Comment adapter les principes du secteur du luxe aux autres industries, quels commandements à suivre pour inventer un art de vivre propre à sa marque, de rendre « iconique » un produit standard, etc. Stéphane Galienni donne les premiers indices d’une « Luxification » réussie.
IN : vous lancez un cycle de conférences privées en entreprise sur la Luxification. Mais qu’est-ce que la Luxification ?
Stéphane Galienni : la Luxification, c’est tout simplement appliquer les principes fondamentaux d’un secteur à part, le luxe, pour les adapter aux autres industries qui n’en possèdent pas les codes : grande distribution, restauration, alimentation, habitat, habillement, transport, voyage, etc…
La Luxification s’adresse aux marques qui s’inscrivent dans le quotidien des consommateurs sans pour autant jouir du label « luxe ». En effet, si vous êtes assoiffé en plein désert, votre rêve de luxe à cet instant T n’est pas de posséder le dernier sac à la mode, sinon une grande bouteille d’eau fraîche. Vous payerez même une fortune pour cela !
Lorsque YSL Beauty Station s’installe en plein désert, sur la route qui conduit au très prisé festival Coachella, c’est une opération tactique qui a largement rempli ses objectifs. En créant un environnement favorable à la découverte de ses produits, chaque marque a potentiellement ses chances d’offrir « des petits moments de luxe » dans le quotidien des consommateurs. Une stratégie bien rodée inspirée par les marques du luxe : marketing de la rareté, désirabilité produit, esthétique publicitaire, rituel de marque, sense of place, etc, …
L’objectif de cette méthode, c’est de transformer un point de vente en lieu de vie, d’inventer un art de vivre propre à sa marque, de rendre « iconique » un produit standard, etc. Dans les conférences que nous donnons en entreprise, nous proposons, aux marques un guide des « 10 commandements » de la Luxification à suivre, nourri d’exemples concrets.
IN : Luxification rime avec… Prémiumisation ?
S.G. : non, justement. La Prémiumisation est une démarche qui consiste à faire monter en gamme une marque, un produit ou un service existant dans sa version luxe, comme Monoprix Gourmet ou Celio Club. Autrefois réservé à certains secteurs comme les cosmétiques et les spiritueux, le segment premium s’étend aujourd’hui aux biens de grande consommation, limité cependant par une vision « product centric » : packaging luxueux, série limitée, produit « collector », innovation design, etc.
De plus, ce qui était « premium » hier est devenu un standard de vie d’aujourd’hui pour la plupart des consommateurs ; Nespresso n’a plus le monopole de la capsule « Ristretto », ni Apple celui du design, ces petits luxes accessibles se sont généralisés dans tous les domaines de la consommation, de l’habitat à l’habillement en passant par la grande distribution : design, style, goût, confort, privilège, plaisir, évasion, des termes qui ne sont plus exclusifs au champ lexical du luxe !
La Luxification va au-delà du bel emballage premium, car elle vise avant tout l’expérience client qui se traduit par une expansion stratégique du territoire de marque, au sens propre comme au figuré. C’est par exemple, l’enseigne de décoration Maison du monde qui ouvre un hôtel 4 étoiles à Nantes, ou encore Coca-Cola qui se lance dans la mixologie avec une gamme de niche signature mixers spécialement conçu pour être appréciée avec des spiritueux ambrés de prestige. Ainsi, une marque leader peut créer la préférence sur une communauté de prescripteurs (les bartenders pour Coca-Cola) ou s’affranchir du point de vente pour valoriser son catalogue (Maison du monde, version 4 étoiles) : tous les coups sont permis avec la Luxification !
IN : pourquoi ce terme de Luxification émerge-t-il en 2019 ?
S.G. : nous vivons dans une société de surconsommation qui arrive à son paroxysme, à son point de saturation. Le consommateur d’aujourd’hui rejette la standardisation et se tourne désormais vers une consommation « sur-mesure », adapté à son style de vie, son budget et ses besoins. Tous les sondages le démontrent, nous entrons dans une nouvelle culture consumériste du « moins mais mieux » où la qualité prime sur la quantité.
En réalité, c’est le client qui est devenu premium, un « uber-consommateur » augmenté 2.0 très exigeant sur la qualité et de plus en plus regardant sur les marques qu’il consomme. A la fois en quête de sens et de plaisir, d’authenticité et d’éthique, consommer pour lui est devenu un style de vie. D’autant plus qu’il a accès à de nouveaux services exclusifs depuis son smartphone, jadis réservé aux classes supérieures : chauffeur privé, chef à domicile, pièce de créateur en seconde main… du luxe, oui, mais à prix abordable !
Avec notre partenaire Promise Consulting nous avons mené une étude auprès d’un échantillon représentatif de la population française (1000 répondants) pour mieux comprendre cet « uber-consommateur » et ses aspirations en terme de consommation. Ce qui ressort de cette étude, c’est qu’au-delà du raisonnement 4P inévitable et inhérent à toutes stratégies marketing (produit, prix, promotion, placement), il faudra dorénavant compter avec les 4 quêtes philosophiques de ce néo-consommateur que sont : le bon (hédonique), le beau (stylistique), le vrai (authentique) et le bien (éthico-écologique). Nous présenterons de façon plus détaillée les résultats de cette étude lors des conférences privées en entreprises que nous lançons à partir de cette semaine. Pour en savoir plus, cliquez ici.