19 octobre 2022

Temps de lecture : 3 min

Les NFT de Klimt ne valent presque plus rien

Le Musée du Belvédère de Vienne a vendu le jour de la Saint-Valentin plusieurs milliers de NFT du célèbre « Baiser » de Gustav Klimt pour la modique somme de 1850 euros pièce. Le cours de ces jetons non fongibles dépasse aujourd’hui à peine 500 euros. A son plus bas, son prix ne dépassait pas... 130 euros. L’art numérique reste hautement spéculatif. Un amateur éclairé en vaut deux...

Les histoires d’amour finissent mal… en général. Les Rita Mitsouko nous l’ont souvent répété lors de leurs concerts. Les amateurs de NFT en font aujourd’hui l’amère expérience. Les baisers peuvent parfois tourner en bouderie voir même en rupture brutale….

Une jolie cagnotte de 4,4 M€

L’initiative avait fait les gros titres de la presse l’hiver dernier. Le Musée du Belvédère de Vienne avait choisi de mettre en vente la version NFT de la plus célèbre œuvre de sa collection : « Le Baiser » de Gustav Klimt. Cette peinture à l’huile réalisée en 1908 et 1909 et recouverte de feuille d’or avait été divisée en une grille de 100 x 100, afin de proposer aux collectionneurs sous la forme de jetons non fongibles 10.000 portions numériques, individuelles et inimitables. Ces fragments digitaux ont permis de lever 4,4 millions d’euros lors de la vente organisée le jour de la Saint-Valentin. Chaque amateur a dû débourser la rondelette somme de 1850 euros pour s’offrir son NFT. « L’intérêt généralisé manifesté par les médias, les multiplicateurs et les collectionneurs du monde entier confirme notre décision de nous concentrer sur les NFTs au bon moment et avec le bon projet, se félicitait Wolfgang Bergmann, le directeur financier du musée du Belvédère, lors de la vente. Alors un succès cette opération ?

Un marché en pleine croissance

Comme souvent dans les médias, une nouvelle chasse l’autre. Le boom des jetons non fongibles semble être une cause acquise lorsqu’on lit les résultats des ventes de ces œuvres numériques. « Les NFT ont créé un marché de l’art numérique », s’emballait, dans nos colonnes, Frederico Benincasa, le CEO de Wall Burners. Le patron de cette start-up française qui commercialise des versions numériques officielles d’œuvres réelles, certifiées par les artistes eux-mêmes, lors de « drops », est-il toutefois le plus à même de faire un tel jugement ? La digitalisation du marché de l’art a fait souffler indéniablement un vent nouveau dans un secteur qui s’ankylosait depuis quelques années. « Les NFT jouent un rôle important pour faire entrer sur le marché de l’art une clientèle totalement différente de celle avec laquelle nous avions l’habitude de travailler », expliquait cet été dans les colonnes d’INfluencia, Julien Pradel, le directeur général de Christie’s France. Ce marché n’est plus anecdotique.

Adjugé, vendu…

L’année dernière, Christie’s a vendu des NFT pour un montant total de 140 millions de dollars, dont 69 millions pour l’œuvre Everydays: the First 5000 Days de Beeple. Des sociétés spécialisées dans cette niche commencent à se multiplier depuis quelques mois. Art Can Die, qui s’est donnée pour mission de connecter des artistes, des collectionneurs et des passionnés autour de projets artistiques grâce à la blockchain et aux NFT, a inauguré le1er septembre à… Bangkok sa première exposition, The New Ark Exhibition, afin de présenter pendant six semaines les œuvres de treize artistes internationaux. « C’est la première fois qu’une exposition artistique de cette ampleur est financée exclusivement par la vente d’un token et nous avons reçu les patronages officiels des ambassades de France et de Belgique à Bangkok, ainsi que celui du Ministère de la Culture de Thaïlande », se réjouissait sur notre site, l’avocat international Jean-Marc Goossens, qui a co-fondé et préside Art Can Die. Tout semble donc aller pour le mieux dans le meilleur des mondes sur le marché de l’art non « fongible » (ce terme, nous rappelle le Larousse, se « dit de choses qui se consomment par l’usage et qui peuvent être remplacées par des choses de même nature, de même qualité et de même quantité »). Sauf que…

Une valorisation en chute libre

Il est parfois bon de laisser le temps au temps pour mieux apprécier une situation. Si la vente des NFT du Baiser de Gustav Klimt a été un indéniable succès, les personnes qui ont acheté des jetons par pure spéculation doivent aujourd’hui se mordre les doigts. Le cours du « Kiss » a en effet atteint 0,08 Ether à son plus bas, soit à peine plus de 135 dollars, d’après le site Etherscan. Sa valeur est depuis un peu remonté. La plateforme Opensea propose actuellement 32 jetons du Baiser. Si le vendeur le plus optimiste espère trouver un acquéreur pour la somme astronomique de 1908 Ether (2,57 millions d’euros), un autre accepte de s’en séparer pour à peine 0,38 Ether, soit moins de 515 euros. Catherine Ringer et Fred Chichin avaient tellement raison…

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