Le Club des D.A dévoilait hier soir, son 51ème palmarès, soit 242 campagnes récompensées, Rémi Babinet, désigné Directeur de Création de l’Année, Lacoste consacré Annonceur de l’Année. Le Prix Étudiants distingue les étudiants de l’École Estienne. Entrevue sur le pouce de Marie-Catherine Dupuy Présidente du Club. Pour découvrir ce palmarès, cliquez ici!
INfluencia : pouvez-vous commenter ce Prix de l’Annonceur, et les critères qui ont mis Lacoste en tête ?
Marie-Catherine Dupuy. : les Prix du Club récompensent avant tout les créations et les créatifs. Lacoste a reçu le Prix de l’Annonceur de l’année qui est l’une des distinctions prestigieuses du Palmarès. Créé il y a 10 ans, ce prix récompense l’audace et la récurrence créative, la capacité à innover, à surprendre, et à renouveler les codes d’une marque. Il distingue également la qualité de l’exécution, et la capacité à mobiliser plusieurs compétences. Il faut également pour prétendre à cette distinction avoir obtenu au minimum un Rouge sur 2 campagnes différentes. C’est le cas de Lacoste qui a totalisé cette année 8 prix (3 Rouge, 4 Blanc, 1 Bleu) avec ses campagnes Lacoste Crocodile Inside et Lacoste Crocodile. J’aime bien l’idée que ce prix soit attribué à une grande marque française accompagnée par une grande agence créative … et française.
IN. : quelle était la nature des créations de cette année ? Quelles tendances y avez-vous décelées ?
M-C.D. : on pourrait presque observer autant de tendances qu’il y a de catégories ! Pour n‘en citer que quelques-unes, un retour à l’affichage traditionnel à l’ancienne avec des visuels très simples épurés comme le souligne Faustin Claverie qui a présidé le jury dans cette catégorie, plus d’audace et de vérité dans la photographie avec une tendance à la Carte Blanche qui s’intensifie, à l’instar de la très belle campagne Poulain de François Prost. La tendance des grands (et longs) films émotionnels s’est encore accentuée cette année et là je dis attention. On commence à vouloir un peu trop faire pleurer dans les chaumières. On peut très bien émouvoir sans tomber dans la guimauve et les bons sentiments.
On peut aussi très bien émouvoir avec de l’humour et du décalage comme l’illustre si bien le film We are the Champions de la Fondation 30 Millions d’Amis de l’année dernière. En kraft film, bien que la shortlist publicitaire soit encore largement dans les mains de réalisateurs confirmés, la catégorie « Nouveaux talents » s’est étoffée avec de jeunes talents à l’écriture déjà très personnelle et affirmée malgré d’évidentes contraintes budgétaires : Alice Moitié, Hannah Rosselin, Laura Sicouri, Julien&Quentin.
Nous encourageons les créatifs à leur prêter une attention toute particulière, ils le méritent.On ne peut nier l’impact de la technologie sur les rendus et la percée des artistes numériques avec pour exemples l’Event du Collectif Scale pour Tetro et le Grand Hotel Diey de Lyon, Sidérea de Superbien à l’Atelier des Lumières ou encore 1024 Architecture pour l’Expo Electro à la Philarmonie de Paris. Enfin, on peut remarquer l’influence de plus en plus grande du design dans beaucoup d’exécutions créatives.
IN. : leur qualité. Certains disent que la pub est mise à mal. êtes-vous d’accord ?
M-C.D. : ça fait plusieurs années que la Pub est mise à mal, à tort souvent et à raison parfois. Portée par la frénésie d’une société de surconsommation, elle s’est laissé aller à la facilité en arrosant le consommateur de trop de pub et pas toujours de la bonne. La multiplication des canaux, si elle offre un champ d’expression encore plus large, ouvre aussi la porte à des créations de qualité douteuse. La publicité a toujours connu des crises car c’est une industrie en perpétuelle innovation. Je rejoins Gabriel Gautier quand il affirme que ce qui existera toujours c’est : comment parlons-nous aux gens ? Comment vendons-nous des produits ? Quels produits vendons-nous ? Est-ce que les produits sont bons ? Je suis donc très optimiste sur la « survie » des agences quelle que soient leurs formes, à condition qu’elles veillent plus que jamais à la qualité des messages – c’est à dire leur justesse et leur intelligence – et de leur expression formelle.
IN. : Rémi Babinet directeur de création de l’année… cela fait longtemps qu’il ne s’exprime pas sur la création. Volonté du club de couronner l’ensemble de son œuvre ?
M-C.D. : non absolument pas mais grande joie de voir Rémi obtenir ce titre. Ce n’est en rien un prix/hommage dans la mesure où comme pour le Prix de l’Annonceur de l’année, le Prix de Directeur de Création de l’année est attribué selon des critères précis (nombre de boules obtenues en Rouge, en Blanc et en Bleu). Rémi et BETC ont performé cette année au Club avec plusieurs campagnes primées : Lacoste bien sûr, mais aussi Lego, Bouygues, Valentino, … Et puis finalement c’est quand même un hommage à l’excellence créative de BETC depuis sa création. Ça tombe bien.
IN. : vous-même, avez créé des campagnes brillantes et responsables pour de grandes marques « à mission », des stratégies de long terme, d’accompagnement. Que pensez-vous de cette soudaine frilosité à l’égard de la pub ?
M-C.D. : la société actuelle est frileuse à l’égard de beaucoup de sujets. La pub cristallise certaines des angoisses actuelles : les enjeux environnementaux, la crise économique, les dangers de la désinformation et des fake news. Mais plutôt que de la voir comme un problème, il faut la voir comme une partie de la solution. La publicité est un service, pas l’offre. Elle peut se mettre au service et accompagner les grandes transformations mais elle peut aussi influer sur l’offre qui est le vrai sujet pour ne pas dire le vrai problème.
IN. : quel message pour la jeune génération ? La création sera toujours au service des marques ?
M-C.D. : comme le mentionnent Gilles Deléris, Vice-Président du Club des D.A, et Rémi Babinet dans notre émission Palmarès CDA51 – à ne pas confondre avec le pastis -, et comme je viens de l’évoquer, la création sera surtout au service des grandes mutations que notre société va vivre ces prochaines années. Elle aidera les marques à anticiper, à se transformer, mais aussi des institutions, des associations ou des ONG, ce qui n’est pas nouveau mais sera appelé à se multiplier. Cela devrait être de nature à motiver la jeune génération en quête de sens.
IN. : Selon vous, ce métier continue-t-il d’être attractif ?
M-C.D. : il ne l’est plus suffisamment hélas mais il ne tient qu’aux publicitaires de lui redonner son attrait. Certains comportements qui sont apparus au grand jour (enfin) doivent disparaitre et le management par la terreur doit définitivement être banni. Les agences devraient mieux s’adapter aux mentalités et aspirations des nouvelles générations qui ne veulent plus se retrouver dans des structures rigides et veulent plus de liberté pour s’accomplir. A titre d’exemple chez BDDP, il y a des lustres, un certain nombre de créatifs avaient d’autres activités – rémunérées ou non – en dehors de l’agence, photo, illustration, réalisation, écriture, animation, etc … C’était du donnant-donnant ou plutôt du gagnant-gagnant. Ils avaient la liberté d’explorer d’autres territoires mais me ramenaient leur talent enrichi et leurs expériences, ce qui ne pouvait que profiter à leur travail créatif à l’agence et donc à nos clients. Des associations comme le Club jouent aussi un rôle important en tissant des liens avec les écoles et en permettant aux jeunes de rencontrer des professionnels en activité.
IN. : qu’ont changé pour vous la « techno », le numérique, le digital?
M-C.D. : rien et tout. Rien parce que ce qui reste essentiel c’est l’Idée. Tout parce qu’elle démutiplie les possibilités d’expression et de formats.
IN. : si vous aviez 20 ans aujourd’hui choisiriez-vous la pub pour vous exprimer ?
M.C.-D. : sans aucun doute, je signerais illico. Quels métiers offrent autant de possibilités de connaître des secteurs, des industries, des sujets aussi variés ? On passe de la Banque au cornichon, de la voiture à la Sécurité routière, du parfum au Loto. Quels métiers permettent de se frotter, d’approcher, de composer avec tous les arts, donc les artistes – musique, cinéma, danse, photo, arts graphiques, etc… Quels métiers permettent de se dire que si l’on a des convictions et l’énergie, on peut avoir une influence et le pouvoir de faire bouger les choses ? Tout cela est « jubilatoire » comme disait mon ami Philippe Michel. Donc oui, si vous avez 20 ans, venez vous exprimer dans la pub !
Le Prix du Club des D.A labellise l’excellence des travaux réalisés dans le cadre d’une commande. Organisée en trois pôles – Publicité, Design et Production – la compétition accueille les travaux dans les catégories : Publicité : films, presse, affichage, radio, digital, direct, grandes causes, innovation en communication. Identité graphique : typographie, design, édition, habillage TV. Craft : rédaction, son, craft film, clip, VFX animation, photo, illustration, craft pour l’évènementiel. Le Club décerne également un Prix Étudiants destiné à réaffirmer son engagement dans l’identification des talents et la qualité de formation des futurs professionnels, et à renforcer les relations entre les jeunes générations et les professionnels confirmés. La 51eme édition a réuni près de 1718 campagnes pour l’ensemble de 21 catégories, Le Club des D.A choisi des personnalités référentes et reconnues. L’attention particulière à la parité et le travail d’équilibrage, débuté il y a 3 ans, atteignent leurs objectifs dans les Pôles Production et Design. Le Pôle Publicité est en très nette amélioration avec 47% de femmes parmi ses jurés. Les 166 jurés ont travaillé dans des conditions inédites, majoritairement en sessions à distance. Dans cette configuration tout à fait exceptionnelle, ils ont établi avec engagement et rigueur un palmarès comportant 242 prix répartis en 46 Rouge (Or), 82 Blanc (Argent) et 114 Bleu (Bronze). 195 travaux retenus en shortlist figureront aux côtés de ces lauréats dans l’édition 2020 du Livre du Club, portant à 437 le nombre de travaux sélectionnés cette année. « A l’heure où la multiplication des canaux ouvre certes des opportunités mais laisse également un champ d’expression à des créations de qualité discutable, la compétition du Club joue un rôle de véritable filtre de l’exigence en matière de création. Face à la multiplication des Prix, elle demeure la référence des créatifs français jugés par leurs pairs. Ce palmarès 51 salue des créatifs reconnus mais ouvre aussi la porte à des talents « newcomers » que le Club, Maison de la Création, a eu grand plaisir à accueillir et à voir aujourd’hui émerger », précise Benjamin Marchal, Directeur de la Création de TBWAParis et Vice-Président du Club.