6 juillet 2021

Temps de lecture : 2 min

Les leçons de business de Hubert Joly, le sauveur de Best Buy

A l’occasion de l’événement virtuel Retail Converge, organisé par la NRF, l’association des distributeurs américains, le Français Hubert Joly est revenu sur son travail impressionnant pour redresser Best Buy, enseigne donnée pour morte face à Amazon il y a encore quelques années. L’occasion également pour lui de partager sa vision du business, bien loin du traditionnel capitalisme à l’américaine.

Pendant sept ans, de 2012 à 2019, Hubert Joly a été à la tête du distributeur Best Buy, un équivalent de la Fnac ou de Darty aux Etats-Unis. Une période charnière pour l’entreprise : au début des années 2010, personne ne donnait cher de cette enseigne réduite au statut de showroom pour ses concurrents e-commerçants.

A l’époque, certains de mes amis ont pensé que j’étais soit suicidaire, soit fou. Mais j’aime les challenges”, se souvient Hubert Joly. Il faut dire que son passé dans le tourisme, au sein du groupe Carlson, ne le prédisposait pas à prendre la tête d’une chaîne de milliers de magasins d’appareils électroniques en pleine tourmente. Pourtant, en quelques années, ce CEO atypique a réussi à redynamiser l’entreprise pour en faire un exemple de transformation… allant même jusqu’à s’allier avec son concurrent de toujours, Amazon !

“Nous avons neutralisé la concurrence”

Nous avons commencé par nous assurer que nos prix étaient compétitifs, par exemple en donnant le pouvoir aux employés de baisser les prix pour s’aligner sur ceux d’Amazon”, explique l’ancien CEO, désormais enseignant à Harvard. Ce mouvement s’est accompagné d’investissements importants dans l’expérience client et la logistique, afin d’être au même niveau qu’Amazon. “Nous avons neutralisé leur concurrence, puisque nous avions les mêmes prix, la même expérience e-commerce, les mêmes délais de livraison.”

Le tout, avec en plus des magasins, permettant de développer une expérience omnicanale qu’Amazon n’avait pas. “La priorité était de réparer ce qui était cassé. Et la bonne nouvelle, c’est qu’il y avait tellement de choses à réparer qu’il y avait énormément de marge de progression”, estime-t-il. Au passage, il étrille les analystes qui lui conseillaient à l’époque de couper dans le dur en fermant des magasins et en licenciant, “comme si les gens étaient le problème”.

“Ne commencez pas par virer des gens”

Au contraire, précise-t-il : “l’essentiel de la réussite de ce redressement d’entreprise tient à l’approche centrée sur l’humain que nous avons adoptée. Écoutez les employés qui sont en première ligne, ils ont toutes les réponses. Assurez-vous d’avoir les bonnes personnes dans l’équipe de direction. Ne commencez pas par virer des gens, commencez par faire croître les revenus. Si vous voulez réduire les coûts, commencez par tout ce qui n’est pas lié à la masse salariale.” Dernier point crucial : “créez de l’énergie !

Cette vision “humaine” de l’entreprise et de la transformation numérique tranche avec les principes du capitalisme américain. Mais ce diplômé d’HEC et de Sciences Po assume : “commencez par les gens. Considérez les profits comme une conséquence, pas comme le but ultime.” Et d’enfoncer le clou : “deux personnes sont responsables de beaucoup des problèmes que nous avons aujourd’hui dans le monde : Milton Friedman, avec son concept de ‘shareholder primacy’ et son obsession du profit, ainsi que Bob McNamara, l’inventeur du management scientifique par le haut”.

Promoteur d’un capitalisme plus coopératif

Hubert Joly se fait aussi promoteur d’un capitalisme plus coopératif, citant l’exemple du partenariat noué par Best Buy pour distribuer les produits d’Amazon dans ses magasins, chacun y trouvant son compte. “Il y a plusieurs maux dans ce monde, l’un est le covid, l’autre est l’idée que le business est un jeu à somme nulle”, explique-t-il avec son sens de la formule. “Tout ce que j’ai appris en école de commerce, chez McKinsey ou aux débuts de ma carrière de dirigeant est, soit faux, soit dépassé, soit incomplet. Nous devons réinventer la façon de faire du business et de diriger les entreprises.”

Les idées d’Hubert Joly semblent séduire l’Amérique : publié en mai 2021, son ouvrage “The Heart of Business: Leadership Principles for the Next Era of Capitalism” s’est rapidement classé dans les listes de best-sellers outre-Atlantique !

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