8 mars 2018

Temps de lecture : 4 min

Les freelances, les pollinisateurs de la transformation

L'explosion historique du " freelancing " peut faire peur, entre sentiments de disparition de la firme, de fin du management et l'angoisse de voir s'éroder la loyauté des collaborateurs. Ces craintes sont-elles justifiées ? Pour le savoir, il faut comprendre l'impact des freelances sur les entreprises et le management. C'est ce qu'a fait Malt dans une étude.

L’explosion historique du  » freelancing  » peut faire peur, entre sentiments de disparition de la firme, de fin du management et l’angoisse de voir s’éroder la loyauté des collaborateurs. Ces craintes sont-elles justifiées ? Pour le savoir, il faut comprendre l’impact des freelances sur les entreprises et le management. C’est ce qu’a fait Malt dans une étude.

Entre les débats techniques ou empiriques sur la réforme du Code du travail et les atermoiements et introspections des chefs d’entreprise accaparés par la transformation des écosystèmes entrepreneuriaux classiques, le terreau macronien du nouveau monde est aussi fertile qu’un potager de Pierre Rabhi. La montée du  » freelancing  » constitue un symbole de cette mutation. Il y a presque trois ans, INfluencia se demandait si la France allait devenir une nation de freelances. L’an passé, nous rappelions qu’il y avait selon Eurostats, 830 000 freelances en France, soit 126% de plus qu’il y a dix ans. Mais comment ces derniers transforment les entreprises et le management ? Malt répond en publiant une étude inédite. De façon qualitative, Laetitia Vitaud, spécialiste du futur du travail et professeur à Sciences Po Paris, est allée à la rencontre de plusieurs clients grands comptes de Malt (DRH, Directions Achats, DSI, Innovation) pour comprendre comment le freelancing devient une source importante d’accès aux talents. Pour mieux analyser comment le fait de travailler avec les freelances transforme leur quotidien de manager. Il en est ressorti 5 grands enseignements qui structurent l’étude tout juste présentée.

Primo, repenser l’accès au talent car les grandes entreprises ne sont plus perçues comme le Saint Graal à la fin d’un parcours académique : les start-up et le freelancing attirent de plus en plus ces talents; secundo, internaliser ou externaliser car la transformation digitale impose la coordination des projets en interne avec des ressources externes pour compléter les équipes en interne; tertio, repenser l’organisation du travail car  » un freelance, hier chez Blablacar, pourra travailler demain chez Renault, et venir polliniser une certaine culture de travail, des méthodes, un rapport à la hiérarchie « , explique Vincent Huguet, co-fondateur de Malt; quarto, repenser le temps et l’espace car chez les clients corporate, les freelances intègrent une équipe, sur leur lieu de travail et avec leurs horaires, le temps d’une mission. Ils amènent avec eux un rapport au temps et à l’espace différent. Enfin, repenser la gestion des ressources humaines car les clients interrogés savent que leurs organisations vont devoir s’adapter au travail avec ces talents en direct, tout en gardant sécurité et fluidité.

Entretenir des relations à long terme avec les freelances est devenu un enjeu de marque employeur

 » En France, la population active reste dominée par le salariat et le sera encore longtemps. Tout le monde ne sera pas travailleur indépendant. Tout le monde n’est pas fait pour travailler en freelance. Par contre, on est bien dans l’ère du freelancing parce que les entreprises commencent à comprendre qu’elles ont besoin des freelances, ponctuellement ou régulièrement, pour des compétences qu’elles n’ont pas en interne. Et même, dans certains cas, certaines compétences ne sont accessibles qu’en faisant appel à eux. Là, où autrefois, ces entreprises étaient dépendantes de sociétés de services spécialisées qui leur envoyaient des prestataires, de plus en plus, elles iront chercher en direct les talents externes et entretiendront des liens privilégiés avec ces talents « , commente Laetitia Vitaud.

En effet, les frontières entre l’interne et l’externe se sont brouillées davantage, poursuit-elle :  » Entretenir des relations à long terme avec les freelances, basées sur la confiance et la transparence, c’est devenu un enjeu de marque employeur. De plus en plus, la gestion de ces “ communautés ” devient un enjeu RH majeur. Ce qui me surprend le plus, c’est surtout à quel point on sous-estime encore la force de ce phénomène et les aspirations des travailleurs qui le soutiennent : tous les travailleurs (ou presque) veulent plus d’autonomie au travail et plus de sens. Les freelances sont ceux qui l’expriment le plus fort « .

Publicis dans le top 3 des solliciteurs

En plus de son étude  » Comment les freelances transforment le management « , Malt a analysé la data de ses 70 000 profils inscrits pour sortir le premier classement des freelances chez les entreprises du CAC 40. Le Top 3 ? Orange, BNP Paribas, Publicis. Société Générale, Axa, Capgemini et Carrefour sont dans le top 10. Pour quelles raisons les entreprises les mieux classées font-elles autant confiance aux freelances ?  » Elles souffrent d’une relative “ pénurie d’ingénieurs ” et elles se rendent compte qu’elles sont parfois perçues comme moins attractives par les candidats. Les entreprises qui ont imaginé des solutions à ce problème ont su tester le recours au freelancing sur des projets ponctuels. Elles ont progressivement transformé leurs processus pour en faire une habitude. Ces entreprises-là ont une longueur d’avance en matière d’agilité et de capacité à innover « , répond Laetitia Vitaud.

Mais attention, ce boom des freelances ne signifie pas le remplacement des salariés par une main d’oeuvre plus flexible.  » Au contraire, il s’agit de compléter un savoir-faire avec des compétences et des talents, souvent issus des métiers de l’IT, difficiles à trouver en interne. De plus, les freelances étaient déjà considérés comme des prestataires, avec un mode de fonctionnement flexible, mais auprès de SSII, d’agences web « , assure Vincent Huguet. Dont acte.

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