« Si nous pouvons le faire, toutes les villes du monde peuvent le faire ». Matt Petersen ne surestime pas son rôle en faisant de Los Angeles un modèle d’inspiration pour les smarts cities durables de demain. Les défis que doit relever la mégalopole californienne sont immenses et la restructuration verte a déjà commencé, avec l’innovation et le crowdsourcing comme premières armes. Avec son projet LA2050, la fondation Goldhirsh a montré l’exemple, soutenu par la ville.
Nommé il y a deux ans Chief Sustainable Officer de la Cité des anges, l’ancien CEO, de la puissante ONG écologiste Global Green USA, est devenu le monsieur développement durable de Los Angeles, par ailleurs devenu le hub créatif à la mode aux Etats-Unis. La pub et les marques sont donc forcément impliquées dans ce combat écolo. INfluencia en a parlé en exclusivité avec Matt Petersen, dans son bureau de la mairie.
INfluencia : à quoi ressemblera le développement durable intelligent dans la ville du futur ?
Matt Petersen : c’est difficile à dire, peut-être que ce sera la voiture autonome, la data, le stockage d’énergie solaire, l’analyse des performances… Tout cela a aussi besoin d’être utilisé en même temps pour être plus performant. Mais à Los Angeles le problème principal, après le changement climatique, c’est la crise de l’eau. Il ne faut pas seulement changer la ville mais il faut aussi modifier l’attitude des gens face à leur consommation d’eau. Il faut que tout le monde comprenne les défis du changement climatique et l’importance de la protection de nos réserves d’eau. Je ne parle pas seulement de la population mais aussi des fournisseurs d’énergie et des professionnels. Par exemple, la société de gestion des eaux pense à annuler ses rabais en réponse à notre nouvelle réglementation sur les remplacements de pelouse. Ils ne sont pas d’accord avec ce programme car leur but est de vendre un maximum d’eau, pourtant les réserves s’épuisent. La plupart du temps, on veut tous aller dans la même direction. Parfois, il est plus difficile de devenir une vraie smart city car d’autres acteurs ne veulent pas d’une réussite qui ne va pas dans leurs intérêts.
INfluencia : est-ce que la meilleure réponse doit être la conviction, en particulier celle des citoyens ?
Matt Petersen : impliquer le public et les citoyens est indispensable. Très peu de gens savent comment s’y prendre. Il faut qu’on utilise au maximum et de manière innovante les réseaux sociaux et les nouvelles technologies pour amener plus de gens dans le débat. C’est pour cela qu’on a créé le L.A. PLAN en demandant la participation et le point de vue de nombreux citoyens, d’ONG, d’universités et d’écoles. Peu de gens vont le lire en détail mais beaucoup vont se demander, comment ils peuvent participer et adopter les mesures présentées dans le plan. On a besoin de tout le monde pour y arriver. De nombreuses organisations vont s’engager à réaliser certains changements à leur niveau. Il y aura plus d’engagement grâce à ce plan car il est une référence, un outil.
INfluencia : le crowdsourcing est-il aujourd’hui l’outil le plus efficace pour conscientiser par l’implication ?
Matt Petersen : potentiellement oui, mais il constitue une partie seulement de la réponse. On a crowdsourcé beaucoup d’idées pour le LA PLAN, en demandant à nouveau des idées aux citoyens pour les mettre en œuvre. Nous n’avons pas utilisé de plateforme spécifique de crowdsourcing, par contre nous nous sommes inspirés de sa philosophie. C’est ce qui rend le maire Garcetti vraiment unique : il admet qu’il ne sait pas automatiquement ce qu’il y a de mieux mais c’est un leader qui s’imprègne des idées et des défis des administrés. C’est la philosophie que nous avons choisie. Nous voulons communiquer au maximum avec nos citoyens! Le digital c’est très bien mais on utilise aussi des moyens plus traditionnels comme la bibliothèque, qui est un endroit idéal pour communiquer avec les habitants de L.A.
INfluencia : finalement la ville doit-elle assumer un rôle de complément avec les marques et les citoyens pour réussir le changement ?
Matt Petersen : le maire est élu pour diriger et possède un pouvoir exécutif très important. Mais il est partagé donc il faut une collaboration pour appliquer ces changements dans les 18 villes du comté de Los Angeles. On a peu de sièges sociaux de grandes sociétés à Los Angeles mais on a beaucoup d’entreprises et d’industries, que ce soit Hollywood ou la Silicon Beach. Nous avons besoin de tout le monde. Il faut partager et collaborer, c’est le seul moyen de réussir.
INfluencia : pourriez-vous donc, par exemple, travailler avec une marque sur une opération ou un programme municipal spécifique ?
Matt Petersen : oui, je pense que c’est possible. Nous avons récemment collaboré avec Waze pour tenter de réduire le trafic, qui est un problème majeur à L.A. Comment pouvons-nous utiliser leurs services pour rendre la vie plus facile aux angelenos et vice-versa ? Nous espérons apporter une réponse. Nous avons aussi travaillé avec Reformation, une entreprise créée et tenue par des femmes de L.A qui s’est engagée avec le LA PLAN. Nous sommes aussi ouverts pour réfléchir avec des entreprises locales ou qui ont une forte présence à Los Angeles. Par exemple, les hôtels Starwood nous ont approché pour collaborer sur la conservation de l’eau.
INfluencia : les marques ont longtemps cru que l’écologie était l’ennemi du profit, est-ce important de leur prouver que ce n’est pas le cas ?
Matt Petersen : oui, c’est très important. Ma philosophie, qui est aussi représentative de celle du maire, est que nous sommes des consommateurs qui devons retrouver leur rôle de citoyen, en votant, en se battant pour le changement. Nous devons tous être un citoyen-entrepreneur qui prend soin de son coin du monde, cela peut être sa maison, son quartier, l’école de ses enfants…Los Angeles commence à attirer l’attention des marques du fait que son économie explose alors que pourtant, nous n’avons jamais eu autant de restrictions d’eau, d’énergie et de ressources en général.
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