18 février 2025

Temps de lecture : 4 min

« Les marques de luxe doivent s’inspirer des pratiques digitales de la fast fashion », Virginie Blot (Akeneo)

Le succès des géants de la fast-fashion comme Shein ne doit pas effrayer mais plutôt inspirer les géants du luxe, nous explique Virginie Blot, Product Marketing Manager chez Akeneo, le leader mondial de la Gestion de l’Information Produit (PIM). À quelques détails près...

LUXE

INfluencia : Quelles sont les causes de l’essoufflement du secteur du luxe, et comment la fast fashion en tire-t-elle profit ? 

Virginie Blot : La situation actuelle correspond à un vrai changement des attentes et des besoins des consommateurs, notamment chez les jeunes générations. Ces consommateurs préfèrent tourner leurs dépenses importantes vers de l’expérientiel, plutôt que de la possession matérielle. Par conséquent, lorsqu’il s’agit d’achats matériels, ils se tournent vers des marques plus abordables. C’est aussi lié à la baisse du pouvoir d’achat, qui pousse les consommateurs à réduire leurs dépenses pour les biens non essentiels, dont les produits de luxe. Face à ces nouveaux standards, la fast fashion s’adapte très bien en proposant des produits abordables et facilement accessibles. Des plateformes comme Shein ou Wish, par exemple, proposent des prix quasi-imbattables et renouvellent leurs collections en permanence, répondant à cette envie de nouveauté et de rapidité qui caractérise les jeunes générations.

IN : Quels leviers technologiques et stratégiques ont permis à Shein de devancer les acteurs établis du retail ? 

V. B. : Le succès de Shein, c’est avant tout sa capacité à renouveler ses offres en permanence : environ 8000 nouveaux produits sont proposés sur la plateforme tous les jours. Pour assurer cette vitesse de renouvellement, Shein s’appuie sur l’exploitation de l’IA et des données. En collectant massivement des données issues des réseaux sociaux, des recherches en ligne et du comportement des utilisateurs sur son application, Shein ajuste ses produits, stocks et volumes de production en fonction des ventes et de la demande en temps réel. Résultat : une offre ultra-réactive, qui colle aux attentes des consommateurs.

IN : Pensez vous que le succès de Shein va perdurer et pourquoi ?

V. B. : Shein possède de nombreux avantages sur le marché : un modèle de production ultra réactif, un renouvellement quotidien des collections, une présence digitale massive et des prix imbattables. La marque colle parfaitement aux attentes des consommateurs, soucieux de leur pouvoir d’achat, et aux tendances du moment. Mais en parallèle, on remarque une réelle prise de conscience environnementale chez les consommateurs : de plus en plus se tournent vers des marques plus responsables, avec un impact social et écologique moindre. Par ailleurs, Shein pourrait être impactée par la loi adoptée en 2024, qui met en place un système de bonus-malus environnemental sur les vêtements. Cette mesure prévoit l’application d’un malus de 5 euros par article ne respectant pas certains critères environnementaux et sociaux. Cela risque d’augmenter le prix des produits Shein donc de remettre en question son principal avantage concurrentiel. Aujourd’hui, Shein est un des leaders du e-commerce en France, mais si la marque ne s’adapte pas aux nouvelles attentes en matière de responsabilité et aux réglementations qui se durcissent, sa croissance pourrait ralentir dans les prochaines années.

IN : En quoi une gestion optimisée de l’information produit permet-elle aux marques de rester compétitives dans un marché en pleine mutation ?

V. B. : Une information bien structurée, c’est la garantie d’avoir des descriptions cohérentes, des visuels à jour, des recommandations adaptées aux préférences des consommateurs, ce qui permet plus de conversion, plus de fidélisation, et moins d’achats renvoyés. Un autre point essentiel : l’agilité. Dans un marché où tout va très vite, les marques doivent pouvoir déployer leurs nouvelles collections instantanément sur tous leurs canaux de vente. Un bon système de gestion de l’information produit leur permet justement d’assurer cette réactivité tout en gardant une uniformité sur tous les points de contact. Par ailleurs, en centralisant les données produit, on réduit les erreurs, on évite les incohérences entre les différents canaux et on améliore l’expérience client. Enfin, il ne faut pas oublier la transparence. Avec des règles plus strictes et des consommateurs en quête d’informations, une gestion optimisée des données produit garantit conformité et confiance. Dès 2026, le passeport numérique des produits (DPP) obligera d’ailleurs les marques à détailler l’origine et l’impact de leurs produits, rendant une information claire et structurée plus essentielle que jamais.

IN : Comment le luxe peut-il réinventer ses expériences produits afin de répondre aux nouvelles attentes des consommateurs ?

V. B. : L’expérience produit est un pilier historique du luxe, mais a beaucoup évolué avec les attentes des consommateurs. Pour rester en phase avec ces évolutions, le luxe doit aller bien au-delà des simples caractéristiques techniques. Aujourd’hui, l’expérience produit passe par une narration immersive. Les clients recherchent des récits authentiques sur l’origine des matières, le savoir-faire artisanal ou l’héritage de la marque. Ils veulent savoir comment les produits sont confectionnés et d’où ils proviennent. Intégrer des informations détaillées sur les matériaux durables, les certifications environnementales et les engagements éthiques devient essentiel pour instaurer une relation de confiance avec ses clients. 

IN : L’e-commerce n’est-il pas le pire ennemi du luxe ?

V. B. : L’e-commerce peut sembler en décalage avec les codes du luxe, bien que le secteur se soit considérablement digitalisé et adapté aux plateformes digitales. Être présent sur des plateformes trop grand public peut nuire à l’image d’exclusivité d’une marque et accentuer les risques de contrefaçon ou de revente non autorisée. Mais à l’inverse, c’est aussi un levier essentiel pour toucher une nouvelle clientèle, notamment les jeunes générations, qui découvrent d’abord les marques en ligne et attendent une expérience digitale fluide et immersive. Les marques de luxe doivent s’inspirer des pratiques digitales et d’expérience produit des leaders de la fast fashion, tout en adaptant cette digitalisation à leurs codes : sélectionner avec soin les produits mis en avant, proposer des contenus enrichis et privilégier des plateformes spécialisées qui préservent leur image et leur positionnement haut de gamme.

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