« Quand je leur explique comment cela fonctionne, tout le monde est emballé et se fait prendre en photo… » A deux pas du célèbre Flatiron, ce légendaire immeuble de Manhattan situé au croisement de la Cinquième Avenue et de Broadway, ce photographe a été recruté par Birkenstock pour son opération de promotion qui célébrait son entrée à la Bourse de New York, le 11 octobre dernier. Dans ses mains, son appareil photo est relié à un téléphone portable. « Dès que je prends un cliché, l’intelligence artificielle prend le relais, m’explique-t-il. Le programme améliore l’image, la recadre, elle place le logo de la marque au bon endroit et formate la photo pour qu’elle soit directement publiable sur les réseaux sociaux. Je n’ai strictement rien à faire et le résultat est spectaculaire. » Un autre photographe ne tarit pas d’éloges, lui non plus, sur les avantages de l’IA. « J’ai pris 3500 clichés ces trois derniers jours, me raconte-t-il. Un logiciel qui me coûte quelques dizaines d’euros par an élimine automatiquement les images imparfaites et il améliore les clichés restants selon mes préférences, qu’il a au passage, repéré lui-même. L’IA me fait gagner un temps fou. » George Orwell avait raison en 1949 quand il nous prédisant que « Big Brother » nous regardait.
L’IA dans son smartphone
L’intelligence artificielle est aujourd’hui partout présente dans la photographie. Le nouveau smartphone de Google, le Pixel Pro 8, propose des solutions bluffantes pour le commun des mortels. Son logiciel permet en un mouvement de doigt d’améliorer l’éclairage et l’arrière-plan, de déplacer un sujet et même d’enlever des personnes ou des objets. Sa nouvelle « Gomme magique » audio atténue les sons indésirables sur les vidéos, comme le bruit des moteurs ou le souffle du vent, afin de mieux entendre les sons qui nous intéressent. Les pros de l’informatique peuvent faire encore mieux.
Au célèbre Sony World Photography Award, le photographe allemand Boris Eldagsen a été récompensé au mois de mars pour sa photo Pseudomnesia : The Electrician. Ce superbe portrait en noir et blanc un rien suranné représente deux femmes, l’une, yeux baissés, posant ses mains sur les épaules de l’autre devant elle au regard intense. La particularité de cette image est qu’elle a été totalement fabriquée par l’intelligence artificielle. Son auteur, qui l’a révélé en refusant le prix, a expliqué qu’il voulait ainsi « lancer le débat sur l’intrusion de l’intelligence artificielle dans le monde de l’art ». Ce sujet bouleverse énormément le monde de la photo.
Au mois de mars dernier, le magazine Réponses Photo a créé un véritable choc en publiant sur sa Une le cliché d’un marin pris de nuit. « Cette photo de marin pêcheur qui est très réaliste, très créative, n’est en fait pas une photo. C’est une image que nous avons entièrement générée avec l’aide d’une intelligence artificielle », expliquait Thibaut Godet, le rédacteur en chef du mensuel dans son édito et non pas sur sa couverture. Ce cliché a été obtenu une fois que le journaliste a demandé au programme Midjourney de « concevoir la photo d’un marin de nuit, devant son bateau, par un temps pluvieux, réalisée à l’aide d’un appareil photo argentique moyen format et avec du bokeh (ce rendu du flou hors du champ de netteté n.d.l.r.). » Impressionnant…
Manipulation
L’IA pose aujourd’hui, bien évidemment, des risques de manipulation. La photo du Pape en doudoune entièrement créée par l’intelligence artificielle a fait le tour du monde en quelques heures. L’IA générative porte également atteinte aux droits d’auteur. Des photos protégées peuvent être détournées et modifiées pour pouvoir être revendues sans que l’auteur du cliché original touche un kopeck.
La machine n’est toutefois pas encore totalement prête pour remplacer l’être humain. Pour obtenir sa couverture, Réponses Photo a du faire plus de 300 essais. L’IA a encore du mal à reproduire les peaux, les yeux, à estimer les distances ou à définir le nombre de doigts d’une main. Ces défauts de jeunesse risquent toutefois, de disparaître rapidement Photographe, un métier d’avenir ? Rien n’est moins sûr…