19 juillet 2022

Temps de lecture : 4 min

« Les livres peuvent aider à se comprendre et parfois à éviter de se battre. Ce n’est pas rien », Cyrille Eldin

Ses premières pages s’écrivent au Club Med, au théâtre, puis à la télé en tant qu’acteur et chroniqueur décalé, décapant sur Canal+, à la barbe il faut le dire des politiques. Depuis mars 2021, non sans humour les piques en moins, Cyrille Eldin anime « Caractères », le programme littéraire mensuel de la chaîne, un genre assez rare dans le PAF. Essai transformé face « à ceux qui font, aiment et lisent les livres ».
INfluencia : pourquoi cette émission sur la littérature ? En quoi est-elle différente des autres émissions passées et présentes ?

Cyrille Eldin : pour donner goût à la lecture et donner envie à ceux qui ne lisent plus ou pas assez d’ouvrir un livre. C’est tellement bon de créer une intimité avec un auteur qui fait travailler notre imaginaire loin de l’immédiateté des réseaux sociaux. C’est l’occasion de ralentir, d’être cueilli par une histoire, de s’attacher à un personnage… de prendre un vrai temps pour soi. Sans chercher la différence, le fait d’interpeler plusieurs auteurs autour d’un thème qui nous concerne tous comme l’enfance, le voyage, la rencontre permet d’offrir aux téléspectateurs une multitude de points de vue, et peut-être de trouver celui qui leur donnera envie d’en savoir plus et de lire.

 

IN : dans votre émission, vous abordez toutes les littératures : livres pratiques, de développement personnel, BD, grands classiques. Peut-on faire un magazine culturel ouvert à tous ?

CE : c’est peut-être là l’originalité, et si je pèse mes mots, Caractères est plus une émission sur les livres qu’une émission littéraire. Aborder tous les genres augmente les possibilités d’éveiller la curiosité du public. Aimer un livre pour son style, ses images, le sujet, son auteur… Peu importe du moment qu’on a envie de l’ouvrir. Le livre doit être accessible au plus grand nombre, bien sûr. On a tous un livre, un poème, une fable de La Fontaine qui nous a touché. Toutes les émotions se trouvent dans les livres et ce sont elles qui nous animent, nous inspirent et parfois nous révèlent. Une simple rencontre avec un livre ou un texte peut transformer une vie. C’est peut-être un peu cliché de dire cela mais je le vérifie avec la plupart des invités.

IN : est-ce le signe que la culture appartient désormais à tout le monde et qu’il n’y a pas qu’une seule culture avec un grand C ?

CE : oui. Les livres sont par nature l’antidote à cette idée puisque le rapport d’un auteur à l’objet qu’il crée est avant tout de l’artisanat. Il y a une telle diversité d’auteurs qu’on trouve en eux ce qu’on y apporte, comme une auberge espagnole… Une seule Culture avec un grand C serait la conséquence d’une dictature ou d’une pensée unique qui n’en serait pas très éloignée. Il y a peu de chances que cette idée-là effleure le libraire du coin de la rue… Pas encore… Pas déjà ?

IN : comment choisissez-vous les thèmes de votre émission ?

CE : des thèmes qui nous parlent à tous, dans lesquels on s’identifie ou se projette. L’émission est arrivée sur Les antennes de Canal+ en mars 2021, à la sortie d’un confinement, et les premiers thèmes furent le voyage, puis le désir et la rencontre. Tout ce qui nous était interdit finalement. Puis nous avons pris un virage vers des thèmes plus joyeux, positifs, mais aussi plus intimes comme l’enfance ou la croyance.

 

IN : comment réagissent les téléspectateurs après l’émission ?

CE : les retours sont très positifs. Canal et La production Flair ont mis des moyens sur l’image pour qu’on ne soit jamais trop installé. On évite l’ennui grâce aux auteurs et leurs univers en priorité, mais aussi grâce aux décors, aux lieux improbables, aux paysages magiques et à une réalisation qui privilégie le mouvement. Faut que ce soit vrai ! Qu’on soit sur le terrain ! Loin des plateaux, comme dans la vie, et les invités apprécient beaucoup.

 

IN : comment, selon vous, les goûts du public en matière de culture ont-ils évolué en France ?

CE : pour ma part, je découvre beaucoup d’auteurs qui rencontrent le succès dans différents domaines, qu’ils soient romanciers, philosophes, dessinateurs, médecins, cuisiniers, et je suis très optimiste. Le public est présent et enthousiaste. Tous les goûts sont dans la nature des lecteurs, non ?

 

IN : quel pouvoir les livres détiennent-ils ?

CE : tous ! Éveiller, instruire, faire rêver, rire, pleurer, comprendre, adapter, interpréter, aimer… Mais le pouvoir le plus important à notre époque est la communication avec les autres et le partage. Sans mot, sans livre et sans culture on a recours à la violence, car ça devient l’unique moyen d’expression. Les livres peuvent nous aider à nous comprendre, nous rassembler… et parfois éviter de nous battre. Ce n’est pas rien.

IN : estimez-vous que la littérature a une place suffisante dans les médias ? Comment faire en sorte qu’elle fasse plus partie de la culture des Français, des jeunes notamment.

CE : elle pourrait en avoir une plus grande, mais pour cela il faut provoquer l’envie des jeunes générations aussi… Trouver la bonne idée. Qu’elle soit plus ludique que contraignante. Par exemple : J’ai donné envie de lire à mes enfants en leur parlant des écrivains qu’avaient lu les rappeurs qu’ils écoutent. Très efficace !

 

IN : les audiobooks sont-ils un bon moyen de faire découvrir la culture ?

CE : bien qu’ils nous remettent dans une forme de passivité, ils donnent la possibilité de découvrir un livre… C’est un plus pour la culture. Mais tout le monde n’arrive pas à faire deux choses à la fois. Et si c’est pour l’écouter les yeux fermés, autant s’endormir avec un bon livre.

 

IN : que vous a apporté et vous apporte encore la littérature aujourd’hui ?

CE : la découverte de personnalités immenses qui m’ont donné une vraie curiosité du monde et des rapports humains. J’aime le style, le rythme et la cadence qui donnent le ton à une histoire et nous aident à prendre du recul sur des idées. Il y a les auteurs fétiches qui vous suivent tout au long de la vie, et les découvertes.

 

IN : comment lisez-vous ?

CE : j’ai toujours deux, trois livres que j’emporte avec moi en déplacement et que je picore au gré des envies, soit des pensées, soit une histoire ou une pièce de théâtre. Depuis Caractères, ce sont les livres des invités qui ont pris le dessus sur mes habitudes. Tant mieux ! J’ai rajeuni.

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