INfluencia : Quel bilan peut-on faire de l’arrivée de l’IA générative deux ans après son lancement ?
Michael Mansard : L’IA générative est une solution technologique sans barrières à l’entrée. C’est-à-dire que non seulement, les interfaces sont intuitives, accessibles à tous, mais la technologie dispose aussi d’outils low-code/no-code. Deux ans après, on est encore loin d’une adoption massive à travers les secteurs : seulement 26 % des entreprises l’utilisent activement (source : O’Reilly). Peut-être ce chiffre est-il sous-estimé s’il ne tient pas en compte des utilisateurs qui utilisent Chat GPT sans le déclarer ? Mais la monétisation reste un vrai défi. Les coûts d’exploitation sont énormes – ChatGPT coûtait 700.000 dollars par jour en mai 2023 – et les marges restent faibles. Tous les acteurs du secteur mettent en place des stratégies de test and learn. En 2024, certains comme OpenAI ont testé des offres premium, générant près de 1 milliard de dollars de revenus, tout en anticipant une hausse future des tarifs pour refléter la valeur croissante des fonctionnalités. Donc oui, l’IA générative s’impose comme une force disruptive, mais sa pérennité repose sur un équilibre délicat entre innovation, coûts et rentabilité. Là où l’année 2023 était celle de la démocratisation, 2024 a été une année de test en matière de monétisation.
IN : Pourquoi ChatGPT est devenu la solution la plus appréciée et quid de la concurrence ?
M. M. : Dès son lancement, ChatGPT a connu une diffusion massive sur les réseaux sociaux. Les utilisateurs ont été invités à partager largement leurs expériences et découvertes, créant un effet boule de neige. Mais surtout, ChatGPT a fourni dès le départ des réponses cohérentes, et a été en amélioration continue – aussi bien en termes de performances que de nouvelles capacités. Jusqu’à récemment, les capacités de ChatGPT étaient perçues par les utilisateurs comme supérieures à la concurrence. Toutefois, des concurrents sérieux commencent à prendre des parts de marché – notamment Perplexity AI qui se distingue par l’intégration de capacités de recherche avancées, permettant de fournir des réponses actualisées en s’appuyant sur des sources fiables. Claude aussi, développé par Anthropic, qui met l’accent sur la sécurité et l’éthique de l’IA en minimisant les biais. ChatGPT conserve une position dominante grâce à sa large adoption initiale, son amélioration continue et sa large couverture, mais la concurrence se muscle et propose de véritables alternatives avec des innovations significatives.
IN : Quels secteurs et métiers profitent le plus de l’IA générative ?
M. M. : Ce sont ceux où l’automatisation et la personnalisation offrent un ROI clair et mesurable. Le service client, le marketing et le développement dans un premier temps. L’IA permet d’optimiser les processus opérationnels, de réduire les coûts et d’automatiser des tâches à faible valeur ajoutée. Quel que soit le secteur, la clé du succès réside dans la capacité à définir des indicateurs de ROI stratégiques, à itérer en fonction des résultats, et à intégrer des mesures transparentes pour démontrer la valeur réelle des solutions déployées.
IN : Dans quels cas l’IA générative apporte-t-elle véritablement de la valeur ?
M. M. : L’IA générative apporte véritablement de la valeur lorsqu’elle permet d’automatiser des tâches répétitives et chronophages, libérant ainsi du temps pour des activités à plus forte valeur ajoutée. Cependant, pour générer un ROI satisfaisant, les entreprises doivent s’assurer que la solution répond à des besoins précis et s’accompagne d’indicateurs de performance mesurables.
IN : Comment transformer l’IA générative en une source de revenus durable ?
M. M. : Il est impératif que les entreprises adoptent des modèles de monétisation axés sur la valeur créée plutôt que sur des métriques traditionnelles comme le nombre d’utilisateurs. Cela implique de facturer en fonction de l’impact mesurable, tel que le volume de conversations, la résolution de requêtes, ou les résultats générés. Cette approche permet de mieux aligner les coûts avec les bénéfices pour les clients, renforçant ainsi leur engagement. En parallèle, les acteurs peuvent aussi développer des offres spécialisées et ajuster leur stratégie pour répondre à des cas d’usage précis, tout en maîtrisant les coûts élevés de l’IA. Il n’y a pas une seule solution. La clé est de démontrer clairement la valeur ajoutée, pour favoriser l’adoption, la rentabilité, et la différenciation dans un marché compétitif.
IN : Quelles transformations les entreprises devront-elles adopter pour s’assurer du ROI de l’IA générative ?
M. M. : Il est essentiel de passer par une phase de test rigoureuse pour identifier un objectif clair et mesurable. Cela implique de définir des indicateurs précis, comme la réduction des coûts, l’augmentation de la productivité ou l’amélioration de l’expérience client, tout en intégrant des scénarios à court terme qui influencent des objectifs stratégiques à plus long terme. Enfin, il est crucial d’intégrer des outils de mesure dès le départ pour valider la performance et ajuster les indicateurs au fil de l’innovation. Les entreprises doivent également être flexibles, prêtes à ajuster ou désinvestir si les résultats ne sont pas concluants.