16 octobre 2022

Temps de lecture : 3 min

Les Russes, pour échapper au devoir militaire, peuvent obtenir sur Telegram, un faux diagnostic au VIH pour 620 dollars

L’application Telegram est devenue l’application pour tous les Russes qui cherchent à contourner leur service militaire obligatoire. Et pour cause : on y trouve une flopée de faussaires qui vendent de faux diagnostics permettant de feindre une contamination au Sida. Toutes les méthodes sont bonnes pour se préserver des champs de bataille.

La semaine dernière, Sergueï Choïgou, le ministre de la Défense russe faisait le point sur la mobilisation partielle décrétée par Vladimir Poutine le 21 septembre. Celle-ci visait 300 000 réservistes et avait suscité de vives contestations à travers le pays, suffisamment pour nous faire douter de la véracité des chiffres communiqués : plus de 200 000 personnes auraient déjà été mobilisées pour rejoindre l’« opération spéciale » selon Serguïe Choïgou. « L’entraînement du personnel des (nouvelles) unités formées est réalisé sur 80 terrains militaires et dans six centres de formation », avait-il indiqué lors d’une réunion gouvernementale, en assurant que ces recrues seraient envoyées au front avec d’autres unités ayant déjà combattu en Ukraine. Selon lui, « un nombre important » de personnes se sont proposées, avant même d’avoir reçu un ordre de mobilisation officiel, sans pour autant préciser leur nombre exact. Décidement, l’Etat-major de Poutine n’en finit plus de nous surprendre… et de nous faire douter.

En effet, de nombreux médias ont déjà couvert le mouvement de défection qui semble parcourir la jeune – et moins jeune – garde du pays. De quoi rappeler, spécifiquement aux plus anciens cette fois, de nombreuses craintes autour de l’organisation de leur service militaire – surnommé dedovchina – tout droit sortie de l’ère soviétique. Interrogé par L’Obs, un soldat explique que « dans la hiérarchie officielle, ton commandant te donne un ordre, et si tu ne t’exécutes pas tu es puni. La dedovchina, c’est le même principe : un ancien t’ordonne de lui trouver des clopes, et si tu n’obéis pas, il y a plein de punitions différentes. On peut te priver de nourriture, par exemple, ou bien pour ceux qui ne veulent vraiment pas comprendre, ça peut aller jusqu’à se faire casser la gueule dans les toilettes ». Avant de conclure : «Dans notre bataillon, c’était raisonnable (…) Dans d’autres unités, c’était pire. J’ai entendu des histoires d’une cruauté incroyable, de la violence, des viols. Parfois, des gars se faisaient tuer ». On comprend mieux, si ce n’était pas déjà le cas, pourquoi les familles remuent ciel et terre pour éviter la conscription à leur rejeton. Pourtant, faire défection est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à dix ans de prison et d’autres sanctions, en vertu d’une loi récemment adoptée.

 

 

Les maladies à la carte

La solution miracle semble bien être Telegram. Le site RestofWorld a dévoilé le 29 septembre dernier que l’application ne compte plus les groupes qu’elle héberge destinés aux Russes qui cherche à échapper à leur « devoir » militaire. Ils comptent souvent des dizaines de milliers d’utilisateurs et commercialisent le transport vers les pays frontaliers ainsi que des offres d’emploi et de logement arrivé sur place. Ils proposent également de faux documents administratifs, des échanges de devises et des diagnostics falsifiés du VIH et de l’hépatite, tous payables en bitcoins. Interrogé par le journaliste Masha Borak, un vendeur déclarait dans l’article qu’ « à l’heure actuelle, le moyen le plus efficace [d’éviter d’être enrôlé dans l’armée russe] est d’obtenir un certificat attestant que vous avez le VIH ou l’hépatite ». L’affirmation du vendeur fait écho à des rapports faisant état d’hommes soudoyant des médecins et se blessant eux-mêmes afin d’obtenir des exemptions médicales.

Des vendeurs proposent ces diagnostics qui sont ensuite ajoutés à la base de données du ministère de la Santé, rendant de facto celui ou celle qui le possède inapte au service militaire. Le tout pour 620 dollars pour le VIH, contre 820 pour l’hépatite. Pourtant les acheteurs prennent le risque d’en sortir perdants car il est souvent difficile de confirmer l’authenticité des services proposés. Pas de quoi refroidir les pauvres diables qui cherchent à tout prix à éviter le champ de bataille.

 

 

Un tout autre champ de bataille

D’une manière – bien – détournée, cette situation nous rappelle aux grands dangers vécus par les Russes… et les Ukrainiens LGBTQ en ces temps de guerre. Dans un discours prononcé en octobre, Poutine a déclaré que la guerre était nécessaire pour empêcher les pays occidentaux d’imposer aux écoliers russes des « perversions » LGBTQ. Son gouvernement a ensuite diffusé une publicité raciste et homophobe invitant les Russes à ne pas fuir aux États-Unis, de peur qu’ils ne soient amenés à respecter ceux qui ne leur ressemblent pas. Les soldats russes auraient également attaqué et torturé des civils, en réservant un traitement particulièrement cruel aux Ukrainiens LGBTQ.

De plus, la Russie envisage d’étendre sa loi portant sur la « propagande gay », adoptée en 2013, qui interdit à toute personne ou entité de promouvoir les relations homosexuelles auprès des enfants. Les législateurs ont fait valoir que la loi devrait être étendue aux adultes et que les amendes pour l’exposition de mineurs à la « propagande LGBT » devraient être augmentées. Les autorités affirment qu’elles défendent la moralité face à ce qu’elles considèrent comme des valeurs libérales non russes promues par l’Occident. Sans commentaire.

 

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