10 juillet 2024

Temps de lecture : 5 min

Les collectifs de freelances séduisent toujours plus d’entreprises… mais à quel prix pour les travailleurs ?

Collective.work publie sa troisième étude sur les collectifs de freelances, réalisée en partenariat avec Shine, le compte pro des entreprises et des indépendant·es. Elle nous révèle, sans trop de surprise, que l’organisation en collectif a le vent en poupe chez les freelances comme chez les entreprises. Un statut qui pose cependant plusieurs problèmes à celui ou celle qui l’adopte. Merci patron… ?

« Avec 90 % de freelances séduit par le modèle, on estime que les collectifs pourraient générer jusqu’à 17 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel en France. Un chiffre susceptible d’atteindre 23 milliards d’euros en 2028. Et ce n’est que le début ! », observent Jean de Rauglaudre, CEO et co-fondateur de Collective.work, et Jean-Baptiste Sciandra, CEO de Shine, en guise d’introduction.

En France, plus d’un million de personnes ont déjà sauté le pas du freelancing. Rien d’étonnant aujourd’hui à ce qu’un travailleur, quel que soit son domaine professionnel, choisisse de vendre son savoir-faire lui-même et selon ses termes – du moins en apparence – à autant d’employeurs que possible plutôt que de s’engager auprès d’un seul. Les données parlent d’elles-mêmes : en 2023, des études proposées par Statista et Eurostat décomptaient entre 1 et 3,2 millions d’indépendants en France.

Un pour tous, tous pour un

En parallèle, et c’est un peu ironique quand on observe l’étymologie même de cet anglicisme, alors que de plus en plus de français rêvaient de se mettre à leur compte, les freelances, au contraire, choisissaient de se regrouper en collectif pour mutualiser leurs réseaux, leurs compétences et leurs méthodologies de travail. Dans le meilleur des mondes, le collectif allie ainsi les bénéfices de l’entreprise traditionnelle à ceux du travail indépendant.

La pandémie est venue accélérer encore davantage le mouvement puisque selon l’INSEE, près de 550 000 nouveaux auto-entrepreneurs ont choisi cette formule en 2020. Mais qu’on ne s’y trompe pas, la Covid n’aura été qu’un accélérateur de particules. Pour comprendre les raisons de l’explosion du freelancing aujourd’hui, et surtout des collectifs, il faut aller chercher ailleurs. À travers la troisième édition de leur étude sur les collectifs de freelances publiée cette semaine, Collective.work et Shine nous livrent leur analyse de la situation.

Quel intérêt pour les travailleurs ?

Indépendance et flexibilité sont bien sûr les deux raisons principales pour se lancer. 27 % des travailleurs interrogés recherchent davantage de flexibilité et 20 % d’entre eux veulent mieux choisir leurs missions. La montée en puissance du travail indépendant est aussi guidée par un désir grandissant d’entreprendre – 20 % –. Le collectif suit le même chemin avec plus de 25 000 équipes d’indépendants.

C’est sans compter les freelances qui opèrent sur un modèle d’équipe de manière informelle. Les raisons de cet engouement sont multiples. La première est animée par la volonté à 33 % de participer à des missions plus ambitieuses mais ce mode de travail répond à d’autres aspirations : combattre l’isolement – 26 % –, choisir ses coéquipiers – 20 % –, et augmenter ses revenus – 18 % –.

Une tendance devenue réalité

« Le freelancing est devenu un sport collectif : guilds, squads, teams, réseaux d’experts… le collectif revêt des formes nombreuses et permet déjà à la majorité des freelances de travailler autrement », commente Jean de Rauglaudre, CEO et co-fondateur de Collective.work. Jean-Baptiste Sciandra, CEO de Shine ajoute même que « dans notre entreprise, nous sommes convaincus depuis toujours que futur du travail et freelancing sont liés ».

De quoi l’avoir poussé dès 2019 à modifier « tous les contrats de nos salarié·es, en supprimant la clause d’exclusivité et en incluant un jour par mois dédié au freelancing. C’est une tendance de fond. Le recours aux collectifs en est la suite logique ». Une manière évidente de joindre les actes à la parole.

Les collectifs séduisent d’ailleurs tout type d’entreprise. En tête, les TPE – 36 % –, suivies de près par les ETI – 28 % –, et les PME – 24 % –. Mais également tout type de secteur : la Tech – 30 % – comme les services financiers – 26 % –. À l’inverse, l’éducation est en queue de peloton – 8 % –. La flexibilité du modèle est plébiscitée, à savoir que 41 % des entreprises font appel à des collectifs pour des besoins ponctuels tandis que 30 % voient le freelancing comme un modèle de collaboration moins engageant. Le recours à des freelances est aussi un gain de temps pour 36 % des sondés et un gage d’expertise pour 28 % d’entre eux. Contre toute attente, la raison budgétaire est la dernière évoquée.

Plus une béquille que l’objet d’une restructuration

Pour autant, l’enquête révèle une disparité dans la fréquence d’usage : 31 % font régulièrement appel à des freelances, contre seulement 15 % à plein temps. À l’inverse, elles sont 39 % à n’y avoir recours que rarement. Ces chiffres mettent ainsi en lumière une pratique qui s’installe mais qui exige d’être davantage encadrée pour s’inscrire durablement dans les habitudes.

« Aujourd’hui, les freelances sont reconnu·es comme de véritables expert·es dans leur domaine et apportent une vraie plus-value aux projets. En travaillant en réseau, ils peuvent se coopter sur des missions, réaliser des projets ensemble, s’entraider, se former… et ils deviennent ainsi plus pertinents et accessibles pour les entreprises », ajoute Jean de Rauglaudre.

De la difficulté de faire rencontrer ces deux mondes

« Parmi nos client·es, nous avons autant d’entreprises que de travailleurs indépendant·es. Ce sont deux mondes qui se côtoient sans vraiment se rencontrer. D’où l’intérêt des collectifs et du partage de réseau », explique Jean-Baptiste Sciandra, CEO de Shine. Trouver des missions est le principal challenge pour 62% des freelances interrogés. Même constat pour les entreprises. Trouver les meilleurs talents représente un défi de taille : elles sont 56 % à avoir des difficultés à trouver les bonnes ressources au bon moment.

« Cette situation s’explique par le réseau qui reste un des principaux leviers pour entrer en contact. Avec Collective.work, nous facilitons la collaboration entre freelances et entreprises. Mais ces dernières ont aussi un rôle à jouer : il faut à la fois séduire, motiver et fidéliser ces talents externes. C’est là tout l’enjeu ! », conclut Jean de Rauglaudre.

Un statut à ne pas adopter à la légère

Mais tout n’est pas rose sous le soleil des indépendants regroupés. Il convient de rappeler qu’un collectif n’a pas de structure organisationnelle formelle, contrairement aux entreprises traditionnelles. De quoi « rendre la prise de décisions collective et la coordination des efforts plus complexe. Par ailleurs, la communication peut parfois être difficile, surtout si les membres travaillent à distance et ne disposent pas de locaux partagés », comme le souligne le site Espace Auto-Entrepeneur. Sans oublier que leur volatilité – inhérente à leur statut –, y compris pour entrer et sortir d’un collectif quand l’envie ou les obligations les contraignent, peut entraîner un manque de stabilité dans le travail réalisé.

Enfin, le statut de freelance ne confère pas les mêmes avantages pour la retraite, que ceux de salariés. Les travailleurs indépendants assument l’entièreté de leurs cotisations alors que pour les salariés, elles sont réparties entre lui-même et son employeur. De plus, le premier ne bénéficie pas du plan épargne retraite mis en place par son employeur. C’est bien à lui de mettre en place – ou non – une protection au-delà des régimes obligatoires. Le départ à la retraite en moyenne est de 62 ans pour les freelances seniors mais pour bénéficier d’un taux plein, les indépendants ont tendance à prendre leurs retraites vers 67 ans. C’est donc à chacun.e de peser le pour et le contre avant de donner sa force de travail au freelancing et comme toujours, tout est une question de timing et de priorités de vie.

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