales, réduites à utiliser des symboles, et non leur langue, pour se différencier du français et faire valoir leur typicité », poursuit Catherine Malaval. Et c’est là que nous nous apercevons que notre langue ne s’enrichit pas du corpus régional, dans la communication publicitaire, puisque à défaut de célébrer le régional, nous utilisons les AOP et IGP en guise de supplément d’âme et d’identité, ainsi que pour donner plus de puissance à la marque. En clair, les langues régionales sont relégués aux abonnée absents. « On connait finalement mieux les farfalle évoqués naturellement par les consommateur, que les spätzle(nouilles alsaciennes) inconnues au bataillon, ainsi que par exemple les shortbread bien plus familiers que ne le sont les bredele (gâteaux alsaciens).
Le recours aux symboles
En effet, bien que parlées sur le territoire national, les langues régionales ne sont évoquées que par des symboles, témoignage de la méconnaissance de ces langages, voire un certain rejet. Alors que des libertés sont prises vis à vis des règlementations quand il s’agit d’inclure des inscriptions dans d’autres langues européennes, les langues régionales en sont écartées. À défaut de comprendre toutes les langues, le citoyen-consommateur est entraîné à les reconnaître et les catégoriser en un clin d’œil. Les publicitaires utilisent cette compétence à leur profit, Les emballages alimentaires
des produits de base dessinent donc un rapport ambivalent
du français aux langues étrangères. « Notre culture ne se caractérise ni par un rejet absolu des autres langues ni par une incorporation aveugle de ces langages, mais par un subtil et complexe entre-deux », conclue Catherine Malaval fondatrice de Néotopics.