« Elixir, Clin d’œil et Comedia »: voici les trois tendances décryptées par les experts du Trends Observer pour Lux Pack organisé à Monaco la semaine dernière. Des tendances observées en analysant les lancements 2010. Extraits…
Depuis cinq ans, les experts du Trends Observers réunis par le magazine Formes de Luxe , observent les nouveaux produits (parfums, crèmes, maquillage, alcools…) afin d’offrir aux créatifs des pistes de travail. Cette année étaient présents: Véronique Liabœuf, directrice générale d’Enjoy Design, Jean-Paul Cornillou, responsable de la section packaging du Strate College Designers, Béatrice Mariotti, vice-présidente de l’agence Carré Noir, Charlotte Le Gavrian, consultante de Carré Noir et Isabelle Musnik, directrice de la rédaction de INfluencia.
«2009 et 2010, par leurs perturbations économiques, ont ébranlé le monde du packaging dans ses certitudes, ses projets, ses visions » constate Eloïse Cohen, rédactrice en chef adjointe de Formes de Luxe. «Toutes les marques du sélectif semblent en transition. Elles attendent et développent «à défaut de», sans grande conviction», tranche Véronique Liabœuf. Ce constat, partagé par l’ensemble des membres du Trends Observers, pourrait ainsi expliquer l’absence totale de transgression. «Aucune marque ne fait preuve d’audace absolue. Toutes capitalisent sur des univers qui ont déjà fait leur preuve. Peu innovent, au niveau tant de leurs univers graphiques que de leur fonctionnalité», note Jean-Paul Cornillou.
Continuer sur leur lancée: tel semble, en effet, le mot d’ordre des marques. Elles intensifient donc la recherche d’épure, repérée l’année dernière. Elles effacent jusqu’à leurs noms ou dissimulent leurs essences en vue de dématérialiser leur existence. L’objectif est affiché: engendrer une conversation privée et intimiste avec le consommateur, lui laisser percer le mystère.
Parallèlement, certaines s’attèlent à un autre genre littéraire: le théâtral. Elles sophistiquent coffrets et étuis, ces derniers reflétant un univers fantastique et poétique. Mais après la tempête, elles semblent aussi bien décidées à profiter joyeusement de la reprise. Et le pack apparaît comme le premier support de cette divine comédie. Il se prête au jeu des transformations, se mute et se décline.
– Elixir
Les flacons se déshabillent jusque dans leurs noms. Ne subsiste qu’une silhouette, parfois emblématique, parfois inconnue. Mais cette tendance, prouvée tant par Balenciaga que par Ego Facto, Lancôme ou Lubin, ne peut se limiter à une simple recherche d’épure et de pureté. Pourquoi Hugo Boss, pour revisiter Orange, le débarrasse t-il de sa coque métallique et crée t-il Celebration of happiness? Comment expliquer que la Maison Martin Margiel, licence exploitée par L’Oréal, lance, pour ses premiers pas en parfumerie, Untitled?
Quelles motivations se trouvent derrière No Label d’Absolut Vodka? «On assiste à une sorte de dématérialisation du produit. Et ce mouvement n’est pas circonscrit au seul univers du packaging. Au salon de Milan, Martin Baas n’a pas présenté un meuble, mais une application I-Phone», développe Charlotte Le Gavrian. Ainsi, c’est sur la toile qu’a commencé la saga Womanity, dernier né des parfums Mugler.
Dans la même logique, nombre de produits se dissimulent derrière un décor opaque. Force de Biotherm consiste ainsi en une armure métallique, tandis que Burberry encastre Sport dans un capot soft Touch. Et ce qui est vrai pour la beauté le devient pour les spiritueux. Une bouteille rose dissimule ainsi des regards la robe des champagnes Lanson.
– Clin d’œil
L’heure est à la détente. Les marques veulent s’amuser et comptent bien le montrer. Paco Rabanne offre ainsi à son One Million un pendant féminin. Lady Million poursuit sa ruée vers l’or, sa joyeuse échappée au pays du far-west. Dans le même ordre d’idées, Givenchy enrichit l’univers de Play d’un For Her. Tout comme son alter-ego, l’univers se veut musical, résolument léger. En abritant sa collection I Love dans des gobelets, Honorés des Prés cherche-t-il pas à désacraliser l’univers de la beauté?
La signature de Nicolas Feuillatte sur ses coffrets «Epernay-New-York, Ailleurs» ne prouve-t-elle pas la volonté d’auto-dérision de cette si illustre maison champenoise? Ces exemples sont les révélateurs de l’optimisme affiché des marques en l’avenir. Ainsi, Cacharel abrite quatre de ses fragrances dans des Jellies, des vaporisateurs aux allures de sucres d’orge. Et ce mouvement ne se confine pas aux seuls emballages primaires. Bien souvent en effet, les coffrets se prêtent au jeu. Pour les éditions limitées de Noël de Lolita Lempicka, ils se transforment en commode baroque, tandis qu’ils deviennent, pour Benefit, de ludiques maisons de poupée. En ce sens, ils rejoignent la troisième tendance identifiée par les experts: celui de la théâtralisation.
– Comédia
Les étuis et coffrets ne sont plus des packagings secondaires. Bien au contraire. Ego Facto ou Histoires de Parfum choissent, pour dissimuler leurs fragrances, d’élégants coffrets, aimantés ou gauffrés. «Le rituel de découverte de produits ne cesse de se sophistiquer», insiste Isabelle Musnik.
Tandis que cette tendance est déjà bien installée dans l’univers des spiritueux, elle se généralise aux domaines de la beauté. Ainsi, c’est dans un coffret, fastueusement décoré, que trône le tube Or Passion d’Odile Lecoin. Le pack de Reminiscence reproduit l’inspiration de la fragrance: une nuit étoilée au bord de la mer.
Autre preuve de cette théâtralisation: l’étui de Womanity, signé Mugler, porte, en son sein, une mosaïque de textes révélant le concept. Certains poussent la logique encore plus loin en intégrant une petite brochure. Belle de Jour de Kenzo a amorcé le pas, suivi par Jacomo ou encore Ego Facto.
Leur fonctionnalité n’est pas en reste. Balenciaga a ainsi prévu trois compartiments afin d’abriter, dans un seul et même étui, non seulement un vaporisateur de sac, mais également ses deux recharges.
Extrait de Formes de Luxe, novembre 2010