Les murs ont tremblé mais le toit n’est pas tombé avec l’avènement du e-commerce. Les magasins physiques ont toujours la cote avec les consommateurs. Ils entreprennent même de se réinventer avec l’appui du digital pour des expériences clients augmentées. État des lieux en boutiques, 2/2
Le trafic sur le point de vent est un sujet crucial où les outils digitaux peuvent apporter une véritable amélioration et surtout gommer les points de friction qui rebutent les consommateurs lorsqu’ils se rendent en magasin. L’un d’entre eux est le paiement des marchandises à la caisse. Mal conçu, il peut impacter à terme la fréquentation du lieu de vente. Bien conçu, il peut alors faire substantiellement augmenter le montant du panier d’achat moyen. En Chine, Alibaba a récemment lancé un tout nouveau réseau de distribution de produits frais. Baptisées Hema Fresh, les boutiques physiques sont un concentré de technologies digitale qui gèrent les stocks pour éviter toute rupture, préparent automatiquement les produits sélectionnés et permettent même de payer par reconnaissance faciale !
Le phygital dans tous ses états
Ce magasin plus « intelligent » est véritablement une voie dans laquelle s’engouffrent actuellement nombre d’acteurs de la distribution. Dans cette version digitalement augmentée, on y trouve des chariots connectés, des écrans tactiles publicitaires personnalisables, des applications de réalité augmentée, etc. En 2018, Zara s’est livré à une expérience digitale inspirante dans 120 de ses magasins à travers le monde entier. L’enseigne espagnole a lancé une nouvelle collection griffée de manière digitalisée. Pour la découvrir, les clients téléchargent une application de réalité augmentée. Laquelle leur permet alors de visualiser la ligne de vêtements à l’intérieur des magasins comme en vitrines, sur les boîtes de livraison ou directement sur l’e-shop de la marque. Ensuite, ils peuvent vivre 12 expériences dynamiques différentes où des mannequins hologrammes défilent, posent, parlent et dansent. Pour finir, les clients peuvent acheter les articles via l’application Zara AR.
Disponibilité immédiate
Une autre exigence notoire des consommateurs est la disponibilité des produits. 72% d’entre eux espèrent que demain les produits seront accessibles immédiatement en magasin comme ils le sont sur Internet. Il n’en demeure pas moins pour un magasin que la gestion des approvisionnements et des stocks constitue un exercice périlleux. Une rupture de produit peut faire perdre des clients. La marque de vêtements américaine Bonobo a développé depuis deux ans un magasin zéro stock astucieux à New York. Ces espaces agrémentés de meubles en bois clair ne ressemblent pas à des boutiques traditionnelles, mais plutôt à des showrooms où le client aura préalablement pris rendez-vous sur Internet avec un vendeur pour une session d’essayage sur mesure et indiqué ses mensurations. En magasin, le vendeur supervise l’essayage et conseille. Les produits achetés sont ensuite directement livrés en 24 heures au domicile de l’acquéreur qui n’a pas ainsi à s’encombrer de sacs !
Faire augmenter les dépenses du consommateurs
Le concept d’expérience en magasin est d’ailleurs nettement plébiscité par 57% des acheteurs français (3). Ces derniers ne se déplacent en effet pas uniquement pour acheter des biens ou des services mais aussi pour vivre une expérience fluide … qui conduira peut-être à une acquisition ! Ceci d’autant plus qu’ils auront déjà fouiné et glané sur le Web les informations sur des produits qui les intéressent. Concessionnaire de centres commerciaux, Altarea Cogedim a précisément développé une application dédiée pour accompagner efficacement le consommateur lorsqu’il va se rendre sur place. Dans la main, il dispose alors des éléments utiles et contextualisés comme situer géographiquement une boutique, indiquer un itinéraire idéal, connaître la disponibilité d’un produit dans le stock, comparer les prix, connaître les horaires et la fréquentation en temps réel. Cette capacité à croiser les parcours digitaux et physiques permet selon de nombreux experts de mieux capter et fidéliser la clientèle tout en faisant là aussi augmenter les dépenses du consommateur.
Le consommateur n’est d’ailleurs pas réticent à ce « fléchage » bi-dimensionnel du Web au magasin. Les enquêtes montrent notamment que 64% des Français aimeraient recevoir des promotions personnalisées sur leur mobile lorsqu’ils se trouvent à proximité d’une boutique qui figure parmi leurs centres d’intérêt. Pour les enseignes retail, cela constitue effectivement une aubaine pour mieux personnaliser la relation avec leurs clients. Néanmoins, cela implique de travailler d’arrache-pied sur des consolidations performantes des différentes bases de données digitales et physiques pour exploiter finement les data clients. Il s’agit sans nul doute du challenge le plus complexe et le plus coûteux à enclencher mais au final, c’est le client qui se sentira considéré en recevant des offres spécialement conçues à son intention.
Produire une expérience fluide
A travers ce tour d’horizon, on constate donc que le magasin physique est loin d’avoir perdu de sa pertinence. Même s’il continue d’être ébranlé sur ses fondations par le digital, c’est également par lui qu’il peut connaître une reconfiguration commerciale efficace et constituer une expérience agréable pour le client. Si l’on prend même un peu de hauteur, on note que le commerce électronique ne représente en fin de compte que 8% du chiffre d’affaires total du commerce global en France. Dans le monde, 90% des ventes effectuées se produisent encore dans les points de vente. Le magasin reste en effet un lieu de réassurance et de lien social. Bien que beaucoup d’actions se soient dématérialisées et continueront probablement de l’être, le lieu physique a encore de beaux jours devant lui. D’ailleurs, 72% des Français craignent un commerce déshumanisé par le numérique et l’intelligence artificielle. Mieux ! 54% des 15-34 ans préfèrent pouvoir alterner entre une relation client humaine et une relation client machine.
L’avenir du magasin connecté repose donc sur la capacité à produire de l’expérience fluide et plaisante au client. En cela, le digital représente un levier majeur pour transformer les points de vente en lieux d’expériences et de services à l’instar de Sephora qui propose régulièrement dans ses magasins amiraux des expériences numériques multiples. En fin de compte, le phygital est le digne héritier d’Aristide Boucicaut. Créateur du célèbre Bon Marché dans les années 1850, il eut des idées de génie pour faire vivre son magasin comme le libre accès du consommateur sans obligation d’achat, la suppression du marchandage à la tête du client et l’affichage du prix sur les étiquettes. On connaît la suite. Ce fut une affluence record. Le phygital est dans ses pas !
(1) – Observatoire Cetelem de la consommation 2019
(2) – Etude Havas Paris et Opinion Way
(3) – Etude Digimind Retail 2018
Pour retrouver l’intégralité du rapport n°3 Data & Emotion – INfluencia x Kiss The Bride, c’est ici.