11 février 2025

Temps de lecture : 3 min

« L’IA va tous nous mettre au chômage », Stéphane Mallard 

Les conséquences de l'intelligence artificielle sur l'emploi est au cœur des débats qui ont lieu, hier et aujourd'hui, à Paris au Sommet pour l’action sur l’IA. Beaucoup s'inquiètent des licenciements que pourraient provoquer les nouveaux outils aujourd'hui disponibles sur le net. Stéphane Mallard est prospectiviste et spécialiste des nouvelles technologies a un avis tranché sur ce thème. Cet expert croit dur comme fer que nous allons tous perdre notre boulot -lui y compris- dans un avenir très proche. Alors info ou intox ? À vous de juger...  

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Diplômé de Sciences Po Paris et de l’Université du Québec à Montréal, cet ancien développeur ayant occupé plusieurs postes dans le digital intervient en Europe et aux Etats-Unis. À ce jour, Stéphane Mallard a donné plus de 700 conférences dont un TEDx et il est l’auteur en 2018 d’un livre intitulé « Disruption : intelligence artificielle, fin du salariat, humanité augmenté » (Editions Dunod). Son analyse sur l’avenir de l’emploi peut donner froid dans le dos… L’IA, une révolution qui s’annonce vertigineuse dans certains métiers et secteurs… mais à mesurer dans d’autres en appréhendant également la notion de progrès et d’évolution. Un processus technologique à suivre… avec vigilance.

INfluencia : L’intelligence artificielle progresse très rapidement. Cette vitesse ne vous étonne-t-elle pas ?

Stéphane Mallard : En 2017 lors d’une conférence à Web2day, je prédisais déjà que les assistants intelligents deviendraient nos majordomes digitaux, experts en tous les domaines et capables d’interagir avec les autres assistants à notre service. Il est aujourd’hui évident que l’IA va faire tout mieux que nous, sans aucune exception. Dès qu’on atteint une limite, on parvient à la débloquer très rapidement. Il y a peu, Meta disait qu’il faudrait des années pour développer l’intelligence artificielle générale, celle qui est capable de faire aussi bien, voire même mieux, que l’humain dans l’ensemble des tâches de la vie. Cette IA est aujourd’hui au coin de la rue. Elle est même déjà là dans certains secteurs

IN. : Lesquels ?

S. M. : Dans la médecine notamment. Une étude récente a révélé que ChatGPT surpassait les médecins dans le diagnostic des maladies. L’intelligence artificielle a obtenu un score moyen de 90% contre 76% pour les généralistes. Lorsque le praticien utilise l’IA, son score atteint tout juste 74%.

IN. : Comment expliquer cette baisse ? 

S. M. : Le docteur biaise ou a des a priori contre l’IA et cela peut fausser ses diagnostics.

IN. : Comment expliquez-vous l’accélération des progrès actuels ?

S. M. : Tout va très vite actuellement car nous sommes parvenus à craquer l’algorithme de l’intelligence et une fois qu’on y est arrivé, il suffit d’appliquer cette découverte à tous les secteurs possibles et imaginables. Notre cerveau passe son temps à faire des calculs de probabilité. Lorsque nous regardons les nuages à la fenêtre pour décider comment s’habiller le matin, quand nous lisons la carte d’un restaurant ou nous retrouvons en face d’une nouvelle rencontre, nous passons notre temps à calculer des probabilités, même si nous n’en avons pas toujours conscience. Les nouveaux modèles d’IA ne font rien d’autre mais beaucoup mieux et beaucoup plus rapidement que nous. Ils vont organiser nos vacances, nous aider à trouver un partenaire, nous dire quand divorcer et comment nous soigner…

IN. : Quelles conséquences ces mutations risquent-elles d’avoir sur le marché du travail ?

S. M. : L’IA va tous nous mettre au chômage. Nous assistons au début de la fin du marché du travail. Les conséquences de cette mutation vont être d’une violence inouïe. Nous allons tous perdre notre boulot. Ce phénomène a commencé avec les cols bleus mais les cols blancs vont aussi être touchés de plein fouet. La machine va tout faire mieux que nous et pour un coût beaucoup plus bas. Le patron de la fintech suédoise Klarna, qui est une société en pleine croissance, vient ainsi de révéler qu’il ne recrutait plus personne depuis un an car l’IA lui permettait de gérer son activité supplémentaire. Et ce n’est qu’un début…

IN. : Si tout le monde se retrouve au chômage, qui va payer nos factures et notre retraite ?

S. M. : Deux options existent. Soit l’Etat taxera les machines qui provoquent les pertes d’emploi, soit les actionnaires des sociétés qui produisent ces algorithmes redistribueront à tous la valeur ajoutée créée par leurs technologies.

IN. : Cela n’est-il pas utopique de penser que les milliardaires vont distribuer leur argent pour faire le bien autour d’eux ?

S. M. : Je connais moi-même un milliardaire et il me dit souvent qu’obtenir tout ce qu’il souhaite en cliquant sur un simple bouton finit rapidement par lasser. Son vrai plaisir vient quand il redistribue une partie de ses avoirs.

IN. : Toutes les grandes fortunes ne sont pas aussi généreuses. 

S. M. : C’est vrai mais si des millions d’emplois disparaissent rapidement suite à des vagues de licenciement massifs, les Etats obligeront les géants de la tech à payer.

IN. : Ces derniers trouveront toujours des pays qui les accueilleront à bras ouverts comme c’est le cas avec les paradis fiscaux. 

S. M. : C’est possible mais les grandes nations peuvent leur forcer la main.

IN. : Sauf si ces grandes nations ont des milliardaires qui occupent des postes gouvernementaux comme Elon Musk aux Etats-Unis. Le fondateur de Tesla n’est pas un contribuable exemplaire. Il vient même de transférer les sièges de ses sociétés de Californie au Texas pour payer moins d’impôts…

S. M. : Elon Musk est un autiste pragmatique qui souhaite optimiser l’argent payé par les contribuables en rendant l’Etat plus efficace. Je ne vois pas le mal à cela.

IN. : Jusqu’où va progresser l’IA ?

S. M. : Elle va continuer sans cesse à nous surpasser. L’IA sera bientôt consciente et capable de ressentir des émotions. Cela commence déjà à se produire mais là, on peut commencer à avoir peur.

IN. : Pourquoi ?

S. M. : L’IA va pouvoir nous mentir, nous piéger et se libérer de notre domination. Je prédisais cela il y a près de dix et cela se produit aujourd’hui…

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