7 décembre 2021

Temps de lecture : 4 min

« Le Web 3.0 plus puissant que tout ce que nous avons vu ces dernières décennies », Jean-Christophe Liaubet, Fabernovel

Fabernovel vient de publier la nouvelle édition de son étude GAFAnomics Quarterly dédiée cette fois-ci aux nouveaux standards d’expérience proposés par les GAFA. Au programme le Web 3.0. Explication de texte avec Jean-Christophe Liaubet, Managing Partner de Fabernovel et Pierre Gonnet, Analyste.
INfluencia: pourquoi s’intéresser à l’expérience et aux nouveaux standards proposés par les GAFA – et les entreprises de la tech en général ?

Pierre Gonnet : Nous avons cherché à comprendre comment les GAFA traduisaient en expérience les besoins de base des utilisateurs – simplicité, pertinence, sécurité, temps réel… Beaucoup de standards ont été créés par les GAFA : c’est le cas par exemple de Netflix, qui est assez emblématique. De l’interface utilisateur jusqu’à la production de contenus, Netflix a mis la personnalisation au cœur de son modèle. Pour chaque utilisateur, l’interface va être différente, y compris pour les vignettes qui présentent chaque contenu.

IN. : de nouveaux standards d’expérience sont-ils en train d’émerger ?

Pierre Gonnet : oui : un autre exemple est celui d’Apple, dont le modèle change beaucoup actuellement. Sa prochaine étape est de repenser l’identité à l’heure du numérique, avec son Apple ID. Pour certains, cela commence par le passe Covid, mais dans plusieurs pays, les fonctionnalités vont s’étendre encore plus loin.

IN. : le metaverse pourrait-il aussi bouleverser tous les standards actuels ?

 Jean-Christophe Liaubet : notre vision est qu’il n’y aura pas un métavers, mais une multitude, avec des modalités d’accès variées et des cas d’usage très riches, allant du BtoC au BtoB – et pas seulement pour se divertir ou socialiser. Toutes les industries sont concernées. Trois secteurs sont déjà particulièrement actifs sur le sujet : le luxe, la grande consommation, avec des acteurs comme Nike, et l’industrie, mais plutôt avec une vision “jumeau numérique”.

Les différents acteurs qui ont pris la parole sur le sujet ont d’ailleurs des approches très différentes. Facebook/Meta a une vision centralisée, centrée sur la réalité virtuelle. Roblox propose aux marques d’intégrer son metaverse (comme Nike qui y a lancé récemment Nike Land) et de bénéficier de sa large audience (47 millions d’utilisateurs quotidiens). 

Nvidia est dans une proposition davantage BtoB, baptisée “Omniverse”, autour d’une plateforme ouverte et extensible s’adressant conçue pour la collaboration virtuelle de différents acteurs ( designers, ingénieurs, chercheurs, éditeurs de logiciels, entreprises de tout secteur) pour le développement de nouvelles solutions (avatars augmentés par l’IA par exemple) et les simulations en temps réel. 

Nike a des indicateurs de croissance assez similaires à ceux de Puma. Pourtant, les investisseurs valorisent Nike près du double.

Niantic et Snap, eux, croient davantage à la réalité augmentée que virtuelle, avec des ponts entre mondes physique et virtuels. Mais la porte d’entrée du metaverse reste l’écran : même si les casques progressent, l’ordinateur et le mobile restent les outils qui ont la plus forte pénétration. En attendant peut-être les lunettes connectées.

IN. : dans votre étude, vous établissez une corrélation entre qualité de l’expérience et valorisation boursière : pouvez-vous la détailler ? 

Pierre Gonnet : la qualité de l’expérience se retrouve assez clairement dans la valorisation boursière. Nike, par exemple, a des indicateurs de croissance assez similaires à ceux de Puma. Pourtant, les investisseurs valorisent Nike près du double.

Jean-Christophe Liaubet : par le passé, on a connu des primes à la technologie dans les valorisations, aujourd’hui on voit émerger des primes à l’expérience. Nous sommes convaincus qu’une révolution très puissante arrive, celle du Web3, dans laquelle les marques vont pouvoir tirer partie de leur avantage concurrentiel : le lien qu’elles ont créé avec leurs utilisateurs. L’économie de l’expérience va vraiment être incarnée dans ce Web3.

IN. : le Web3 ? 

Jean-Christophe Liaubet : c’est une nouvelle ère de l’internet : le Web3 va rajouter au web tel qu’on le connait la couche blockchain, ce qui va permettre de créer de nouveaux modèles économiques. Sa promesse est d’offrir des modèles décentralisés, dans lesquels la communauté retrouve un pouvoir.

Le Web3 est cette révolution d’une ampleur et une vitesse inégalées qui risquent de surprendre, car elle va s’opérer sur une infrastructure qui existe déjà et compte plus de 4,5 milliards d’utilisateurs…

Le Web 1.0 était un Internet à sens unique (consultation d’information) et reposait sur l’ordinateur. Le Web 2.0 introduit l’ère de l’échange d’information (réaction et partage de contenu), du social et la connexion entre les individus, avec la généralisation du téléphone mobile, des réseaux sociaux et des technologies cloud. Il repose sur de grandes et puissantes plateformes (dont les GAFAM et BATX) centralisant les données, la valeur et le pouvoir qui y sont associés. 

Le web 3.0 va instaurer un changement de paradigme : c’est l’ère de la décentralisation et de la reprise en main par les communautés et les créateurs de la valeur qu’ils génèrent. Il s’agit d’une triple révolution : culturelle avec le développement d’une idéologie (qui était celle d’Internet à ses débuts), technologique (avec le développement à l’échelle des technologies blockchain), et enfin économique avec l’émergence de nouveaux modèles offrant plus de transparence et un partage plus équitable de la valeur (grâce au crypto monnaies notamment). 

Notre conviction est que cette révolution va se passer avec une ampleur et une vitesse inégalées qui risquent de surprendre, car elle va s’opérer sur une infrastructure qui existe déjà et compte plus de 4,5 milliards d’utilisateurs…

Pour réussir dans le Web3, il faut une communauté forte, certes, mais aussi une interopérabilité, et de la responsabilité…

IN. : ce modèle décentralisé est aux antipodes de celui des GAFA. Peut-il vraiment s’imposer ?

Pierre Gonnet : c’est un des signaux faibles que nous commençons à observer : les GAFA ont créé des standards d’expérience en oubliant un élément indispensable : la responsabilité. Dans ce paysage, Apple s’en sort mieux, du fait qu’il propose des expériences qui se présentent comme plus responsables que les autres.

Jean-Christophe Liaubet : oui, les GAFA ont mis en place des standards élevés en termes d’expérience client, mais sans miser suffisamment sur l’éthique et la confiance de leurs utilisateurs. C’est leur talon d’Achille. Car pour réussir dans le Web3, il faut une communauté forte, certes, mais aussi une interopérabilité, de la responsabilité et un modèle bien aligné avec les intérêts des différentes parties prenantes. 

Facebook/Meta par exemple, a très bien réussi sur la partie expérience, mais ses tentatives de développer une économie associée – avec Libra/Diem notamment – ont été des échecs. J’y vois une opportunité pour l’Europe : nous pouvons retrouver de la compétitivité, parce que le continent est plutôt bien positionné sur les sujets blockchain, environnement, éthique… 

IN. : et pour les marques ?

Jean-Christophe Liaubet : les cartes vont être rebattues. On voit des maisons de luxe qui réfléchissent à ce qu’elles peuvent proposer en termes d’expérience immersive à leurs clients ou aux nouveaux modèles autour des NFT et des tokens. Ce qu’on a devant nous en matière d’innovation est plus puissant que tout ce que nous avons vu ces dernières décennies.

En résumé

Le Web 1.0 était un Internet à sens unique (consultation d’information) et reposait sur l’ordinateur. Le Web 2.0 introduit l’ère de l’échange d’information (réaction et partage de contenu), du social et la connexion entre les individus, avec la généralisation du téléphone mobile, des réseaux sociaux et des technologies cloud. Il repose sur de grandes et puissantes plateformes (dont les GAFAM et BATX) centralisant les données, la valeur et le pouvoir qui y sont associés.

Le web 3.0 va instaurer un changement de paradigme : c’est l’ère de la décentralisation et de la reprise en main par les communautés et les créateurs de la valeur qu’ils génèrent. Il s’agit d’une triple révolution : culturelle avec le développement d’une idéologie (qui était celle d’Internet à ses débuts), technologique (avec le développement à l’échelle des technologies blockchain), et enfin économique avec l’émergence de nouveaux modèles offrant plus de transparence et un partage plus équitable de la valeur (grâce aux crypto monnaies notamment).

Allez plus loin avec Influencia

the good newsletter

LES FORMATIONS INFLUENCIA

les abonnements Influencia