Après avoir autant donné sans vraiment savoir, le consommateur veut reprendre le contrôle de ses données ! Les professionnels vont devoir s’adapter et créer une nouvelle forme de relation avec lui… Précisions par l’agence Publicis K1 dans son dernier rapport : la maîtrise de la vie privée à l’heure du digital.
Après « De l’importance du physique dans un monde digital » et « Le nouveau rapport à la propriété », l’agence Publicis K1 pose cette fois ses yeux sur « La maîtrise de la vie privée à l’heure du digital » ( voir ci-dessous). Le thème colle parfaitement aux questionnements et débats actuels sur le voyeurisme social, l’exhibition concurrentielle sur la Toile et la protection des données personnelles.
« Plus nos vies se digitalisent, plus nos données personnelles circulent », constatent Mathieu Genelle et Paola Craveiro, respectivement Head of Strategic Planning & Social Media et planneur stratégique – Publicis K1 et Publicis Shopper et à l’origine du rapport. « Les consommateurs en prennent peu à peu conscience et leurs inquiétudes montent, face à la multiplication des scandales autour de la vie privée sur internet. Les marques doivent alors changer d’approche face à la « big data » pour (r)établir une véritable relation de confiance. ». Vaste programme… Quand le consommateur accepte de livrer des infos en échange d’un service gratuit, il doit réaliser qu’il fait lui-même des marques le nouveau Big Brother. Il n’est pas encore Orwelien mais la crainte grandit… Pour bien comprendre les résultats de la nouvelle synthèse de Publicis K1, INfluencia a donné la parole à Mathieu Genelle.
INfluencia : Vous évoquez dans votre rapport une réelle envie du citoyen de mieux maîtriser les données diffusées. Pour les marques, est-ce une opportunité ou une menace ?
Mathieu Genelle : Cette tendance constitue pour elles un signal fort, qui peut représenter une opportunité comme une menace. Une menace parce que nous croyons fermement que très vite les consommateurs se pencheront de plus près sur ce que les marques font de leurs données sans avoir leur consentement direct. Nous pourrions alors assister à l’équivalent d’un scandale Prism mais côté marques.
L’impact pourrait être assez dramatique pour certains groupes, vu les conséquences financières de Prism sur les Tech Titans américains. Mais cela peut aussi être une opportunité, parce que les marques pourraient entrer dans une relation plus pérenne avec leurs consommateurs : elles leur expliqueraient l’intérêt qu’ils ont à transmettre leurs données.
INfluencia : N’est-ce pas un naïf de penser cela ?
Mathieu Genelle : Peut-être. Mais nous sommes persuadés que si les marques attachent à chaque donnée collectée un service et si elles l’expliquent clairement à leurs consommateurs, ils y verront leur intérêt et seront plus enclins à fournir leurs données. Leur relation devrait donc en sortir renforcée et être plus durable.
INfluencia : Vous avez évoqué le scandale Prism. Est-ce que les récentes polémiques sur l’exploitation des données peuvent empêcher cette pédagogie win-win ?
Mathieu Genelle : En parallèle de la digitalisation croissante de nos vies, en effet des scandales liés à l’exploitation de nos données personnelles apparaissent, comme dernièrement Facebook avec son étude sur la contagion émotionnelle. Cela est sans compter les « faits divers » concernant des failles de sécurité, Heartbleed est l’une des dernières en date, et autres « coups » de hackers. Toutes ces actus révèlent à quel point nous ne sommes plus maîtres des données que nous diffusons via les supports digitaux.
Alors que notre société réclame plus de transparence de la part des marques, nous nous rendons compte que les gens attendent avant tout d’être mieux informés sur ce qu’il sera fait de leurs données et sur l’intérêt qu’ils vont avoir à fournir ces informations. Le dernier fait marquant a sans doute été le « droit à l’oubli » prescrit par la Cour Européenne de Justice, que Google a commencé à appliquer au moment où nous avons publié notre synthèse.
INfluencia : Les Français ont-ils des doutes sur le fait qu’ils puissent un jour reprendre le contrôle total de leur vie digitale ?
Mathieu Genelle : Les Français sont inquiets, du moins ils l’étaient en 2010 et nous pensons qu’ils le sont toujours. S’il n’y a pas de grande étude sur le sujet qui a été faite depuis, de nombreux articles, dossiers, sujets de reportages TV nous le montrent. Est-ce qu’ils doutent réellement de pouvoir un jour reprendre le contrôle sur leurs données privées ? Nous ne pouvons pas le dire, et ce serait un sujet très intéressant d’étude. Toutefois, nous pouvons constater qu’ils se posent de plus en plus de questions et qu’ils ont tendance à chercher des solutions plutôt qu’à rester les bras ballants. Il y a de nombreuses discussions sur des forums et des billets sur des blogs abordent le sujet.
On peut sentir une réelle envie mais surtout de réelles possibilités. La première preuve : encore une fois ; Google respecte le droit à l’oubli ! C’est bel et bien un signe qu’il est possible de reprendre le contrôle de sa vie privée. Reste à éduquer tout le monde et malheureusement aujourd’hui, il y a peu de choses qui sont faites dans ce sens. Nous sommes encore trop dans un discours alarmiste et/ou moralisateur.
Benjamin Adler / @BenjaminAdlerLA
LA MAÎTRISE DE LA VIE PRIVÉE À L’HEURE DU DIGITAL
Et pour en savoir plus sur la Big Data et ses composantes découvrez la revue INfluencia papier et digitale !