6 janvier 2025

Temps de lecture : 3 min

Les « super collectes » des grandes écoles sont l’arbre qui cache une forêt en danger

210 millions pour HEC Paris, 200 millions pour Polytechnique, 100 millions pour CentraleSupélec... Les grandes écoles demandent beaucoup à leurs donateurs pour boucler leur budget. Des collectes qui contribuent à financer les programmes de bourses pour les étudiants, le développement de nouvelles formations et les projets de recherche indispensables pour être (rester) bien positionné dans le classement mondial des grandes écoles et grandes universités les plus dynamiques notamment en termes de recherche.

EDUCATION

Les chiffres sont impressionnants. Certains salueront, sans aucun doute, ces entrées d’argent frais et d’autres s’inquiéteront de la privatisation des grandes écoles et de leur dépendance aux grandes fortunes de ce monde. 213 millions d’euros… C’est le montant considérable qu’HEC Paris a levé auprès de ses donateurs lors de sa campagne qui s’est clôturée fin 2024. Un exploit sans précédent dans l’enseignement supérieur en France. Pour cause, quand sa fondation, qui vient en aide aux étudiants et finance une partie de ses activités de recherche et d’enseignement supérieur, avait annoncé en 2019 vouloir collecter 200 millions en cinq ans, beaucoup ne cachaient pas leurs doutes. Après tout, cette structure avait eu le plus grand mal du monde à réunir la moitié de cette somme lors de sa précédente levée de fonds qui s’était achevée en 2013.

Les écoles se bousculent au portillon

Ce succès est notamment dû à la contribution de près de 6000 donateurs et grands donateurs, dont le nombre a doublé. 53 entreprises mécènes se sont également mobilisées pour appuyer l’école en versant 40% des dons. « La campagne Impact tomorrow a permis d’affirmer le rôle de plateforme d’impact d’HEC Paris, affirme Eloïc Peyrache, le doyen et directeur général de l’école de management. Elle a contribué à changer des destins, créé de nouvelles opportunités, et offert à nos étudiants les outils nécessaires pour relever les défis de demain. Ces dons sont essentiels pour transformer notre école et améliorer sa capacité à accompagner les transformations du monde. » Mais, HEC Paris n’est pas la seule école à faire appel à la générosité des philanthropes. 

Au début du mois novembre, CentraleSupélec est parvenue à collecter 1 million d’euros en une seule soirée auprès d’une centaine de personnes, dans le cadre de sa campagne « Demain est ingénieurS » qui vise à réunir 100 millions d’euros d’ici 2026. Le 21 novembre, la fondation de l’Ecole Polytechnique annonçait son ambition d’atteindre 200 millions d’ici cinq ans (contre 87 millions récoltés en 2021) dans le cadre de sa nouvelle campagne de fundraising « Servir la Science », qui a déjà reçu 85 millions d’euros de promesses de dons avant même son lancement officiel. Un record.

Tout le monde sur le pont

« Les campagnes majeures sont devenues un véritable modèle de collecte en France et l’enseignement supérieur et la recherche (ESR) ont montré la voie à suivre, juge une experte de la philanthropie. Ce modèle commence d’ailleurs à faire rêver de plus en plus de structures. Depuis un an, nous recevons un nombre croissant d’appel de clients qui souhaiteraient lancer une grande campagne ». 

Ce type de projet doit être préparé en amont et exige une implication totale de la direction de l’institution ainsi que d’importants moyens. Pour sa deuxième grande campagne qui s’est tenue d’octobre 2018 à fin 2022, Sciences Po disposait d’une équipe de 17 fundraisers. La plupart des collectes vise à financer les programmes de bourses sociales pour les étudiants, les projets de recherche et le développement de nouvelles formations.

Toujours plus

Les récentes levées de fonds records poussent les grandes écoles à demander toujours plus. Aujourd’hui, les objectifs des fundraisers se situent souvent dans des fourchettes comprises entre 50 et 100 millions d’euros alors qu’auparavant, la somme visée tournait plutôt entre 10 et 30 millions d’euros. La durée des programmes est souvent de cinq ans et une pause de deux ou trois ans est fréquemment requise entre deux campagnes.

Mais, les grandes écoles privées ne sont pas les seules à boucler leurs budgets grâce à la générosité de leurs donateurs. L’université de Strasbourg et les hôpitaux universitaires de Strasbourg sont ainsi parvenus à lever au total plus de 56 millions d’euros en deux campagnes (en 10 ans) via la fondation université de Strasbourg alors que la Sorbonne, qui figure sur la deuxième marche des universités les plus « collectrices » a tout juste atteint le cap des 25 millions d’euros.

Ces dons sont évidemment une excellente nouvelle pour les institutions qui les reçoivent mais ce sont souvent les « grands noms » qui séduisent les philanthropes. Ces établissements sont un peu l’arbre qui cache la forêt de la pauvreté de nos universités et de nos écoles.

Une « vraie-fausse » bonne nouvelle

Les dépenses en faveur de l’enseignement supérieur en France représentent environ 1,5% du PIB et celles pour la recherche 2% alors que la plupart des experts disent qu’il faudrait atteindre des proportions proches de 2% et 3%. Ces budgets restreints ont un impact sur la qualité de notre enseignement. Seuls 30 établissements français figurent dans le classement de Shanghai (ARWU) qui distingue les 1000 universités mondiales les plus dynamiques en termes de recherche. Les Etats-Unis en abritent… 206 dont 16 des 20 premières, le Royaume-Uni 65, l’Allemagne 50, l’Italie 45 et l’Espagne 39. Notre pays se trouve aujourd’hui à la 10ème place des pays producteurs de recherche alors que nous étions au 5ème rang en 2005. Les « super-collectes » peuvent aider certaines écoles à rester dans le peloton de tête mais les autres risquent de poursuivre leur dégringolade.

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