6 décembre 2020

Temps de lecture : 6 min

Le luxe, allié ou ennemi d’une société plus responsable ?

Après avoir dressé l’état des lieux du secteur du luxe en cette fin d’année 2020 et s’être posé la question de sa place dans la vie des Français* dans une premier volet, les zOOms de l’Observatoire Cetelem s’interrogent sur l’utilité du luxe dans la période que nous vivons et révèlent en exclusivité à INfluencia la deuxième partie de leur étude**

Après avoir dressé l’état des lieux du secteur du luxe en cette fin d’année 2020 et s’être posé la question de sa place dans la vie des Français* dans une premier volet, les zOOms de l’Observatoire Cetelem s’interrogent sur l’utilité du luxe dans la période que nous vivons et révèlent en exclusivité à INfluencia la deuxième partie de leur étude**

Alors que la pandémie a accentué la tendance existante vers des valeurs plus éthiques et plus responsables, comment le luxe peut-il – ou doit-il s’adapter ? Salaires décents, respect du bien-être animal, innocuité pour l’environnement… autant d’enjeux que cette industrie ne peut plus se permettre de négliger, à l’heure où un virage périlleux s’annonce. Les zOOms de l’Observatoire Cetelem ont interrogé les Français

Des Français sceptiques quant à l’engagement et à la sincérité des marques

Premier constat : lorsque les Français pensent au développement durable (responsabilité sociale, environnement, etc) le luxe ne leur apparaît pas à première vue comme un bon élève en la matière. Ils sont en effet à peine plus d’un tiers (35%) à estimer que le secteur du luxe est actuellement engagé dans une démarche de développement durable, contre 73 % pour l’énergie ! « Le développement durable n’est plus une option, c’est une exigence. Mais c’est très injuste car beaucoup de marques font énormément d’efforts mais la perception n’est pas là. Peut-être le luxe devrait-il s’interroger sur les bons canaux à utiliser pour mieux communiquer sur ce qu’il fait », remarque Flavien Neuvy, Directeur de l’Observatoire Cetelem

Bien que 9 Français sur 10 (89%) estiment que l’industrie du luxe, de par la place qu’elle occupe, a le devoir d’être exemplaire – une exigence encore plus forte chez les consommateurs de luxe (94%) – l’engagement de ses acteurs en faveur du développement durable et de la responsabilité sociétale les rend globalement sceptiques. Pour plus des deux tiers (68%) en effet il leur sert avant tout à améliorer leur image, grâce à une opération de communication. Cette méfiance est légèrement plus marquée chez les plus âgés (72% parmi les 65 ans et plus) et ceux qui ne consomment pas de luxe, ou rarement (76%).  « C’est un vrai signal d’alerte pour l’industrie. Dans une société tentée par une certaine déconsommation, le luxe est très exposé », s’inquiète Flavien Neuvy.

Les Français reconnaissent toutefois plusieurs bons points au luxe par rapport aux autres industries. 64% pensent par exemple que les produits des marques de luxe françaises sont davantage fabriqués en France ; 57%, que le secteur respecte mieux les animaux ; et 55%, que la main d’œuvre locale y est mieux considérée. Et les moins de 25 ans se montrent davantage confiants dans l’engagement de l’industrie du luxe en faveur de ces différentes composantes du développement. « La reconnaissance des efforts du luxe sur ce plan est un aspect positif », se félicite F. Neuvy.

Vers des pratiques plus vertueuses ? Les consommateurs montrent la voie

Une majorité écrasante des consommateurs considère que l’industrie du luxe a su s’adapter à la modernité, que ce soit par les nouvelles technologies (90%), les nouveaux usages comme l’achat en ligne ou d’occasion (84%), ou encore la conception de produits modernes correspondant aux attentes actuelles (82%),

Appétence pour les produits de seconde main et la location

Pour cause, les consommateurs eux, évoluent. Les pratiques comme l’achat de seconde main ou la location, qui favorisent la réutilisation des produits plutôt qu’une production supplémentaire, sont aujourd’hui minoritaires mais pas marginales pour autant, avec près d’un Français sur cinq (19%) qui déclare avoir déjà acheté un produit de luxe de seconde main, et 7% avoir déjà loué un produit de luxe au lieu de l’acheter. « Cette tendance s’accélère partout dans le monde. C’est le rêve qui est à portée de main, les consommateurs peuvent se faire plaisir à un moindre coût » explique F. Neuvy. Mais si les pratiques effectives sont encore minoritaires, nombreux sont les Français qui déclarent au moins une aspiration à ces modes de consommation – respectivement 55% et 32% pour l’achat de seconde main et la location. Une tendance amplifiée chez les jeunes : 73% et 50% chez les moins de 35 ans. Dans l’absolu, nos compatriotes se montrent pourtant parfaitement partagés à l’heure de choisir entre un produit de luxe neuf (pour en être le seul possesseur, 50%) ou de seconde main, à un prix plus abordable (50%). Les consommateurs de luxe (c’est-à dire ceux qui en achètent au moins de temps en temps), s’ils sont plus nombreux que la moyenne à indiquer avoir recours aux achats de seconde main,déclarent cependant une préférence pour les produits neufs (58%).Si la pratique s’inscrit en partie dans une économie circulaire, les aspirations restent ainsi plus traditionnelles.

Le luxe en temps de confinement : un autre luxe

Interrogés début octobre, les Français avaient tendance à associer le luxe à son aspect marchand (produits de grandes marques et expériences hors du commun). Un mois plus tard, sur fond de deuxième vague et de reconfinement, les blasons de la santé (75%, vs. 66% en octobre) ou encore de l’espace personnel (78%, vs. 74%) semblent redorés.

Pendant le confinement, « nos compatriotes ont intègré de petits luxes à leur vie quotidienne et dans cette société où tout le monde est pressé, ils ont retrouvé le temps de faire », constate F. Neuvy. 27% se mettent à lire et 29% à regarder des fictions plus souvent que d’habitude. Un quart de la population (25%) se tourne quant à elle vers la cuisine, et un peu plus d’un cinquième vers le bricolage/jardinage (22%), ou la socialisation avec ses proches, que ce soit au sein du foyer (22%) ou à distance via des appels téléphoniques ou en visio (13%). 17 % reconnaissent même qu’ils ont passé « du temps à ne rien faire » et 13 % à dormir ! Faire des achats apparaît en bout de liste parmi les actions privilégiées (8%) en cette période de reconfinement.

Le luxe : utile ou pas ?

Par ailleurs, il est intéressant de noter, révèle F. Neuvy, que, le luxe, dans son aspect marchand, apparaît d’ailleurs comme superflu à une nette majorité (78%) de Français en cette période de confinement. Seul 1 sur 5 (22%) le voit comme une manière de surmonter les difficultés actuelles car il fait rêver. Les femmes (82%) et les personnes qui ne consomment pas de luxe ou rarement (88%) sont particulièrement hermétiques à cette idée.

Le luxe à l’épreuve de la crise sanitaire : des mutations attendues, des fondamentaux qui demeurent

Les Français se montrent majoritairement optimistes quant à l’avenir de l’industrie du luxe, malgré la crise sanitaire et économique. Seule une minorité (42%) considère que le secteur est fortement pénalisé par la crise. Ils sont peu nombreux (29%) à se déclarer disposés à soutenir l’industrie au moyen d’un achat ; d’autant que 89% se montrent confiants quant à son aptitude à rebondir. 73% considèrent que la crise fournit même une opportunité au secteur d’accélérer sa transformation vers un plus grand respect des enjeux environnementaux et valeurs de la société actuelle. Les consommateurs de luxe se montrent, eux – et c’est logique – plus sensibles aux difficultés potentiellement rencontrées par le secteur (62%) et seraient prêts à acheter des produits pour le soutenir (64%).

Confiants dans son invulnérabilité et dans sa capacité à rebondir après la crise, un peu plus d’un tiers de nos concitoyens voient volontiers les produits de luxe comme des investissements sûrs. Ils ne doutent donc pas de leur valeur intrinsèque : pour près de la moitié d’entre eux (47%), le luxe incarne l’idée de consommer moins tout en consommant mieux. Le luxe dispose ainsi d’un espace pour s’inscrire dans le registre du développement durable aux yeux des consommateurs français. Une donnée intéressante à prendre en compte pour les grands du secteur.

L’expérience en ligne : l’autre défi qui attend le secteur

Associé à une expérience hors du commun – et bien qu’il ait à la quasi-unanimité réussi le virage du digital (90%) – le luxe s’accommode encore mal de l’achat en ligne. Les Français montrent une préférence pour l’achat en boutique, nettement plus marquée pour les objets de luxe que pour les objets d’usage courant. Ainsi pendant cette période de confinement, 67% préfèreraient différer leur achat de produits de luxe pour pouvoir bénéficier de l’expérience en boutique plutôt que d’acheter en ligne et obtenir le produit plus rapidement (contre 45% pour les objets d’usage). Les personnes qui consomment déjà du luxe au moins de temps en temps se montrent légèrement moins réticentes à l’idée de consommer du luxe en ligne (42%, vs. 33% dans la population générale). Vraisemblablement parce qu’ils voient moins ce type d’achats comme exceptionnels.

*Désir, rêve ou rejet : qu’est ce que le luxe pour les Français ?
**Enquête réalisée par Harris Interactive en ligne les 5 et 6 novembre 2020. Échantillon de 1 020 personnes, représentatif des Français âgés de 18 ans et plus. Méthode des quotas et redressement appliqués aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région de l’interviewé(e).

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