23 octobre 2013

Temps de lecture : 2 min

Leonarda : tous les ingrédients pour construire un nouveau mythe

Inconnue il y a un mois, Leonarda, est devenue plus qu’un symbole, un mythe, celui d’une gosse victime d’un monde de « grands » : petite esquisse de construction d’un nouveau mythe.

La question Rom est « sur la table » depuis longtemps, avec des directives européennes généreuses mais visiblement difficiles à appliquer, de l’argent qui disparaît dans les caisses des états d’origine. Et puis tout à coup, un prénom inusuel, une proximité, le féminin de Leonardo, (Dicaprio ou Da Vinci) ; en tous cas, un prénom plutôt génial ! Et puis un visage encore ingrat entre la petite fille et la jeune fille. Et au Kosovo, une robe rose, bien sage, désuète à souhait, presque ringarde comme l’est cette question qui devrait être résolue depuis des lustres.

La transgression comme carburant

Première transgression : la police à l’école ! Ou pire, à la descente d’un bus scolaire où la classe réunie allait s’ouvrir à l’entreprise, au monde censé être accueillant pour cette jeunesse qui se cherche tant. Comme un air de rafle, même si cela a été fait avec précaution. Des copines qui questionnent « qu’est-ce que tu as fait ? ». Le sentiment de la gamine d’être en fraude car elle connait la situation de sa famille. Ses plaidoiries à la télévision montrent bien qu’elle a appris, malgré elle, à bien manier le « storytelling » des grands.

Deuxième transgression : le président de la République, ne sachant comment se sortir de cette affaire qui est née comme une mauvaise goutte paralysante le lendemain d’un diner trop arrosé, propose de séparer la gosse de sa famille. Toute seule en France, dans un foyer, gavroche au féminin, obligée de se débrouiller dans ce monde déjà surmédiatisé autour d’elle ! Impensable, sauf dans l’esprit de quelque haut fonctionnaire habitué à « faire des synthèses ».

Une histoire sans issue

Le mythe est là pour permettre de discerner une solution dans une situation impossible. Œdipe illustre la position impossible des fils, Antigone exprime la force de la morale privée face à la raison d’état, Prométhée la difficile situation de l’homme démuni face aux cieux, Sisyphe l’acceptation de la condition humaine, fût-elle désespérante. Leonarda est désormais identifiée à la situation impossible d’une enfant dans un monde d’adultes, trop grand et trop bête pour elle. Une Cosette des temps moderne, en quelque sorte. Qui sera son Jean Valjean ou son Victor Hugo ? Vus le nombre de commentateurs, les candidats ne manquent pas.

La jeunesse fait bloc

La logique communautaire de la jeunesse se met en place ; Leonarda n’est plus seule. Elle n’est plus la conséquence malheureuse malgré elle d’une politique mais le moteur d’une mobilisation. D’objet balloté, elle devient sujet et joue à fond son rôle en attisant les médias qui campent au Kosovo. Un dialogue se crée entre cette jeune Rom et toute une jeunesse. Comme jadis, le « Che » n’était pas seulement le symbole identitaire d’une Amérique centrale en recherche de sa voie politique mais d’une jeunesse mondiale en quête d’un idéal dans un monde endormi.

Et pour clôturer le tout, un parfum de scandale

Le père serait menteur et violent. Il achète de faux papiers comme vous et moi achetons une botte de navets. Et pour moins cher ! Il battrait sa femme et ses gosses. Un vrai Thénardier ! Il ne manquait plus que cela pour rendre la situation encore plus inextricable ! Ce mythe commence comme un thriller. Espérons qu’il nous épargnera les cadavres, trop souvent inhérents aux mythes les plus robustes ! Car le tragique du mythe pour s’installer définitivement ne se contente pas, la plupart du temps, de simples allers-retours entre l’Europe Centrale et l’Europe occidentale !

Georges Lewi
Mythologue, spécialiste des marques.
Blog : www.mythologicorp.com

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