De plus en plus d’entreprises calculent l’empreinte carbone des produits qu’elles commercialisent, à la fois dans une démarche présentée comme écologique mais aussi afin d’attirer une clientèle sensibilisée à la crise climatique. Comme le souligne Rodolphe Bonnasse dans The Good, une des innovations retail de l’année est l’affichage de l’empreinte carbone des produits. Pour ManoMano, e-commerçant spécialisé dans la vente de matériel de bricolage, maison et jardin, et licorne française ayant dépassé en 2020 le milliard d’euros de volume d’affaires, l’idée est de viser l’exemplarité. L’objectif est aussi de « rattraper le retard du secteur » sur ces questions, a précisé Christian Raisson, son cofondateur et codirigeant. Le défi pour cette place de marché qui agit en tant qu’intermédiaire entre 5000 marchands et des millions de clients européens est de se doter d’un indicateur permettant de noter des millions de produits de différentes marques avec des critères unifiés.
« En tant que leader du secteur, nous avons à cœur de montrer l’exemple au travers d’initiatives et d’engagements forts aussi bien en interne qu’à destination des consommateurs. Il est primordial pour nous d’évoluer dans le bon sens tout en restant fidèles à notre modèle : les meilleurs prix, le plus grand choix et les conseils avisés de notre communauté », explique Christian Raisson, co-fondateur de ManoMano.
Carbon score pour tous
Le Carbon Score sera lancé dès avril 2023, d’abord disponible sur plus de 15% des produits vus du catalogue de ManoMano pour atteindre 40% d’ici la fin de l’année 2023 et enfin près de 70% dès 2024. La notation, sous forme de lettre, assortie du “poids” des émissions en kg de CO2, devrait être intégrée à l’algorithme qui classe les produits sur le site. Cet étiquetage s’ajoute à l’étiquette-énergie, qui résume les performances énergétiques d’un appareil, et aux différents labels déjà existants.
Le “Carbon Score” sera calculé à partir d’analyses de cycle de vie des produits, méthode préconisée par le cabinet de conseil spécialisé Carbone 4. Un outil de calcul a ensuite été mis en place avec la plateforme Greenly, inspiré par l’Ademe, qui met à disposition des bases de données quand les industriels ne peuvent pas les fournir. Concrètement, le calcul se fait en additionnant les émissions de gaz à effet de serre issues des différentes étapes de production et de commercialisation du produit (extraction des matières premières, fabrication, distribution, utilisation et fin de vie). « L’objectif, c’est d’être très collaboratif. On est allés interroger l’ensemble des bases de données, à la fois des constructeurs, chez qui la data était plutôt disponible, (…) et de nos marchands, où c’est plus compliqué surtout quand 80% des produits arrivent d’Asie », raconte Christian Raisson.
“Temps d’adhésion”
Le processus de collecte des données sur les produits a pris environ 18 mois et mobilisé une dizaine de personnes (sur un millier d’employés). En parallèle, ManoMano a recruté en octobre dernier la spécialiste Fanny Fleuriot, ancienne coordinatrice comptabilité carbone à l’Ademe. Côté clients professionnels, il y aura un « temps de décollage et d’adhésion des revendeurs mais les plus gros partenaires de ManoMano ont déjà participé à la collecte de données », précise Matthieu Pihery, directeur du commerce, chargé du projet. « On veut ouvrir le Carbon Score à tout le monde », ajoute par ailleurs M. Raisson, précisant que la méthodologie sera « open source » et les scores réutilisables par les marchands.
Le secteur du bricolage dans son ensemble s’est récemment saisi des questions liées à la crise climatique avec la mise en place d’une filière de recyclage mais aussi la mise en valeur de produits de seconde main ou permettant de faire des économies d’énergie. Les magasins et plateformes de bricolage devront faire figurer d’ici 2025 les qualités et caractéristiques environnementales (dont l’empreinte carbone ne fait pas partie) des produits générateurs de déchets, selon la Fédération des magasins de bricolage et d’aménagement de la maison. Avec cette initiative, ManoMano est le premier acteur à instaurer un étiquetage à grande échelle de l’empreinte carbone des produits disponibles sur la plateforme.
Papier réalisé avec l’AFP.