Depuis quelques années, dans les briefs de nos clients, au milieu des classiques agiles, co-création et mobile first, on peut souvent lire le mot « Love Brand ». Toutes les marques aspirent à devenir une « Love Brand », motivées par l’exemple des marques référentes en la matière.
À commencer par le champion du monde de la Love brand, le roi du superlatif et du « cool » : Apple, bien-sûr. Alors oui, on a tous envie d’être aimé, et si la communication a pour but de faire vendre, elle a aussi (et de plus en plus) comme attribut de transmettre les traits de personnalité d’une marque. Et donc, à l’image d’un consommateur, une marque préfère être aimante et aimée que détestée et détestable. Si l’on reprend la définition de la Love Brand , ou plus exactement de la lovemark (développé initialement par Kevin Roberts), il s’agit d’une « relation quasi amoureuse » entre la marque et ses consommateurs. Et voila où le bât blesse… En effet, il est assez simple pour une marque de se faire aimer si elle propose un produit qui créé un lien fort et durable avec le consommateur (Apple, Porsche…). D’autres ont réussi en préemptant un territoire de communication pertinent au bon moment (innocent et la connivence, Patagonia et la RSE. Enfin, certains mastodontes, à coup de GRP et d’opérations de Brand Content gigantesques ont réussi à rejoindre le panthéon des Love Brand (Coca Cola, Redbull). Toutes ces marques sont des modèles pour les agences et les annonceurs et il est normal que l’on s’en inspire, mais n’est-il pas temps de supprimer le terme « Love Brand » de nos briefs ?
Avant de chercher a être aimé il faut s’aimer soi même
Comme dans toute relation, chercher à être aimé n’est pas le meilleur moyen de rencontrer l’homme ou la femme de sa vie. Pour être aimé, il faut d’abord s’aimer, se connaitre, accepter ses points faibles et travailler dessus. C’est seulement une fois que l’on s’aime qu’il devient alors possible de se faire aimer. On ne choisit pas de devenir une Love Brand, on la devient en déployant une stratégie d’entreprise cohérente qui impacte l’ensemble de l’organisation. Souvent considérée comme LA marque éthique, Patagonia développe des pratiques d’entreprise responsable depuis son origine. Née dans l’univers du sport outdoor, cet engagement est dans son ADN : dès 1886, la marque reverse 10 % de ses bénéfices à des associations prenant soin de l’environnement. En 1992, la marque arrête le coton traditionnel pour le 100 % bio. De la conception à la réalisation, en passant par les finances et la logistique, c’est l’ensemble de la chaîne de création de valeur qui est profondément responsable. Ce n’est qu’une fois que l’ensemble de l’entreprise a été alignée sur ce positionnement qu’elle a décidé d’en faire un axe de communication avec la célèbre campagne « don’t buy this Jacket » . De la même façon, Redbull affirme son positionnement sportif dès 1989 en créant « Le Red Bull Dolomitenmann » et la culture du dépassement de soi va largement au-delà de la stratégie marketing, elle devient le « reason why » de la marque. Enfin, quand Fleury Michon se donne pour mission de marque d’aider les hommes à manger mieux, elle multiplie les innovations et les actions pour améliorer ses procédés de fabrication . (Jambon sans nitrite, pêche responsable pour le surimi, suppression de tous les conservateurs). La communication n’est que la vitrine de la transformation globale de l’entreprise. Pour espérer rentrer un jour dans le cercle très privé des Love Brand, il est primordial de vérifier l’alignement entre les valeurs de votre entreprise et les valeurs que vous aimeriez exprimer en communication.
Être aimé ça prend du temps
Certes le coup de foudre existe mais ce n’est pas au détour d’un post FB ou d’une très belle TV Copy que le consommateur tombera immédiatement sous le charme de votre marque. Pour être amoureux, nous avons besoin de temps, pour comprendre l’autre et avoir confiance en lui. Pour une marque c’est donc la même chose. Ecrire dans un brief « nous voulons devenir une Love Brand» revient donc sensiblement au même que de demander lors de sa première date Tinder « est ce que tu m’aimes ? » Pour devenir une Love Brand, la marque doit prendre son temps et déployer des « mots d’amour» sur tous les points de contacts de manière régulière et cohérente. Porsche, Apple, Innocent, Lego, Google ne se sont pas créés pour être aimées. Elles ont créé des produits, appréciés par leurs consommateurs. Elles ont créé un univers de marque, à l’interne et à l’externe, un alignement de valeur entre ce qu’elle voulait être et ce qu’elle voulait dire et ensuite, elles ont diffusé ces valeurs année après année, GRP après GRP.
Restez à votre place et acceptez le statut de « likebrand »
Presque toutes les Love Brand répondent aujourd’hui à deux critères majeurs : les produits proposées procurent un sentiment de « mieux » post acte d’achat: si j’ai le dernier iPhone je vais paraitre ultra connecté, si j’ai des sweats Patagonia je vais prouver mon engagement pour la planète, si je bois du Innocent, je vais boire un jus qui me fait du bien et m’amuser a découvrir les blagues sur la bouteille.
Le statut de Love Brand a été obtenu grâce à des investissements énormes : Red Bull a envoyé un homme sauter de l’espace, Nike sponsorise les meilleurs athlètes de la planète, Lego déploie son storytelling dans une stratégie de contenus multi-cibles (séries TV, jeux vidéo, magazines, Legoland, club lego) pour plaire aux enfants génération après génération tout en continuant à séduire les grands enfants 🙂
« Vous ne serez jamais une love brand »
Ainsi, certains produits, de première nécessité ou de consommation courante ne pourront jamais atteindre le statut de Love Brand sans investissement massif… Et ce n’est pas grave ! De la même façon, ce n’est pas un lancement produit ou une campagne d’influence qui fera de votre marque une marque aimée. On ne choisit pas d’être aimé, en revanche on peut déjà se donner les moyens de se faire apprécier des consommateurs en proposant un produit de qualité et en déployant une stratégie marketing pertinente pour transmettre une culture de marque. Avant de vouloir devenir une Love Brand, que diriez-vous de devenir une « Like Brand » ?