À l’occasion de la sortie de son album Gros bébé le 13 novembre dernier, Naza, auteur des tubes « Loin de moi » et « Joli bébé », crée un jeu vidéo d’obstacles baptisé Objectif gros bébé. Une première pour un rappeur français.
Contraints, par les logiques inhérentes au confinement, de déployer l’essentiel de leur stratégie marketing sur le digital, Believe, en partenariat avec le studio Lost Mechanics, ont choisi d’assurer la promotion du dernier album de Naza en déployant un jeu vidéo bien particulier. En y intégrant l’ensemble des codes esthétiques de son oeuvre, tout en collant à son univers jovial et haut en couleur, l’application, dit endless -qui ne se termine jamais-, offre aux fans la possibilité de piloter, au rythme des titres de l’album, une montgolfière à l’effigie du rappeur. Naza a par ailleurs, prêté sa voix et commente ainsi les prouesses ou les ratés des joueurs sur ce parcours au départ de la gare de Creil, dont il est originaire. Pour comprendre les enjeux liés à la promotion d’un album en période de confinement, en parvenant notamment à recréer du lien entre les artistes et leur public par le seul biais du digital, nous avons rencontré Nicolas Petremann, co-fondateur du studio Lost Mechanics et Adrien Bosom, Head of Digital Marketing chez Believe.
INfluencia : quels rôles avez-vous eu respectivement, chez Believe et Lost Mechanics, dans la mise en place de l’application ?
Adrien Bosom : Believe détient trois labels : naïve, AllPoints et Animal63, dont j’occupe pour les trois, le poste de directeur marketing digital. Quand nous avons commencé à plancher sur la promotion de l’album de Naza, nous nous sommes rapidement questionnés sur la meilleur manière d’offrir de la visibilité au projet dans cette période si particulière. En partant de ce constat, la conception d’une application vidéo ludique, comme élément central de notre stratégie marketing, nous paraissait naturelle. Une idée d’autant plus excitante que Naza devient le premier rappeur français à créer son propre jeu, qui met en scène son univers -le jeu démarre à la gare de Creil, donc littéralement en bas de chez lui-, dont il est le personnage central etc. Que l’on soit fan de l’artiste ou pas, on entend sa musique en fond et sa voix qui vient commenter notre performance. Je trouvais que cela faisait sens. Nous avons ensuite pitché le concept à l’artiste et à son management, qui l’ont tout les deux adoré. Naza étant lui même un gameur assumé, et perçu comme tel par son public, cette idée était d’autant plus cohérente. Ensuite, nous nous sommes mis en quête d’une agence pour la concevoir, ce qui nous a conduit à travailler avec Lost Mechanics. En bref, l’idée et la stratégie ont été établies chez nous, et la prod. et l’innovation chez eux.
IN : a-t-elle été pensée en réaction à la mise en place du 2ème confinement ou était-elle déjà dans les tuyaux bien avant ça ?
Adrien Bosom : ce jeu video s’inscrivait bel et bien dans une stratégie globale de prise de parole sur le digital, mais qui s’est fortement accélérée, il est vrai, par la mise en place du deuxième confinement. Etant donné que l’on ne peut plus organiser de concerts, ou des rencontres entre les artistes et leurs communautés, il nous fallait repenser totalement la manière de communiquer pour une sortie de disque. Le digital ayant toujours constitué l’ADN de Believe, il nous fallait juste creuser d’avantage cette part de notre identité. Le jeu s’inscrit tout naturellement dans cette démarche : avec un budget marketing donné pour un projet, quoi de mieux que le digital pour être innovant et faire ce que les autres n’ont pas encore fait. L’objectif étant de créer du contenu accessible par tou.te.s et à tout moment. Quand on parle de jeux vidéos, on se cantonne trop rapidement aux mastodontes du marché tels que Fifa, Call of Duty etc. Dans le contexte actuel, il nous paraissait plus cohérent de créer du contenu à forte valeur humoristique, plus cool, quelques chose de léger, qui véhicule la bonne humeur. Une fois cette dimension de l’opération établie, notre principal challenge était de savoir comment véhiculer ces good vibes en digital pour un artiste. Un travail bien aidé par l’univers de Naza lui même, déjà très coloré et jovial.
IN : avez-vous prévu d’autres prises de paroles plus « traditionnelles » ? (display, affichage, etc.)
A.B. : cette opé. constitue le première volet de notre stratégie marketing global. Mais la quasi totalité du budget est passé dans le digital. Nous avons dû logiquement nous passer des opérations outdoor. Il a fallu repenser, comme nous le disions, la manière de communiquer pour un artiste en faisant du digital, et de cette application, le coeur de notre dispositif. Malgré ces contraintes, je pense que nous avons atteint notre objectif, à savoir recréer de la proximité entre Naza et son public. L’engagement des fans auprès de leurs artistes préférés est un lien très fort, qui relève même de l’intime. Il nous fallait juste trouver comment recréer cette proximité sur le digital.
IN : alors que de plus en plus d’artistes assurent eux meme la totalité de leur communication, deviennent-ils également de plus en plus hermétiques à ce genre d’opération qui les sort de leur zone de confort ?
A.B. : absolument pas. Naza et son équipe étaient totalement réceptifs à une opération de ce genre. Ils ont tout de suite compris les enjeux qui étaient les nôtres et senti que le tout serait très fidèle à son univers. La plupart des artistes avec lesquels nous travaillons sont demandeurs de nouvelles manières de communiquer avec leurs audiences. Surtout dans la musique urbaine, où le digital a autant sa place en écoute qu’en promotion.
IN : est ce que cette opération témoigne d’une volonté de capitaliser sur la consommation grandissante de jeux video en période de confinement?
A.B. : c’est une tendance qui ne nous avait, bien sûr, pas échappé. Mais ce n’était pas le fer de lance de notre démarche. Ce qui nous motivait avant tout c’était de créer des points de contacts entre les différentes communautés, à savoir aller chercher les gameurs et leur faire découvrir l’univers de Naza, pas seulement de toucher ses fans de la première heure. Un objectif loin d’être inatteignable, tant Naza crée très rapidement de l’empathie à son égard par sa joie de vivre.
IN : pensez-vous que ce genre d’application, bien plus interactive que d’autre formats promotionnels, représente quelque part l’avenir du brand content ?
Nicolas Petremann : la gamification des moyens de communication n’est vraiment pas un phénomène nouveau. Mais il est vrai qu’on sent une explosion des usages ces dernières années. Le jeu vidéo a vachement pris, avec notamment de plus en plus de casual gameurs, que l’on peut retrouver à jouer à des jeux sans prises de tête dans le métro, à l’arrêt de bus et autre. Une émergence qui a bien évidemment explosé avec le covid, de par le coté rewarding très fort de ce genre de jeu qui ne demandent pas un grand investissement de la part de l’utilisateur. On en a très rapidement pour notre argent. Pour les éditeurs, c’est tout benef : l’engagement est bien plus important qu’avec une communication plus classique. L’objectif d’un client est toujours d’avoir un lead, par exemple remplir formulaire ou générer un acte d’achat. Avec ce genre d’application, on arrive très rapidement à des taux d’engagement naturels de presque 40%. On a donc plus besoin de faire du forcing en aval, simplement car les utilisateurs n’ont pas le sentiment d’être face à une publicité. La seul problématique à résoudre étant de créer du contenu accessible au plus grand nombre, toujours simple et facile à comprendre.
IN : une semaine après le lancement, quelques chiffres, quelques retours, données sur le profil des joueurs ?
A.B. et N.P. : à peine 4 jours après le lancement de l’application, il est encore un peu tôt pour un premier bilan. Mais nous relevons déjà 34 000 parties jouées pour 8800 visiteurs uniques, soit 4 parties jouées par chacun.e d’entre eux.elles, et un temps de connexion de 2mn 30 en moyenne.