Pendant toute la saison 2020-2021, les régies des médias n’ont cessé de développer, structurer et inaugurer des offres de publicité responsable, qui leur permettent d’être actrices du changement des habitudes vers des comportements plus durables. La plupart en ont même fait un axe fort de leur positionnement. « 78 % des consommateurs estiment qu’ils n’ont pas assez d’informations sur ce qu’ils consomment. C’est aussi notre utilité sociale de les aider à se situer dans cette somme d’information plus ou moins structurée », fait valoir Irène Grenet, directrice générale adjointe de France TV Publicité.
Des démarches exigeantes
Alors que la publicité d’intérêt général tient de longue date une place importante dans la structuration de l’offre publicitaire de France TV Publicité, la régie publique affiche une ambition forte en matière de pub responsable : « D’ici fin 2022, nous voulons que 30 % de notre chiffre d’affaires soit issu de produits ou de marques responsables. Nos écrans doivent devenir une sorte de référence pour nos clients, lorsqu’ils souhaitent communiquer sur la RSE », ajoute-t-elle. L’offre Territoire responsable, beaucoup utilisée par la société à mission Léa Nature autour de sa marque Jardin Bio Etic avec des témoignages de son président-fondateur et de quatre collaborateurs de la marque, était une première approche permettant à une entreprise en transformation de communiquer sur ses initiatives concrètes dans un contexte affinitaire.
2021 a marqué une nouvelle étape
2021 a marqué une nouvelle étape, avec des offres orientées produit, tout en valorisant le contexte programme. La régie a ainsi bâti avec l’Ademe une offre Green Spirit, lancée le 22 avril 2021 à l’occasion de la Journée mondiale de la Terre. Le dispositif s’articule autour d’écrans spécifiques, bien identifiés, diffusés autour de contextes affinitaires et puissants. Fiat dans l’automobile, Carte Noire, Bjorg, Jardin Bio dans l’alimentaire, ou encore Nature Box de Nocibé dans l’hygiène-beauté, figuraient parmi les premiers annonceurs à l’avoir utilisé. « C’est une démarche exigeante car seuls les produits justifiant d’une norme reconnue par l’Ademe dans son cahier des charges peuvent y prétendre. Nous assumons le caractère sélectif de la démarche, qui s’appuie sur les référentiels de ce tiers de confiance », poursuit Irène Grenet. Sur l’étiquette énergie applicable à l’automobile, la régie ne retient par exemple que les produits qui justifient de la meilleure note (60 grammes de CO2 par kilomètre, soit un critère plus restrictif que le bonus-malus) et un poids maximum du véhicule (1,4 tonne, conformément aux recommandations de la Convention citoyenne pour le climat).
Les propositions s’adaptent aux spécificités des médias.
En publicité extérieure, Clear Channel a construit une Offre Verte avec des affiches imprimées sur du papier recyclé et avec de l’encre végétale. Un label « carré vert » apposé sur l’affiche signifie cette démarche responsable sur le plan environnemental dans la rue. Elle a notamment été utilisée par Palladium en octobre 2020 avec une campagne pour sa Earth Collection écoresponsable, qui fusionnait fabrications recyclées et savoir-faire technique. La start-up allemande de livraison rapide Gorillas y a aussi eu recours en juin 2021 pour asseoir son arrivée sur le marché français et son positionnement éco-responsable.
Les mécaniques de dons s’installent
Beaucoup d’offres misent sur des mécaniques de don solidaire. TF1 Pub et Goodeed, qui avaient noué un accord de partenariat à l’été 2020, ont opéré 25 campagnes avec ces dispositifs pendant les dix premiers mois de leur collaboration, dont 20 en digital et 5 en télévision. Les écrans télé, ouverts seulement à partir de novembre 2020, fonctionnent sur un format « Dual Screen » avec d’un côté de l’écran le spot classique de l’annonceur et, de l’autre, le module solidaire de Goodeed.
M6 Publicité s’est pour sa part associée au label Ad for Good pour une offre S6lidaire, qui permet une mise en relation directe « sans intermédiaire et sans commission » entre l’annonceur et une association, que la marque soutient en reversant une partie du budget de la campagne. Café Royal, qui l’a inaugurée avec une campagne diffusée fin mars 2021, a choisi d’en faire bénéficier la fondation GoodPlanet. Un message intégré dans l’écran informait le téléspectateur de la démarche solidaire de l’annonceur. En octobre 2020, la régie avait par ailleurs conclu un partenariat avec l’agence conseil LinkUp Factory, qui accompagne les entreprises dans leur transition vers un modèle plus durable, autour d’une offre de communication dédiée aux marques engagées, qui part du concept créatif à l’activation média en passant par la production.
Un programme court Spotted ! a par exemple été créé pour Lipton Ice Tea afin d’inciter la jeune génération à changer ses habitudes de tri. L’opération associait trois influenceurs (Romy, Riadh et Joyca) appréciéspar la cible. « Cette association entre une marque et des influenceurs permet d’aborder un sujet de fond. Elle est aussi intéressante pour les influenceurs, animateurs ou journalistes qui accompagnent des opérations, comme celle organisée au printemps 2020 avec L’Oréal sur la lutte contre le harcèlement de rue, qui incluait un programme court Tous concernés », précise Eva Respaut, ancienne directrice marketing de l’innovation et de la communication de M6 Publicité, devenue en mai 2021 directrice des activités audio digitales du Groupe M6.
Des espaces gracieux pour augmenter la visibilité
En presse, CMI Media a monté une offre CMI Solidaire, lancée en octobre 2020, qui fonctionne sur une mécanique différente. Pour toute campagne défendant un enjeu RSE, elle propose de sponsoriser une association ou une fondation, qui se voit offrir par la régie autant d’espace média que celui que l’annonceur a initialement acheté. L’annonceur choisit la cause qu’il veut soutenir et le bénéficiaire est validé par le groupe. L’offre avait été inaugurée à l’automne par Orange qui avait choisi d’offrir cet espace à deux bénéficiaires : les Centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), avec des insertions gracieuses publiées dans Elle et Public, et la Ligue de l’enseignement, qui avait pu communiquer dans Marianne et Télé 7 Jours. Plusieurs autres annonceurs ont contacté la régie pour cette offre. « Nous pouvons être assez volontaires dans la prise de conscience de l’urgence des enjeux car nous sommes les premiers en contact par rapport aux exigences de nos annonceurs et des agences médias. Nous avons aussi un rôle à jouer sur les opérations spéciales et le digital pour optimiser au mieux les effets des campagnes ou pour optimiser la vidéo on line côté publicitaire », explique François Kahn, directeur marketing et planning stratégique de CMI Media.
Sur le digital, Verizon Media France offre pour sa part 50 % d’impressions aux annonceurs qui intègrent la RSE dans leurs prises de parole pour des campagnes diffusées sur les sites de Verizon Media en France ou à l’international. Cette démarche, qui s’inscrit dans la politique RSE globale de la régie, fait aussi écho aux contenus proposés par Yahoo France, notamment La Face Katché avec des entretiens menés par Manu Katché avec des personnalités issues de la diversité, mais aussi à travers des collaborations avec les influenceurs Hugo Décrypte et Cyrus North et leurs reportages aux sujets de société et à l’écologie.
L’importance du timing
Dans ce panorama, toutes les initiatives ne sont pas forcément en phase avec les attentes du marché. Elles doivent parfois s’inscrire dans les priorités des groupes. Après avoir lancé une offre PMS Solidaire – qui pendant la première vague de la pandémie avait pourtant permis d’offrir 235 millions d’impressions en faveur des associations et des organismes qui contribuaient directement à la lutte contre le Covid – Prisma Media Solutions s’est concentrée sur son dispositif de calculette carbone. La régie s’apprête toutefois à lancer d’autres dispositifs similaires à sa première offre solidaire. TF1 pub relance de son côté EcoRespons’Ad, qui n’avait pas recueilli l’accueil escompté lors de son lancement début mars 2020. Elle visait les « consom’acteurs » avec des spots proposés dans un écran premium My Green Screen, diffusé en peak time et entouré de jingles pub « green » pour renforcer l’attention et favoriser la mémorisation.
« L’offre était arrivée un peu trop tôt. Elle a été lancée en plein Covid et était sans doute trop compliquée. Nous avons essayé de l’améliorer pour qu’elle soit plus simple, plus lisible et qu’elle apporte un avantage client sans surcoût », commente Laurent Bliaut, directeur général adjoint marketing et R&D. Avec la nouvelle mouture d’EcoRespons’Ad, la régie va dédier des écrans à cette offre, à raison d’une dizaine d’écrans par semaine. Les spots seront accompagnés d’un jingle spécifique, suivi d’un cartouche qui permettra de signaler que les produits promus sont tous crédités d’un label éco-responsable. « Certains de nos gros clients ont vraiment modifié leurs chaînes de production et vont pouvoir communiquer sur ces évolutions. L’offre devrait cette fois être davantage time to market », ajoute-t-il.