Si tous n’entreront pas au Panthéon de notre langue, certains viendront toutefois s’installer paisiblement dans notre quotidien, au détriment d’anciens vocables jugés désormais trop désuets ou trop offensants pour continuer à figurer une époque plus évoluée ou policée. Ainsi, au nom de l’inclusion, le Scrabble va supprimer progressivement près de 400 mots, à l’instar d’un Youtube parti en croisade contre les gros mots ou le Wokisme qui a fait son entrée dans le dictionnaire.
Pour faire de la place aux Brouteurs (escrocs sur internet), il a fallu aussi dire adieu aux Biaiseurs et autres Abuseurs. Depuis 1694, date du premier dictionnaire, les lexicographes de l’Académie française suppriment en moyenne 500 mots à chaque nouvelle édition, tous les dix ans, pour accueillir chaque année les 150 qui rendent notre langue vivante. Et nous autorise en 2023, entre autres, à Chiller officiellement ou à revendiquer, avec Iel, notre identité plurielle.
Faire de la prospective implique de s’intéresser aux mots, de regarder ceux que l’on imagine pour contourner la nouvelle censure algorithmique (algospeak), décrire de nouveaux usages en les mixant ou rendre compte tout simplement des innovations. Parfois même craindre de passer à côté d’eux sans les voir, en ratant un signal faible qui nous aurait été bien utile. Mais, aimer les mots, c’est aussi savoir dire au revoir à ceux qui qualifiaient une époque pour mieux mesurer le chemin parcouru, sans pour autant les regretter tous.
Car, comme pour Voltaire, si « un bon mot ne prouve rien ! », il dit déjà beaucoup de nous.