INfluencia : comment France TV Publicité aborde-t-elle l’année 2021, qui conjugue un contexte économique encore incertain et un moment d’innovation important avec l’arrivée de la publicité segmentée ?
Marianne Siproudhis : une grande partie des actions que nous lançons en ce début d’année provient des enseignements de 2020. L’an dernier, nous avons dû nous adapter pour accompagner nos clients dans une crise sanitaire sans précédent, tout en continuant à innover pour préparer la télévision de demain. Cette période a montré à quel point la télévision publique a joué son rôle auprès des Français et des marques. La responsabilité est désormais au cœur de notre programme et de l’évolution de nos métiers. Nous avons monté des actions pour promouvoir les communications solidaires des entreprises, mis au point des offres pour les secteurs en difficulté, lancé des collectes qui ont généré un peu plus de 4 millions d’euros nets au profit de différentes causes… Cette capacité à se mobiliser pour des causes solidaires est un tournant dans l’action de France TV Publicité. Nos offres lancées en 2020 au profit des secteurs en difficulté comme le tourisme ou l’automobile ont connu un grand succès auprès des entreprises. Elles ont aussi permis à la régie de clôturer l’année avec un chiffre d’affaires certes en recul de 4,7 % par rapport à 2019, mais à comparer avec un marché télé qui devrait être plutôt en baisse de 11 %. En 2021, le contexte reste très incertain mais nous sommes prêts pour continuer à accompagner nos clients et accélérer dans la télévision segmentée.
PUPLICITÉ SEGMENTÉE : LES PREMIÈRES CAMPAGNES ONT ÉTÉ LANCÉES FIN OCTOBRE
IN : quel accueil les annonceurs réservent-ils à cette innovation ?
M.S. : la télévision segmentée intéresse déjà de nombreux partenaires : de nouveaux annonceurs nationaux, des annonceurs locaux ou à réseau qui ont besoin d’une capacité de géolocalisation, et des annonceurs « classiques » qui veulent personnaliser leurs messages, trouver des gains de couverture additionnelle sur certaines zones ou sur des cibles un peu tactiques. Chacun active la possibilité de ciblage qui le concerne. Nos premières campagnes ont été lancées dès la fin octobre 2020 avec Intermarché, Citroën, Harris, Sanofi… Après l’effet de curiosité et l’engouement des premières marques, il nous reste à apporter avec les FAI et les autres régies les preuves de l’efficacité de la télé segmentée. C’est ce que nous allons faire tout au long de l’année 2021.
IN : parmi les leviers mis en avant, lesquels ont fait mouche ?
M.S. : en premier lieu, l’innovation. Même si la télé segmentée est complexe à mettre en place, ses avantages sont bien perçus par les annonceurs. C’est une nouveauté en France mais certains l’utilisaient déjà sur d’autres marchés, par exemple au Royaume-Uni, aux Etats-Unis… Cela faisait longtemps que l’on parlait de l’arrivée de la publicité segmentée en France. Les annonceurs ont voulu l’inaugurer et tester leur capacité de programmation d’écrans substitués. Les demandes dépassent aujourd’hui nos possibilités. C’est un peu frustrant mais nous dépendons du plan de déploiement avec les box et les opérateurs, qui se fait progressivement.
GAGNER EN AGILITÉ ET SOUPLESSE
IN : de quelle manière le contexte de marché influe-t-il sur votre activité ?
M.S. : en 2021, notre métier de régie de service public est confronté à deux défis majeurs : se mettre impérativement au diapason des difficultés de nos clients et promouvoir une consommation différente. Comme les annonceurs réajustent en permanence leurs plans de communication, il a fallu gagner en souplesse et en agilité. Nous leur proposons désormais de réserver une campagne à J-1 quand il fallait jusqu’à présent au moins trois jours, des rendez-vous exclusifs en télé et en digital, annoncés chaque mercredi pour une diffusion allant du samedi au vendredi suivant… Pendant toute la crise, les secteurs très en difficulté pourront annuler leurs campagnes ou les reporter sans pénalité. Nous aidons aussi les entreprises à communiquer sur leurs actions responsables : avec des conditions commerciales plus favorables et une visibilité renforcée pour les entreprises qui ont fait l’effort d’obtenir des labels, à travers des écrans contextualisés « Green Spirit » ou un programme court « Territoire responsable ». Des dirigeants d’entreprises pourront y raconter cinq actions très concrètes, qui seront feuilletonnées tout au long de la semaine. Au moment où on parle beaucoup de plans sociaux, une offre « Priorité emploi » a été créée pour que les entreprises qui recrutent puissent raconter le type de postes qu’elles proposent. Cette communication de recrutement existait dans les médias digitaux et dans la presse, mais c’est inédit en télé.
DES CRITÈRES DE PERFORMANCES MODÈLES
IN : dans cette période de stop and go, les communications RSE montent en puissance mais les objectifs business sont plus que jamais clés pour les annonceurs…
M.S. : pour que les entreprises continuent à investir dans la communication, nous nous engageons à leurs côtés dans une démarche « ROI partenaire », avec des critères définis avec l’annonceur et des risques partagés. Hier, la régie vendait des espaces sur la base d’audiences, dans une relation de conseil pour choisir son espace. Aujourd’hui, quand nous vendons une campagne, nous nous engageons auprès des marques sur l’efficacité des ventes et sur la manière dont les sommes investies transforment le business de l’annonceur. Cette nouvelle démarche a été mise au point après avoir modélisé des critères de performances. Près de 200 campagnes télé de quatre grands secteurs – auto, distribution, alimentation, banque-assurance – diffusées ces trois dernières années ont été analysées et nous ont permis de bâtir un modèle qui détermine des objectifs ROIstes aux campagnes.
L’IA POUR FAIRE DES CORRÉLATIONS ENTRE LES CONVERSATIONS DES CONSOMMATEURS, LEURS ATTENTES ET LES PROGRAMMES
IN : comment inciter les marques à venir communiquer ou à mieux communiquer en télé ?
M.S. : les nouvelles offres sont complétées par un marketing service puissant. Une de nos premières missions consiste à aider nos clients annonceurs à comprendre les attentes des Français. Il ressort très nettement que les consommateurs font confiance aux marques issues d’entreprises qui s’engagent pour une société plus solidaire, plus durable, plus responsable et plus tournée vers le local. Ces attentes étaient déjà très présentes avant la crise mais elles font désormais partie du premier prisme avec lequel les citoyens portent un jugement sur une entreprise et ses marques produits. Nous pouvons aussi compter depuis l’an dernier sur les analyses de la plateforme d’écoute active Akouo (écouter en grec, ndlr) qui utilise l’IA pour faire des corrélations en instantané entre les conversations des consommateurs, leurs attentes et les programmes. Nous pouvons conseiller les annonceurs et construire avec eux une audience planning très consciente du moment. Nous avons optimisé et simplifié l’accès au média TV en développant une brique ADspace entreprises à notre plateforme de réservation et d’achat d’espace. Les TPE-PME peuvent réserver leurs campagnes en toute autonomie dès 5 000 euros, en apportant différents services à celles qui en ont besoin comme l’aide à la création de spots ou le paiement en ligne.
IN : France TV Publicité a lancé à la rentrée une campagne « Le monde change, la pub aussi ». Pourtant, la publicité ne cesse d’être attaquée…
M.S. : cette campagne lancée avec Altmann+Pacreau, répondait à notre volonté d’inciter les annonceurs à communiquer pour relancer l’économie dans le sens d’une croissance durable et responsable. En 2021, en tant que régie publicitaire du service public, nous voulons « donner plus d’espace(s) à la responsabilité » et ouvrir la voie à ce que devra être la publicité de demain : une publicité plus responsable. Nous sommes convaincus que la communication est un porte-voix des usages et des comportements.
IN : de nouvelles obligations réglementaires pourraient-elle nuire à votre capacité à dégager du ROI ?
M.S. : je ne pense pas. Chez France TV Publicité, nous sommes déjà très régulés et nous nous auto-régulons en matière de publicité. Il y a dans les nouveautés 2021 des offres qu’on n’aurait jamais imaginé mettre en place jusqu’alors… La manière dont nous vivons notre métier de publicitaires s’inscrit dans le contexte d’un groupe. Être la régie du premier groupe audiovisuel français nous donne de sérieux atouts avec 50 millions de téléspectateurs chaque semaine et plus de 70 % des Français qui font confiance à nos chaînes. Cette confiance envers les médias est rare et précieuse. C’est un actif d’une valeur considérable, dont la régie récolte les fruits. Si nous avons gagné depuis cinq ans la confiance d’éditeurs externes comme Brut, les groupes NBC Universal et WarnerMedia, si Fox Networks Group est revenu, c’est aussi pour notre immense respect du contexte éditorial et notre capacité à le valoriser sur le marché publicitaire. Et, j’ose espérer, pour la qualité du discours, de la relation et de l’agilité de la régie.
IN : en septembre 2020, vous êtes devenue directrice marketing et communication de France Télévisions et membre du comité de stratégie éditoriale. Quelle est votre feuille de route ?
M.S. : Delphine Ernotte (présidente de France Télévisions, ndlr) m’a confié, en parallèle de mes activités de directrice générale de la régie, la responsabilité de cette nouvelle direction marketing et communication, qui regroupe toutes les équipes de communication interne et externe, la publicité, la direction de la marque, la social room, les partenariats et le marketing relationnel. Ma feuille de route consiste à valoriser les différents contenus du groupe que sont l’information, les programmes et le sport auprès des téléspectateurs et internautes, à préciser ce qui caractérise et distingue la télévision publique, à raconter quelles sont ses missions et son rôle : une télévision qui rassemble en informant, en éduquant, en cultivant, en divertissant et en soutenant les Français.